Blog 10.08.2019
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[modifier] La laïcité selon la loi Goblet
Billet du 10.08.2019 - Les rapports d'inspections de rentrées scolaires à l'école privée des filles du bourg d'Ergué-Gabéric à l'occasion des changements des directrices laïques, dans des conditions d'occupation militaire des locaux en 1914 et de fermeture de l'école en 1916 pour cause d'illégalités et d'insalubrité.
En 1912-1919, après les agitations des années 1902-1905 - fermeture de l'école confessionnelle tenue par les sœurs de la congrégation du Saint-Esprit -, la loi de René Goblet du 30 octobre 1886 est appliquée pour le contrôle de l'activité scolaire de l'unique école primaire privée d'Ergué-Gabéric. Aucune religieuse n'est sensée y exercer le métier d'institutrice, les maîtresses sont obligatoirement des jeunes femmes laïques. Les rapports d'inspections systématiques contiennent les dossiers des institutrices accédant au poste de directrice, laquelle est assistée de deux ou trois institutrices adjointes. Leur âge (21 ans au minimum), leur diplôme obligatoire de capacité (à savoir le brevet élémentaire), et leurs domiciles et activités précédentes (elles ne peuvent pas être religieuses) sont vérifiés pour établir le bordereau d'autorisation d'exercer et d'ouvrir l'école à chaque rentrée de septembre.
Ces jeunes institutrices sont en l’occurrence :
Adèle Guiziou (1912 à 1915) : 21 ans en 1912.
Marie Gourret (1915 à 1916) : 22 ans en 1915.
Amélie Le Berre (1916 à 1917) : 26 ans en 1916, la première candidature d'Anne Rannou (déjà institutrice adjointe) est refusée car elle n'a que 20 ans en septembre 1916, et les deux autres institutrices en poste ont respectivement 16 ans et 17 ans.
Euphrasie Hélou (1917 à 1918) : 39 ans en 1917, a exercé auparavant le métier de professeur de français à Lublin en Russie.
Monique Kerjean (1918 à 1919) : 34 ans en 1918, a déjà été directrice à Montesson (Seine-et-Oise) et à Audierne.
À la rentrée de 1914 une surprise attend la directrice Adèle Guiziou : « J'ai l'honneur de vous informer que l'école libre des filles d'Ergué-Gabéric étant occupée militairement ne peut procéder à l'ouverture de ses classes ». La guerre entre la France et l'Allemagne ayant été déclarée le 3 août, l'école privée du bourg d'Ergué-Gabéric est réquisitionnée pour la mobilisation locale des soldats bretons.
Heureusement une solution est trouvée pour accueillir provisoirement les élèves : « J'ai trouvé un local composé de deux salles attenantes sises au bourg dans lesquelles j'ai l'intention d'ouvrir les classes jusqu'à cessation de l'occupation de notre établissement par les soldats ».
En 1916 de multiples rebondissements émaillent la rentrée à l'école privée : la directrice se déclare démissionnaire, une institutrice déjà en poste âgée de 20 ans propose sa candidature, l'école ouverte illégalement doit fermer.
En octobre une deuxième inspection relève une anomalie grave : « La fosse d'aisance se trouve dans le jardin, qui est lui-même séparé de la cour par un mur. Les urines et les matières fécales s'y déversent par trois ouvertures percées obliquement dans ce mur ;
à la base de la fosse se trouve une autre ouverture par laquelle les excréments s'écoulent dans une sorte de 2e fosse en terre et à ciel ouvert ... », ce qui entraîne une nouvelle fermeture pour motifs sanitaires.
Et enfin, en novembre, l'inspecteur relève une autre anomalie : l'école n'a pas déclaré son pensionnat, en évoquant maladroitement a posteriori l'existence d'une simple « pension de familles ». La nouvelle directrice Amélie Le Berre doit demander la reconnaissance officielle de ses deux dortoirs d'élèves internes.
Les effectifs d'élèves accueillies dans l'école privée sont relativement importants, et supérieurs à ceux de l'école publique, comme l'écrit le maire à l'Inspecteur primaire en 1916 : « 67 enfants à l'école publique. 107 à l'école privée », ce qui fait une répartition de 50 élèves dans chacune des deux classes.
Près de la première classe, une grande pièce est réservée au réfectoire, « La cour est vaste et close. Les classes et le préau sont convenablement installés ». La capacité d'accueil des dortoirs à l'étage est également précisée dans les rapports d'inspection : 37 écolières dans l'un (obligation de deux surveillantes) et 16 dans l'autre (une surveillante).
Les postes de surveillantes des dortoirs, de la cour et du réfectoire étaient tenus vraisemblablement par les religieuses (dont la sœur Félicienne présente à l'école depuis 1898), car l'obligation de personnel laïque de la loi Goblet n'était applicable qu'aux postes d'institutrices. Le rôle « de la religieuse qui appuie et corrige ses déclarations » comme vraie autorité masquée artificiellement par les maîtresses d'école, est même relevé par l'Inspecteur de l'enseignement primaire.
En savoir plus : « 1912-1919 - L'école primaire privée des filles du bourg en période de guerre »