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-==Des "botoù-koad" ou sabots de bois==+==De Kerdévot à Alger en chanson==
-Billet du 27.04.2019 - « <i>J’aime la Bretagne, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture.</i> », Paul Gauguin s’installant à Pont-Aven en 1888 à son ami Emile Schuffenecker.+Billet du 20.04.2019 - Cette semaine une enquête sur une chanson en langue bretonne collectée dans deux inventaires de « <i>Kanaouennoù</i> », l'un de Gabriel Milin en 1961, l'autre d'Hyppolite Laterre et Francis Gourvil en 1911, et enfin en 1905 dans le journal bretonnant « <i>Ar Vro</i> » par l'abbé Henri Guillerm.
<blockquote style="background: white; border: 1px solid black; padding: 1em; border-style: dashed;text-align:justify; text-justify:auto"> <blockquote style="background: white; border: 1px solid black; padding: 1em; border-style: dashed;text-align:justify; text-justify:auto">
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-|width=49% valign=top {{jtfy}}|<imagemap>Image:PhrygienBB.jpg|150px|left|+|width=49% valign=top {{jtfy}}|<imagemap>Image:GwerinHorYezh1961t1.jpg|150px|left|
-default [[1794 - Estimations et adjudications de bois taillis ou à sabots à Pennarun et Lezergué]]+default [[MILIN Gabriel - Kanaouennou, Gwerin 1-3]]
-desc none</imagemap>Les propriétés des Nobles et de l'Église ont été saisies, nationalisées et vendues lors de la Révolution française pour résoudre la crise financière. Les manoirs, chapelles et presbytère, métairies, terres agricoles et convenants sont donc privatisés, mais également les coupes de bois.+desc none</imagemap>Cet inventaire de 99 chants au total, publié en 3 numéros en 1961-62, contient dans son tome 2 deux pages dactylographiées 227 et 228 avec le texte en breton du chant n° 78 daté de 1840 où il est question de la chapelle de Kerdévot et de toutes les chapelles de Cornouaille qu'un soldat appelé à servir en Algérie va devoir quitter.
-Dans la sous-série 1Q « <i>Séquestre des bois et forêts</i> » des Archives Départementales du Finistère, il est question de trois saisies organisées, la première est une adjudication de coupes de taillis appartenant au propriétaire noble émigré du manoir de Pennarun, la deuxième est la confiscation de hêtres pour fabriquer des sabots sur le même domaine de Pennarun, et à Lezergué, et la troisième des pieds d'arbres pour sabots également sur les terres de Lezergué et le long de l'allée de la chapelle de Kerdévot.+Cette version collectée par Gabriel Milin, titrée « <i>Kimiad eur c'hervevod d'he bro</i> » (adieu d'un cornouaillais à son pays), inclut 6 couplets de 8 vers et un refrain impétueux « <i>allo, allo ; allo, allo, adeo da iaouankiz, na meuz mui da c'hoarzin.</i> » (allo, allo ; allo, allo, adieu à la jeunesse, ce n'est plus le temps de rire.).
-L'expert en charge de l'estimation du prix des coupes est Gabriel Gestin, garde des bois « <i>abandonnés par les émigrés</i> ». Le propriétaire dé-saisi de Pennarun est « <i>l'émigré Geslin</i> », c'est-à-dire Marie-Hyacinthe de Geslin (1768-1832), un chouan qui s’illustrera dans l'armée de Georges Cadoudal.+La guerre de conquête de l'Algérie par la France est le contexte de la chanson, et plus précisément la seconde période de guérilla contre l'émir Abdelkader en 1832-1847, car la campagne d'Alger s'est achevée en 1830. En effet les soldats cornouaillais doivent embarquer pour Alger en 1839-40 : « <i>Rak hervez prophetezou Er blavez daou uguent Gand brezel ha klevejou</i> » (Car suivant les prophéties, en l'année quarante, par la guerre et les maladies).
-L'adjudicataire de cette première coupe est le bien-nommé Corentin Bourgeon, qui devra respecter les règles usuelles listés dans le rapport d'adjudication, notamment de favoriser la repousse en laissant un nombre légal de baliveaux. +Le but avoué est de combattre l'ennemi arabo-musulman, qualifié de "Maure" : « <i>Me a meuz klevet 'Lec'h ma yaon da gombati N’euz 'met morianed O laza neket pec'het Rak n’int ket kristenien </i> » (j'ai entendu que là où nous allons combattre il n'y a que des Maures. Les tuer, ce n'est pas péché, parce qu'ils ne sont pas chrétiens), contrairement aux Anglais, les classiques "rudes / méchants" (« <i>gwal</i> ») adversaires.
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 +Le 2e couplet est entièrement à l'organisation d'un dernier pèlerinage à Ergué Gabéric : « <i>C’hui mignonezet devod Euz a barrez Ergue, Da 'ti Itron Varia-Kerzevod, C’hui yalo adarre, Da lakat ho koulaouenn ‘Tal ann aoter heno Ha lavaret eur beden Evid potret ho pro.</i> » (Vous, amis dévots, de la paroisse d'Ergué, chez Notre-Dame de Kerdévot, vous irez encore. Mettez vos cierges là, auprès de l'autel, et dites une prière pour les gars de votre pays.).
