Apprentissage des nouvelles technologies selon Jean-Marie Déguignet - GrandTerrier

Apprentissage des nouvelles technologies selon Jean-Marie Déguignet

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<br>- Non, dit-il, mais le papier fait le creux en passant.</i> » <br>- Non, dit-il, mais le papier fait le creux en passant.</i> »
-Jean-Marie Déguignet, avec son sens de l'expérience pratique, tente d'appréhender la vérité : « <i>j'avais grimpé au sommet des poteaux et là, la main sur la pointe et l'oreille collée contre le fil, j'écoutais si je n'aurais pu saisir quelque bruit ; quand le temps était calme et lorsque je ne tapais sur le fil avec la main, j'entendais comme un bourdonnement qui suivait le fil et allait se perdre au loin. [...] à Quimper il y a un individu qui frappe avec un marteau sur le bout de fil.</i> » Et de s'écrier : « <i> tonnerre de Brest ! <ref name="Tonnerre">{{TonnerreBrest}}</ref></i>+Jean-Marie Déguignet, avec son sens de l'expérience pratique, tente d'appréhender la vérité : « <i>j'avais grimpé au sommet des poteaux et là, la main sur la pointe et l'oreille collée contre le fil, j'écoutais si je n'aurais pu saisir quelque bruit ; quand le temps était calme et lorsque je ne tapais sur le fil avec la main, j'entendais comme un bourdonnement qui suivait le fil et allait se perdre au loin. [...] à Quimper il y a un individu qui frappe avec un marteau sur le bout de fil.</i> » Et de s'écrier : « <i> tonnerre de Brest ! » <ref name="Tonnerre">{{TonnerreBrest}}</ref></i>.
-Quant au chemin de fer, que les habitants de Quimper et d'Ergué-Gabéric ne verront que dix ans plus tard en 1863, l'imagination était aussi vive pour se le représenter : « <i>, le maire me dit que c'était un chemin tout en fer, le fond, les deux côtés en forme de murailles et le dessus. C'était comme une grande boîte dans laquelle on mettait des voitures attachées l'une à l'autre, et dans la dernière, on mettait le feu ; alors, toutes se sauvaient comme ayant le feu au derrière ("an tan en o reor" en breton).</i>»+Quant au chemin de fer, que les habitants de Quimper et d'Ergué-Gabéric ne verront que dix ans plus tard en 1863, l'imagination était aussi vive pour se le représenter : « <i>le maire me dit que c'était un chemin tout en fer, le fond, les deux côtés en forme de murailles et le dessus. C'était comme une grande boîte dans laquelle on mettait des voitures attachées l'une à l'autre, et dans la dernière, on mettait le feu ; alors, toutes se sauvaient comme ayant le feu au derrière ("an tan en o reor" en breton).</i>»
Là aussi Déguignet s'interroge : « <i>Mais, si au moyen du fil télégraphiste, j'étais arrivé à un résultat assez convenable, en fait de chemin de fer, je n'avais aucun fil conducteur à consulter, ce qui n'empêchait pas ma cervelle d'y travailler</i> ». Là aussi Déguignet s'interroge : « <i>Mais, si au moyen du fil télégraphiste, j'étais arrivé à un résultat assez convenable, en fait de chemin de fer, je n'avais aucun fil conducteur à consulter, ce qui n'empêchait pas ma cervelle d'y travailler</i> ».

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Dans l'extrait ci-dessous Jean-Marie Déguignet aborde avec beaucoup d'humour les nouvelles technologies qui débarquent et dont on parle dans sa campagne cornouaillaise : le télégraphe et le chemin de fer.

Le télégraphe est dit électrique et, en ces années 1850-55, est amené à remplacer le télégraphe aérien de Chappe (avec ses bras articulés codifiant l'alphabet).

Et le train qui va bientôt arriver à Quimper en 1863, fait l'objet d'interrogations, dix ans auparavant, de la part de nos populations des campagnes bretonnes.

Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « Le premier fil télégraphique, JMD 1853 » ¤ « Contre la ligne de chemin de fer de Briec à Ergué-Gabéric, Progrès du Finistère 1911 » ¤ « Vandalisme sur la ligne téléphonique privée Odet-Cascadec, Union Agricole 1899 » ¤ 

1 Présentation

Quimper, contrairement à Brest, n'a pas eu la chance d'avoir son télégraphe aérien à la fin du 18e siècle. Les 580 km de la ligne Paris-Brest, passant par St-Germain-en-Laye, Caen, Dol, St-Brieuc et Morlaix,démarrée en 1796, furent achevés en 1799. Elle était faite de petites tours carrées en pierre appelées « exhaussements », servant de relais, avec à leurs sommets un appareil muni de bras de bois articulés et mus par une manivelle, dont la position formait des figures constituant un code que le veilleur de la tour suivante devait reproduire.

Par contre en 1853 une vraie ligne de télégraphe dit électrique fut réalisée entre Nantes-Quimper-Brest, avec un fil tendu entre des poteaux, et cette technique utilisant le code Morse permit la généralisation les émissions et réceptions de télégrammes.

Et Jean-Marie Déguignet, qui n'avait que 19 ans, s'interroge sur cette nouvelle technologie : « Voilà encore une chose qui donnait du travail à mon esprit, qui ne pouvait rien voir sans chercher de suite la raison d'être, le pourquoi, l' x comme disent les mathématiciens ».

