Arrêté préfectoral sur le guide des chevaux à gauche, journaux locaux 1907 - GrandTerrier

Arrêté préfectoral sur le guide des chevaux à gauche, journaux locaux 1907

Un article de GrandTerrier.

(Différences entre les versions)
Jump to: navigation, search
Version du 8 juillet ~ gouere 2020 à 07:59 (modifier)
GdTerrier (Discuter | contributions)

← Différence précédente
Version actuelle (8 juillet ~ gouere 2020 à 18:16) (modifier) (undo)
GdTerrier (Discuter | contributions)

 
Ligne 27: Ligne 27:
[[Image:AffChevauxGauche.jpg|center|350px|<small>(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)</small>]] [[Image:AffChevauxGauche.jpg|center|350px|<small>(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)</small>]]
-En fin d'année, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard : « <i>Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main</i> ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.+En fin d'année 1907, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard <ref>Eugène Allard est nommé préfet du finistère le 10 octobre 1907 et restera en poste jusqu’au 10 juin 1909.</ref>: « <i>Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main</i> ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.
|} |}

Version actuelle

Catégorie : Journaux
Site : GrandTerrier

Statut de l'article :
  Image:Bullorange.gif [Développé]
§ E.D.F.
En juillet et décembre 1907, tous les journaux finistériens, républicains ou conservateurs, ont relaté l'émoi provoqué par un arrêté préfectoral imposant la conduite des chevaux à gauche.

Parutions dans les journaux « Ar Bobl », « Le Progrès du Finistère » [1], « L'Echo du Finistère » , « L'Eclaireur du Finistère », « Le Finistère » [2], « L'Union Agricole » [3].

Autres lectures : « 1907 - Un conseiller contre l'arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux » ¤ « Un train, un cheval affolé et des passants renversés, Le Progrès du Finistère 1907 » ¤ « 1930-1945 - Des chevaux dans les exploitations agricoles » ¤ « DANION René - L'entraide agricole de 1930 à 1960 » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

Cela commence par l'avis de publication de l'arrêté du préfet François Joseph Ramonet [4] dans un contexte nouveau de sécurité routière : « Vu le rapport de M. le directeur du dépôt d'étalons de Lamballe ... Article premier. - Tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal de façon à apercevoir les voitures ou animaux qui se croisent ».

Une lettre ouverte est immédiatement rédigée et publiée par le conseiller municipal Jean Mahé [5], adressée au préfet, et publiée dans les colonnes du Progrès du Finistère [1] de juillet 1907, est un bel exemple d'expression politique sur une initiative administrative incomprise du milieu rural de l'époque.

Jean Mahé se moque gentiment du nouveau pouvoir républicain : « Je sais bien, l'exemple venant du haut, que le char de l'État a des tendances à marcher toujours plus à gauche et que la droite est un sujet d'aversion aiguë ».

Et pour appuyer son argumentation, il fait parler les plus âgés, paysans et chevaux : « J'entendais, l'autre jour, les plaintes d'un vétéran des champs, de 65 ans, dont le cheval s'en allait lentement, alourdi par le poids de 25 années de travail : "Comment veux-tu, mon pauvre ami, que je conduise à gauche, je n'ai toujours connu que ma droite" ... Tout ça c'est des changements qui ne disent rien, ce sont des conchennou [6] ».

Et il imagine un accident avec un guide à gauche : « Une automobile apparaît brusquement au tournant d'une de nos routes si pittoresques, avec sa trépidation et le mugissement de sa trompe, le cheval s'effraie, fait un écart et le conducteur à gauche, projeté sous les roues du terrible teuf-teuf ... se remue, s'agite comme un ver coupé. Adieu cheval et charrette !  ».

Une autre réaction dans le même hebdo catholique rebondit sur les propos de Jean Mahé et propose de façon humoristique une réécriture de l'arrêté contesté : « Art. 1er. - Les chevaux qui ne pourraient être conduits à gauche et par la tête, pourront l'être par la queue ».

Et les jours suivants les autres journaux rendront compte de l'émotion soulevée dans la population paysanne de tout le département et des débats houleux aux séances du Conseil général.

 
(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)

En fin d'année 1907, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard [7]: « Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.


[modifier] 2 Transcriptions

A. Lettre ouverte de J. Mahé

Pour les cultivateurs.

Le cheval mené en main.

Lettre ouverte à M. le Préfet du Finistère.

Monsieur le préfet,

Votre haute sollicitude à l'endroit de vos administrés, mise en éveil par un rapport des plus documentés de M. le Directeur du Dépôt de Lamballe, vous a porté à publier, tout récemment, un arrêté sur la façon dont nous devons, à l'avenir, conduire nos chevaux.

Je me contente d'en citer l'article 1er : « Tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal, de façon à apercevoir les voitures ou animaux qui le croisent ».

Cela part d'un bon naturel, sans doute, mais pourquoi nous obliger, nous cultivateurs qui sommes en l’occurrence, le plus atteint, à mener à gauche ?