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 +<imagemap>Image:KanaouennouBV-Couv.jpg|150px|left|
 +default [[LATERRE Hyppolyte et GOURVIL Francis - Kanaouennou Breiz-Vihan]]
 +desc none</imagemap>Page 328 Gabriel Milin précise l'autre source déjà publiée, sous un autre titre (« <i>Kanaouen soudard</i> »), à savoir l'inventaire « <i>Kanaouennou Breiz-Vihan</i> de l'imprimeur Hyppolyte Laterre et le linguiste Francis Gourvil.
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 +Le chant est rapporté par Pauline Le Moal de Carhaix, et les auteurs signalent une autre publication dans la revue « <i>Ar Vro</i> » par l'abbé Guillerm. On se reportera à la présentation de ce même chant collecté par Gabriel Milin en 1961 pour en connaître le contexte historique et local.
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-|width=49% valign=top {{jtfy}}|Quelques mois après la vente aux enchères du bois taillis de Pennarun, le garde des bois Gabriel Gestin est chargé d'identifier sur les terres des nobles expatriés des plantations de hêtres pour en faire des sabots. Car cette ressource est devenue vitale pour cause de pénurie et il convient de désigner les lieux réquisitionnables : « <i>où il existe des bois propres à en fabriquer des sabots et les désigner pour faire cesser la pénurie de cette chaussure qui depuis déjà longtemps est montée en une valeur intolérable</i> ».+|width=49% valign=top {{jtfy}}|L'originalité de l'édition Laterre-Gourvil est de proposer une partition et une traduction des 6 complets en français.
 +<imagemap>Image:KanaouenSoudardPartition.jpg|360px|center|
 +default [[LATERRE Hyppolyte et GOURVIL Francis - Kanaouennou Breiz-Vihan]]
 +desc none</imagemap>
 +Voici une interprétation à la flûte en bois (&copy; GC Gières 38) :
 +<imagemap>Image:KanaouenSoudardFlute.jpg|360px|center|
 +default [[LATERRE Hyppolyte et GOURVIL Francis - Kanaouennou Breiz-Vihan]]
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 +<br><imagemap>Image:ArVroEbrel1905-Couv2.jpg|160px|left|
 +default [[Kanaouen Soudard, une chanson collectée par l'abbé Guillerm, Ar Vro 1905]]
 +desc none</imagemap>Comme l'indiquent Laterre et Gourvil, le chant « <i>Kenaouen Soudard</i> » est publié dans la revue « <i>Ar Vro</i> » en tant que travail de collectage du prêtre quimpérois Henri Guillerm, vicaire à Ergué-Armel.
-La loi du 29 septembre 1793, dite du « maximum général » et listant 39 articles de première nécessité à contrôler, a considéré que le prix du sabot devait être limité. +Il s'agit de la première recension historique de ce chant daté explicitement de 1840. Le chant est orné d'un croquis d'un petit clocher qui peut faire penser à celui de la chapelle Kerdévot, bien que moins élancé.
-<imagemap>Image:BoutouKoad.jpg|180px|right|+<imagemap>Image:ArVroEbrel1905-KanaouenSoudardClocher2.jpg|120px|right|
-default [[1794 - Estimations et adjudications de bois taillis ou à sabots à Pennarun et Lezergué]]+default [[Kanaouen Soudard, une chanson collectée par l'abbé Guillerm, Ar Vro 1905]]
-desc none</imagemap>Le garde des bois trouve un certain nombre de hêtres à Pennarun, Lezergué et près de Kerdévot, lesquels arbres étant à maturité pour être débité en sabots. Les prix estimés se mesurent en pieds d'arbres : à Pennarun entre 11 et 15 livres le pied (suivant sa circonférence et sa hauteur), alors qu'à Lezergué-Kerdévot il est à 3 à 4 livres, ce qui fait un prix bien supérieur à celui des coupes de bois taillis (30 livres le journal ou demi-hectare).+desc none</imagemap>Mais le complet V qui précède l'évocation de la guerre est bien consacré entièrement à un pèlerinage dans ce lieu central du pays de Cornouaille, Kerdévot orthographié et prononcé « <i>Kerzeot</i> » en breton (dans la version de Gabriel Milin le lieu est écrit « <i>Kerzevot</i> »): « <i>C’hui mignoned devod Euz a barrez Ergue, Ti ‘n Itron Varia-Kerzeot C’hui ialo adarre </i> » (Vous, amis dévots, de la paroisse d'Ergué, chez Notre-Dame de Kerdévot, vous irez encore).
-En savoir plus : « [[1794 - Estimations et adjudications de bois taillis ou à sabots à Pennarun et Lezergué]] »+En savoir plus : « [[MILIN Gabriel - Kanaouennou, Gwerin 1-3]] », « [[LATERRE Hyppolyte et GOURVIL Francis - Kanaouennou Breiz-Vihan]] », « [[Kanaouen Soudard, une chanson collectée par l'abbé Guillerm, Ar Vro 1905]] »
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[modifier] De Kerdévot à Alger en chanson

