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[modifier] Une reine poursuivie par Cromwell

Billet du 24.02.2018 - Cette semaine les facsimilés de deux numéros de 1644 de la Gazette de Renaudot, l'un de la Bibliothèque municipale de Lyon, l'autre de la BnF-Gallica, pour lesquels Guy Autret de Lezergué fournit le récit du débarquement en Bretagne d'une reine d'Angleterre.

Extrait de la Gazette datée du 6 août 1644
Extrait de la Gazette datée du 6 août 1644
L'auteur gabéricois évoque le double reportage de la Gazette dans une lettre qu'il adresse à son correspondant Pierre d'Hozier depuis sa résidence de Lezergué : « J'ay receu la vostre du 14 de ce mois & je vois par l'article qui est dans la Gazette que vous avés prins la paine de montrer ma relation à Renaudot. Je vous aye envoié une seconde plus ample du depuis, laquelle aura encore peu servir au dit Renaudot » (publiée par le comte de Rosmorduc page 83 dans son ouvrage de 1899 sur ses correspondances).

Les gazettes ont été créées en 1631 par Théophraste Renaudot avec l'appui du ministre d'État Richelieu. Les deux articles sont publiés respectivement les 6 et 31 août 1644, le premier dans les pages Gazette n° 93, le second dans les Extraordinaires n° 103. La Gazette fait 8 pages au total avec une quinzaine d'informations brèves de quelques paragraphes chacune. Les Extraordinaires, par opposition aux Nouvelles ordinaires qui sont le 3e type de gazette, incluent deux à trois compte-rendus beaucoup plus longs. Contrairement aux Extraordinaires qui ne contiennent aucun décor hormis la lettrine de début de texte, les titres des Gazettes et des Nouvelles ordinaires incluent une vignette avec respectivement les lettres stylisées G et N.

En 1644 les gazettes sont généralement datées et envoyées le samedi à ses abonnés, avec quelques numéros complémentaires en semaine. La pagination et la numérotation des gazettes, suivant leur nature, se font chaque an en démarrant par le n° 1 au début de janvier. Ainsi le 6 août 1644 deux numéros, le n° 92 et le n° 93 de l'année 1644, sont publiées aux pages 629-632 et 633-640, l'un pour les Nouvelles Ordinaires, l'autre pour la Gazette. Pour cette dernière la vignette est estampillée d'un G et de cette maxime : « guidée du ciel, j'adresse et par mer et par terre ».

Le texte de Guy Autret pour l'article du 6 donne bien le contexte historique de ce voyage : « De Brest, le 26 Juillet 1644. La Reine d'Angleterre est aujourd'hui arrivée en cette ville sur un vaisseau Holandois, monté de quarante pièces de canon : contre lequel le Vice-Amiral du Parlement de Londres a tiré 80 coups de canon ». En effet, Henriette Marie, sœur de Louis XIII, mariée avec le roi anglais Charles Ier, est en fuite avant que son époux ne soit exécuté lors de la première révolution anglaise menée par Oliver Cromwell.

 
Extraordinaires de la Gazette datée du 31 août 1644
Extraordinaires de la Gazette datée du 31 août 1644

La reine d'Angleterre vient d'accoucher d'une fille à Oxford avant d'embarquer : « Elle est tellement incommodée de ses couches ». La légende, non rapportée dans la Gazette, dit aussi que, face aux canons ennemis des Parlementaires anglais, elle demanda à son capitaine : « Quand vous ne pourrez plus me défendre, tuez-moi. ». En tout cas, la gazette précise que, débarquée gràce à une chaloupe de Dinan, elle n'est pas vraiment rassurée dans un premier temps : « Toute la coste estant en armes, l'obligea de faire mettre un mouchoir au haut d'un baston. »

Dans le deuxième article du 31 août, après un rappel de l'accostage très mouvementé, c'est un véritable article « people » que nous produit avec force détails Guy Autret, à savoir la tournée d'une star internationale qui « fut fort bien receue par toute la Noblesse & le peuple »:

Image:Right.gifImage:Space.jpgà Brest, par la Damoiselle de Rohan, ses Officiers, et René de Rieux.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Chateaulin, par l’évêque de Cornouaille et les députés de Quimper.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Quimper, par les sieurs de Kerharo, de Talhoet et du Botilieau, ainsi que Julien Furic, sieur du Run, qui lui fit une « belle harangue ».
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Rosporden, par René de Rieux, ancien évêque de Leon.
Image:Right.gifImage:Space.jpgà Hennebont, Vannes et Nantes, par le marquis de Molac, gouverneur de Quimper et de Dinan.

A chaque étape de nombreux carrosses accueillent la Reine et sa cour, et le marquis de Molac met à sa disposition un « carrosses à six chevaux. Le voyage se poursuit hors la Bretagne, en passant par Angers, Saumur, Amboise et Tours, jusqu'à Bourges où l'attend le prince de Condé.

Henriette Marie restera en France, ne reverra plus jamais le roi son mari, et se retirera au couvent de la Visitation de Chaillot où, après sa mort, Bossuet prononcera une de ses plus célèbres oraisons.


En savoir plus : « Le voyage en Bretagne d'Henriette Marie, reine déchue d'Angleterre, La Gazette 1644 », « Lettre du 29 août 1644 de Guy Autret à Pierre d'Hozier (Rosmorduc, XXI) »