Je sais bien, l'exemple venant du haut, que le char de l'État a des tendances à marcher toujours plus à gauche et que la droite est un sujet d'aversion aiguë. Ne craignez-vous pas, cependant, que cette nouvelle manière ne surprenne nos vieux chevaux, ne les déroute et ne fasse de nos charrettes des chars à renversements ?

Ah ! Monsieur le Préfet, je suis loin de vous en vouloir pas plus qu'au brave Directeur du Dépôt de Lamballe ; toutefois, je vous l'avoue, votre arrêté soulève dans les campagnes les plus vives récriminations. Tout le monde s'indigne, proteste et il y a lieu d'espérer que nos protestations individuelles seront appuyées bientôt de celles nos conseils municipaux.

En effet, le maintien de cet arrêté pourrait avoir des conséquences désastreuses, tant au point de vue matériel que personnel. Ainsi, par exemple, une automobile apparaît brusquement au tournant d'une de nos routes si pittoresques, avec sa trépidation et le mugissement de sa trompe, le cheval s'effraie, fait un écart et le conducteur à gauche, projeté sous les roues du terrible teuf-teuf ... se remue, s'agite comme un ver coupé.

Adieu cheval et charrette !

Puis les petits chemins creux et étroits, les écrasements contre les barrières des champs, toutes s'ouvrant à gauche et aussi l'obligation de changer de côté au frein pour l'avoir plus vite à la portée de la main, en cas d'urgence, etc., etc. !

De plus, allez donc modifier les habitudes des cultivateurs âgés ! J'entendais, l'autre jour, les plaintes d'un vétéran des champs, de 65 ans, dont le cheval s'en allait lentement, alourdi par le poids de 25 années de travail : « Comment veux-tu, mon pauvre ami, que je conduise à gauche, je n'ai toujours connu que ma droite et je n'ai jamais eu d'accidents. Tout ça c'est des changements qui ne disent rien, ce sont des conchennou ».

Croyez-moi, Monsieur le Préfet, vous ne sauriez mieux faire qu'en rapportant cet arrêté, de nature tracassière ; laissez comme par le passé chacun conduire à sa guise, en s'en tenant naturellement aux règlements qui régissent la matière. Que ceux qui veulent conduire à gauche, conduisent à gauche et que ceux qui préfèrent mener à droite soient libres de le faire. Parmi les habitudes, il est sage de conserver les bonnes, et celle de mener à droite en fait partie.

Veuillez agréer, etc ...,

J. Mahé,
Conseiller municipal à Ergué-Gabéric.


B. Arrêté, L'Eclaireur du Finistère, 13-07-1907

Image:Insertion.gif (edit)
Avis aux conducteurs de chevaux

M. le préfet du Finistère vient de prendre l'arrêté suivant :

« Vu le rapport de M. le directeur du dépôt d'étalons de Lamballe signalant le grave inconvénient que présente l’habitude conservée par quelques conducteurs de se placer à droite du cheval qu'ils tiennent en main, tout en croisant à droite, conformément au règlement de la police de la voirie ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 ; Arrêtons :

Article premier. - Tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal de façon à apercevoir les voitures ou animaux qui se croisent.

Art. 2. - Les contraventions au présent arrêté seront constatées par les maires et adjoints, les commissaires et agents de police, les gendarmes, les gardes champêtres, et, en général, par tous les agents dûment assermentés.

Art. 3. - Il sera publié et affiché dans toutes les communes du département et inséré au Recueil des Actes administratifs de la préfecture.

Le préfet, F. Ramonet ».

 

C. Texte de Lutin, Le Progres du Finistère, 19-07-1907

Image:Insertion.gif (edit)
Guide à gauche !

L'arrêté du Préfet du Finistère, prescrivant aux conducteurs d'attelages de conduire leurs chevaux à gauche, et par la tête, a soulevé de nombreuses protestations.

Je me joins au camarade qui, en des termes plus ... sérieux en parle en 4e page, et je crois utile de demander si cette néfaste réglementation, bonne tout au plus pour les chevaux de bois ou les chevaux-vapeurs des teufs-teufs, a été essayée convenablement avant sa mise en application ?

Il me semble que le « Char du réveil » aurait été tout indiqué pour cette expérience, d'autant plus que, depuis quelque temps, il incline fameusement.

Attendons-nous donc, par ces temps incohérents de maboulisme administratif, à un joyeux arrêté de ce genre :

« Nous, Préfet, etc ... vu, ouï, entendu ... etc ...

Considérant qu'il est du devoir de tous les vrais républicains de s'affranchir plus que jamais de tout contact avec la ... droite et qu'ils doivent au contraire aller à gauche, toujours plus à gauche,

Maintenons les termes de notre précédent arrêté, auquel nous ajoutons les articles suivants, spéciaux pour les cultivateurs.

Art. 1er. - Les chevaux qui ne pourraient être conduits à gauche et par la tête, pourront l'être par la queue.