Billet du 20.04.2019 - Cette semaine une enquête sur une chanson en langue bretonne collectée dans deux inventaires de « Kanaouennoù », l'un de Gabriel Milin en 1961, l'autre d'Hyppolite Laterre et Francis Gourvil en 1911, et enfin en 1905 dans le journal bretonnant « Ar Vro » par l'abbé Henri Guillerm.

Cet inventaire de 99 chants au total, publié en 3 numéros en 1961-62, contient dans son tome 2 deux pages dactylographiées 227 et 228 avec le texte en breton du chant n° 78 daté de 1840 où il est question de la chapelle de Kerdévot et de toutes les chapelles de Cornouaille qu'un soldat appelé à servir en Algérie va devoir quitter.

Cette version collectée par Gabriel Milin, titrée « Kimiad eur c'hervevod d'he bro » (adieu d'un cornouaillais à son pays), inclut 6 couplets de 8 vers et un refrain impétueux « allo, allo ; allo, allo, adeo da iaouankiz, na meuz mui da c'hoarzin. » (allo, allo ; allo, allo, adieu à la jeunesse, ce n'est plus le temps de rire.).

La guerre de conquête de l'Algérie par la France est le contexte de la chanson, et plus précisément la seconde période de guérilla contre l'émir Abdelkader en 1832-1847, car la campagne d'Alger s'est achevée en 1830. En effet les soldats cornouaillais doivent embarquer pour Alger en 1839-40 : « Rak hervez prophetezou Er blavez daou uguent Gand brezel ha klevejou » (Car suivant les prophéties, en l'année quarante, par la guerre et les maladies).

Le but avoué est de combattre l'ennemi arabo-musulman, qualifié de "Maure" : « Me a meuz klevet 'Lec'h ma yaon da gombati N’euz 'met morianed O laza neket pec'het Rak n’int ket kristenien  » (j'ai entendu que là où nous allons combattre il n'y a que des Maures. Les tuer, ce n'est pas péché, parce qu'ils ne sont pas chrétiens), contrairement aux Anglais, les classiques "rudes / méchants" (« gwal ») adversaires.

Le 2e couplet est entièrement à l'organisation d'un dernier pèlerinage à Ergué Gabéric : « C’hui mignonezet devod Euz a barrez Ergue, Da 'ti Itron Varia-Kerzevod, C’hui yalo adarre, Da lakat ho koulaouenn ‘Tal ann aoter heno Ha lavaret eur beden Evid potret ho pro. » (Vous, amis dévots, de la paroisse d'Ergué, chez Notre-Dame de Kerdévot, vous irez encore. Mettez vos cierges là, auprès de l'autel, et dites une prière pour les gars de votre pays.).

Page 328 Gabriel Milin précise l'autre source déjà publiée, sous un autre titre (« Kanaouen soudard »), à savoir l'inventaire « Kanaouennou Breiz-Vihan de l'imprimeur Hyppolyte Laterre et le linguiste Francis Gourvil.

Le chant est rapporté par Pauline Le Moal de Carhaix, et les auteurs signalent une autre publication dans la revue « Ar Vro » par l'abbé Guillerm. On se reportera à la présentation de ce même chant collecté par Gabriel Milin en 1961 pour en connaître le contexte historique et local.

  L'originalité de l'édition Laterre-Gourvil est de proposer une partition et une traduction des 6 complets en français.

Voici une interprétation à la flûte en bois (© GC Gières 38) :


Comme l'indiquent Laterre et Gourvil, le chant « Kenaouen Soudard » est publié dans la revue « Ar Vro » en tant que travail de collectage du prêtre quimpérois Henri Guillerm, vicaire à Ergué-Armel.

Il s'agit de la première recension historique de ce chant daté explicitement de 1840. Le chant est orné d'un croquis d'un petit clocher qui peut faire penser à celui de la chapelle Kerdévot, bien que moins élancé.

Mais le complet V qui précède l'évocation de la guerre est bien consacré entièrement à un pèlerinage dans ce lieu central du pays de Cornouaille, Kerdévot orthographié et prononcé « Kerzeot » en breton (dans la version de Gabriel Milin le lieu est écrit « Kerzevot »): « C’hui mignoned devod Euz a barrez Ergue, Ti ‘n Itron Varia-Kerzeot C’hui ialo adarre  » (Vous, amis dévots, de la paroisse d'Ergué, chez Notre-Dame de Kerdévot, vous irez encore).

En savoir plus : « MILIN Gabriel - Kanaouennou, Gwerin 1-3 », « LATERRE Hyppolyte et GOURVIL Francis - Kanaouennou Breiz-Vihan », « Kanaouen Soudard, une chanson collectée par l'abbé Guillerm, Ar Vro 1905 »