Blog 04.10.2020 - GrandTerrier

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[modifier] Un cahier de vers et de colères

Billet du 04.10.2020 - Facsimile et transcription d'un manuscrit original conservé aujourd'hui à la médiathèque de Quimper, qui, dans le cadre du plan de numérisation des documents patrimoniaux, a procédé à leur numérisation et les met à disposition sur son site Internet.

Ce cahier de copies de lettres et poèmes a fait l'objet en 1999 d'une édition spéciale intitulée « Rimes et révoltes » concoctée par Laurent Quevilly, journaliste et correspondant d'Ouest-France, et Louis Bertholom, qui y ont sélectionné six poèmes, les 6 autres pièces restant à ce jour inédites.

Il s'agit d'un cahier de 59 pages avec une jolie couverture marine, dans lequel Déguignet a recopié ses œuvres poétiques composées en quatrain et les lettres d'accompagnement, et qui a été mis de côté lors de la découverte et publication des 24 autres cahiers de ses mémoires. En voici, sur le GrandTerrier, la transcription presque achevée, laquelle servira peut-être à une édition à venir.

Avec ces poèmes et commentaires, on découvre un lecteur érudit et toujours attentif à l'actualité culturelle de son temps. Ainsi la première page est une annonce du congrès de Vannes de l'URB (Union Régionaliste de Bretagne) en août 1899 pour le « quatrième anniversaire de la réunion de la Bretagne à la France », le contrat de mariage de la Reine Anne avec Louis XII ayant été signé en 1499. Et les dernières pages évoquent l'exposition bretonne de Paris en 1900, c'est-à-dire le village breton de l'exposition universelle.

Dans ses quatrains Déguignet pastiche tout d'abord les œuvres des poètes contemporains bretons qu'il abhorre le plus, à savoir Anatole Le Braz (« Terre d'Armor » dans « La Chanson de la Bretagne », publiée en 1982), Adolphe Paban (« Au bord de la mer » en 1894) et Frédéric Le Guyader (« L'Ere bretonne » en 1896).

Anatole Le Braz, « Pilleur, fripon, voleur, véritable fripouille », est la tête de turc qu'il invective le plus, avec une rage décuplée car il lui avait extorqué une première série de ses cahiers en n'en faisant qu'une publication partielle et tardive. Il s'attaque donc au poème « Terre d'Armor » dont il recopie le texte in extenso, qu'il fait suivre d'un relevé des expressions qu'il trouve grotesque, et ensuite il présente plusieurs poèmes de sa composition où il pastiche allégrement le style et les thèmes de « ce parasite ignoble de la littérature » :

Cette terre d'Armor n'est point faite en pierre
Comme le dit Le Braz, le chantre de la mort [...]
Alors notre soleil bercé sur les nuages
Riant comme une tourte agitant ses poings d'or
Verrait encor resplendir, sous des hommes plus sages,
Le printemps discret de la terre d'Armor.

Les deux autres poètes honnis sont Adolphe Paban et Jean-François Le Guyader. Le premier connu pour son poème « Au Stan-

 

gala » a écrit un recueil intitulé « Au bord de la mer » que Déguignet transforme en :

J'allais philosophant sur le bord de la mer,
Dont les eaux se mouraient maintenant dans l'azur,
Respirant les douceurs et les senteurs de l'air,
De l'air renouvelé, doux, embaumé et pur.

Dans les deux versions, l'originale et la caricature, les héros de la mythologie grecque s'en donnent à cœur joie. Pour le recueil de « L'Ere bretonne » de Guyader ce sont les personnages bibliques qui sont mis en scène. D'autres poèmes sont aussi dressés à d'autres personnages symboliques qui ne sont pas écrivains : son propriétaire terrien noble Malherbe de la Boixière, le curé satanique dénommé Legal.

Le contenu de ce cahier est un mélange de Charlie Hebdo et de Canard enchaîné, on y trouve des caricatures où il force le trait en imitant le texte original, mais aussi des dénonciation des exactions des puissants, qu'ils soient politiques ou ecclésiastiques, et de la misère : « On pourrait croire que le mot fougère a été mis pour rimer avec misère (2e quatrain). Mais la rime est juste et vraie : j'ai couché pendant six ans sur la fougère, ne voulant pas tendre la main pour avoir de la paille. »

En savoir plus : « Le cahier manuscrit des poèmes et lettres de Déguignet en 1899-1900 », « Rimes et Révoltes »