Art. 2. - Des inspecteur de "conduite à gauche" seront placés en tenue à tous les carrefours et sillonneront le département, armés d'une carabine à répétition, avec laquelle ils devront abattre sans répit, tout cheval contrevenant.

Art. 3 - En cas de récidive ou à la moindre observation, ils abattront également et sans phrases le conducteur.

La charrette et les marchandises seront confisquées au profit de la caisse des retraites des pauvres sénateurs et députés.

Art. 4. - Des ambulances et des hôpitaux spéciaux seront placés de distance en distance dans tout le département, pour recueillir les nombreux conducteurs blessés et écrasés, lesquels seront passibles d'une forte amende, pour n'avoir pas pu se ranger convenablement au passage des autos, véhicules quelconques, chevaux emballés, ou s'être fait bêtement écraser entre leur charrette et les talus.

Art. 5. - Tous les cimetières communaux devront être immédiatement agrandis et les fossoyeurs doublés.

Fait le 20 Thermidor de l'an de liberté 1907 ». LUTIN.


D. Nouvel arrêté, Le Finistère, 21-12-1907

Police du roulage. Nouvel arrêté préfectoral.

On se rappelle l'émotion soulevée dans tout le département par l'arrêté préfectoral du 26 juin dernier, imposant aux conducteurs de chevaux, attelés ou non, l'obligation de se placer à gauche des chevaux.

Cet arrêté avait même été l'objet d'un assez vif débat à la dernière session du Conseil général. Finalement, après quelques mois de tolérance, l'arr^été était entré en application, et de nombreux procès-verbaux avaient été dressés.

Or, le nouveau préfet du Finistère vient de prendre, à ce sujet, un arrêté qui ne manquera pas d'être très favorablement accueilli par les cultivateurs. En voici la teneur :

Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main :

Article 1er. - L'article 1er de l'arrêté préfectoral du 26 juin 1907 est modifié comme suit : tout individu conduisant un cheval en main, non attelé, devra se placer à gauche de l'animal.

Art. 2. - Les contraventions au présent arrêté seront constatées par les maires et adjoints, les commissaires et agents de police, les gendarmes, les gardes champêtres, et, en général, par tous les agents dûment assermentés.

Il ne s'agit donc plus que des chevaux non attelés. Pour les chevaux attelés, les prescriptions de l'arrêté du 26 juin sont abolies désormais.


[modifier] 3 Coupures de presse


[modifier] 4 Annotations

  1. L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Le Finistère : journal politique républicain fondé en 1872 par Louis Hémon, bi-hebdomadaire, puis hebdomadaire avec quelques articles en breton. Louis Hémon est un homme politique français né le 21 février 1844 à Quimper (Finistère) et décédé le 4 mars 1914 à Paris. Fils d'un professeur du collège de Quimper, il devient avocat et se lance dans la politique. Battu aux élections de 1871, il est élu député républicain du Finistère, dans l'arrondissement de Quimper, en 1876. Il est constamment réélu, sauf en 1885, où le scrutin de liste lui est fatal, la liste républicaine n'ayant eu aucun élu dans le Finistère. En 1912, il est élu sénateur et meurt en fonctions en 1914. [Ref.↑]
  3. L'Union agricole et maritime, qui a d'abord été appelée L'Union agricole du Finistère est un journal local d'informations générales qui a paru à Quimperlé (Finistère) de 1884 à 1942. Il a connu des orientations éditoriales différentes, selon ses propriétaires successifs. La périodicité a aussi été variable : bi-hebdoadaire, tri-hebdomadaire et hebdomadaire. Avec pour sous-titre Organe Républicain Démocratique de la région du Nord-Ouest, le journal paraît le 1er août 1884 à l'initiative du conseiller général de Quimperlé, James Monjaret de Kerjégu, un riche propriétaire terrien et ancien diplomate résidant à Scaër. [Ref.↑]
  4. François Joseph Ramonet est préfet du Finistère du 30 juin 1906 jusqu'au 10 octobre 1907. [Ref.↑]
  5. Jean Mahé, né en 1872, est le neveu de l'ancien maire d'Ergué et cultivateur à Mezanlez. Il est nommé conseiller supplémentaire de Louis Le Roux suite au décès d'Hervé Le Roux, conseiller et précédent maire. Il est toujours déclaré conseiller en 1917, bien que mobilisé. [Ref.↑]
  6. Koñchennoù, sf. pl. : bretonnisme, « histoires, bavardages, balivernes ». Konchenner, c'est commérer. Source : Les bretonnismes d'Hervé Lossec, de retour. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
  7. Eugène Allard est nommé préfet du finistère le 10 octobre 1907 et restera en poste jusqu’au 10 juin 1909. [Ref.↑]


Thème de l'article : Coupures de presse relatant l'histoire et la mémoire d'Ergué-Gabéric

Date de création : Janvier 2013    Dernière modification : 8.07.2020    Avancement : Image:Bullgreen.gif [Fignolé]