Blog 19.08.2017 - GrandTerrier

Blog 19.08.2017

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[modifier] Pénurie et tickets de rationnements

Billet du 19.08.2017 - « En plus de l'alimentation, il y avait d'autres tickets de rationnement sur beaucoup de produits manufacturés ... Aussi fallait-il faire appel au système D pour survivre à la pénurie ... Dure époque comparée à celle de nos jours ou l'on croule sur le trop plein !  », René Le Reste.

L'article de cette semaine porte tout d'abord sur les annonces relevées en 1943 dans les journaux « La Dépêche de Brest » et « Ouest-Eclair », puis les souvenirs des anciens gabéricois à propos de ces tickets détachables d'approvi-sionnement dans les commerces et enfin les anecdotes locales de débrouillardises face à la pénurie des denrées et biens de consommation.

En effet, l'historien et officier de police Alain Le Grand, lors de la préparation de son livre « Le Finistère dans la guerre 1939-1945 », a recopié deux entrefilets du journal de la Dépêche de Brest du 27 avril 1943 annonçant les distributions de tickets de rationnement, l'une au Huelgoat, et l'autre à Ergué-Gabéric. La note de lecture est conservée aux Archives Départementales du Finistère.

L'annonce pour Ergué-Gabéric donne les jours de convocation des bénéficiaires par groupes alphabétiques de leurs patronymes : « aujourd'hui mardi 27 avril, A à I ; mercredi 28, G à L ; jeudi 29, M et N ; vendredi 30, O à Z ».

Chaque famille reçoit dès 1941 une carte de rationnement nominative pour les produits textiles, le tabac et l'alimentation. Et ensuite mensuellement, ou plus tard trimestriellement, des feuilles de tickets détachables sont distribuées en mairie. Les tickets n'exonérent pas les citoyens de payer les produits aux commerçants. La généralisation du système vise à une répartition équitable des produits entre tous, ce rationnement prenant fin courant 1949.

Les tickets sont distribués chaque mois pour les denrées alimentaires, essentiellement « pain, viande, matières grasses », et suivant les catégories (*) d'âges et de besoins en nourriture. La catégorie J2 par exemple inclut les jeunes des deux sexes âges de 6 a 12 ans révolus, et la catégorie T les travailleurs se livrant a des travaux pénibles nécessitant une grande dépense de force musculaire. Les « J2 » ont droit à 1/2 litre de lait par jour auquel les adultes n'ont pas droit, et en revanche, les adultes peuvent acheter les rations de vin.

Un jour de distribution spéciale est organisé pour les « bénéficiaires de suralimentation et de régimes », c'est-à-dire les personnes déclarés malades ou handicapées qui peuvent bénéficier de rations supplémentaires. Sinon, hormis ces exceptions, les rations journalières individuelles, sont en moyenne de 250 grammes de pain, 25 grammes de viande, 17 grammes de sucre, 8 grammes de matière grasse et 6 grammes de fromage. Avec un tel rationnement, la nourriture d'un homme ne dépasse pas 1200 calories/jour alors qu'il est généralement admis qu'il en faut 2400.

Dans les annonces parues dans le journal Ouest-Eclair et qui annoncent les distributions des tickets de juin, octobre et décembre 1943, un jour spécial est prévu pour les commerçants. En effet ils doivent, chaque mois, faire l’inventaire des tickets reçus de leurs clients pour pouvoir se réapprovisionner auprès de leurs fournisseurs. Et en juin uniquement une distribution est faite aux jeunes adultes d'Ergué-Gabéric : « les jeunes gens nés en 1919 (4e trimestre), 1920, 1921 et 1922 », c'est-à-dire ceux âgés de 21 à 24 ans.

Jean Le Reste, ayant vécu son enfance à Ergué-Gabéric et un mandat de maire entre 1983 et 1989, a aujourd'hui un souvenir précis des tickets de rationnement distribués par la mairie pendant et après la guerre : « Ils étaient attribués en fonction de la composition de la famille et on les utilisait chez les commençants. Ma famille faisait ses courses chez Thomas, au bourg. On allait en famille, le samedi soir. Mon  père  bavardait

 

avec Jean Louis, le menuisier, et ma mère faisait ses provisions, moyennant tickets, avec Catherine qui s'occupait du commerce. Cela se terminait par une boisson chaude ! Lorsque je suis allé au lycée La Tour d'Auvergne, en 1946, les tickets existaient encore. »

Son cousin René Le Reste, né en 1936, se souvient également de cette époque et de son enfance gabéricoise :

« Il me revient cette anecdote, dont j'ai été témoin vers 1944 - 45 chez Quelven à Garsalec que nous appellions "An Ostilidi", bistrot et épicerie, là où ma mère prenait la plupart de son alimentation rationnée avec des tickets J2 J3 (*), une "termajie" (**) de passage qui voulait aussi avoir un pot de confiture pour un de ses enfants : mais Marie Quelven lui répondait inlassablement : "je ne peux pas, je suis rationnée, je n'ai que selon les tickets de mes clients et vous vous n'êtes pas notée ici. Si je vous donne je priverai une de mes clientes". Malgré tout, Marie est restée inflexible malgré la forte insistance de son interlocutrice. »


Image:Right.gif En savoir plus : « 1943-1946 - Pénurie et distribution des feuilles de tickets de rationnement », « THOMAS Georges-Michel & LE GRAND Alain - Le Finistère dans la guerre 1939-1945 »


Dans le livre des deux correspondants départementaux du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, on peut relire également les pages consacrées au célèbre cambriolage du centre S.T.O. de Quimper en janvier 1944, avec la participation du groupe de jeunes résistants d'Ergué-Gabéric autour du boulanger Fanch Balès. Dans le tome 2, il est question d'opération de résistances au Stangala et près de chapelle de St-Guénole, de la bataille de Quimper dans le section du Rouillen, et de la mort de l'otage Jean-Louis Le Meur.


Notes :

  • (*) Les catégories de tickets de rationnement en fonction des types de bénéficiaires : A - Adultes de moins de 70 ans ne se livrant pas à des travaux de force. C - Cultivateurs de 12 ans et sans limite d’âge se livrant personnellement aux travaux agricoles. E - Enfants des deux sexes âges de moins de trois ans. J1 -Jeunes des deux sexes âges de trois a 6 ans révolus. J2 - Jeunes des deux sexes âges de 6 a 12 ans révolus. J3 - Jeunes de 13 a 21 ans, ainsi que les femmes enceintes. V - Vieillards de plus de 70 ans dont les occupations ne peuvent autoriser un classement en catégorie C. T - Travailleurs se livrant a des travaux pénibles nécessitant une grande dépense de force musculaire.


  • (**) Termaji, "An termaji" : signifie en breton, le ménestrel, le batelier, mais aussi le forain car le terme vient d’une modification du terme français « lanterne magique » qui est l’ancêtre du cinéma. En effet, les forains, durant les pardons et les foires bretonnes, projetaient des images grâce à une lanterne magique. Le terme a été banalisé pour désigner les gens du voyage.