Il faut dire que ses concitoyens, le maire de Kerfeunteun y compris, étaient plutôt dépassés :

« il me dit que le fil de fer posé entre Brest et Quimper servait à porter les nouvelles, que ces nouvelles étaient écrites sur un petit morceau de papier qu'on entrait dans le fil, on soufflait dessus puis aussitôt il était rendu à l'autre bout.

 

- Mais, j'ai vu les ouvriers couper le fil, lui dis-je, et il n'était pas creux.
- Non, dit-il, mais le papier fait le creux en passant.
 »

Jean-Marie Déguignet, avec son sens de l'expérience pratique, tente d'appréhender la vérité : « j'avais grimpé au sommet des poteaux et là, la main sur la pointe et l'oreille collée contre le fil, j'écoutais si je n'aurais pu saisir quelque bruit ; quand le temps était calme et lorsque je ne tapais sur le fil avec la main, j'entendais comme un bourdonnement qui suivait le fil et allait se perdre au loin. [...] à Quimper il y a un individu qui frappe avec un marteau sur le bout de fil. » Et de s'écrier : «  tonnerre de Brest ! » [1].

Quant au chemin de fer, que les habitants de Quimper et d'Ergué-Gabéric ne verront que dix ans plus tard en 1863, l'imagination était aussi vive pour se le représenter : « le maire me dit que c'était un chemin tout en fer, le fond, les deux côtés en forme de murailles et le dessus. C'était comme une grande boîte dans laquelle on mettait des voitures attachées l'une à l'autre, et dans la dernière, on mettait le feu ; alors, toutes se sauvaient comme ayant le feu au derrière ("an tan en o reor" en breton).»

Là aussi Déguignet s'interroge : « Mais, si au moyen du fil télégraphiste, j'étais arrivé à un résultat assez convenable, en fait de chemin de fer, je n'avais aucun fil conducteur à consulter, ce qui n'empêchait pas ma cervelle d'y travailler ».

2 Morceau choisi

Page 148 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :

Le premier fil télégraphique

On venait alors de poser le premier fil télégraphique allant de Quimper à Brest et le fil passait à côté de la ferme. Voilà encore une chose qui donnait du travail à mon esprit, qui ne pouvait rien voir sans chercher de suite la raison d'être, le pourquoi, l' x comme disent les mathématiciens. On commençait même à parler du chemin de fer qui viendrait aussi bientôt à Quimper. Pensant peut-être que le maire connaissait tout cela, je lui demandai un jour ce qu’étaient le télégraphe et le chemin de fer. Comme il avait réponse à tout et quand même, il me dit que le fil de fer posé entre Brest et Quimper servait à porter les nouvelles, que ces nouvelles étaient écrites sur un petit morceau de papier qu'on entrait dans le fil, on soufflait dessus puis aussitôt il était rendu à l'autre bout.

« Mais, j'ai vu les ouvriers couper le fil, lui dis-je, et il n'était pas creux.
- Non, dit-il, mais le papier fait le creux en passant. »

J'étais bien obligé de me contenter de cela. Je voyais bien que le maire, malgré ses 15 ans d'école, n'en savait pas plus que moi sur la télégraphie. Sans connaître alors, même de nom, aucune des sciences qui ont connu les hommes à tant de découvertes modernes, j'étais arrivé à force de chercher, à résoudre le problème d'une façon plus scientifique, et toujours plus rapprochée de la réalité que le maire ;

 

plusieurs fois, j'avais grimpé au sommet des poteaux et là, la main sur la pointe et l'oreille collée contre le fil, j'écoutais si je n'aurais pu saisir quelque bruit ; quand le temps était calme et lorsque je ne tapais sur le fil avec la main, j'entendais comme un bourdonnement qui suivait le fil et allait se perdre au loin. Alors je me dis de suite : « Me voilà renseigné maintenant ».

Là, à Quimper il y a un individu qui frappe avec un marteau sur le bout de fil et dont les coups vont se répercuter jusqu'à Brest, et par ces coups partagés en nombres convenus, on arrive à former des mots. Et bien, tonnerre de Brest [1] ! lorsque quelques années plus tard je vis manœuvrer le télégraphe à cadran dans une gare, je m'étais dit de suite : « Tiens, mais mon idée n'était pas trop bête, ni trop éloignée du problème ! ».

Pour tant qu'au chemin de fer, le maire me dit que c'était un chemin tout en fer, le fond, les deux côtés en forme de murailles et le dessus. C'était comme une grande boîte dans laquelle on mettait des voitures attachées l'une à l'autre, et dans la dernière, on mettait le feu ; alors, toutes se sauvaient comme ayant le feu au derrière (an tan en o reor). Cette explication ne me satisfit pas plus que l'autre. Mais, si au moyen du fil télégraphiste, j'étais arrivé à un résultat assez convenable, en fait de chemin de fer, je n'avais aucun fil conducteur à consulter, aucun indice capable de me donner une idée quelconque à ce sujet, ce qui n'empêchait pas ma cervelle d'y travailler, en fabriquant en Espagne [2] toutes espèces de chemins de fer.


3 Annotations

  1. « Tonnerre de Brest » : expression populaire brestoise aujourd'hui connue grâce au personnage du capitaine Haddock dans « Les aventures de Tintin ». En fait, bien avant Hergé, la formule était déjà populaire grâce aux romans d'Ernest Capetan (1826-1868) dans lesquels les répliques du personnage du gabier Mahurec étaient souvent assorties d'un « Tonnerre de Brest ». À noter que l'origine du tonnerre de Brest a plusieurs explications possibles : était-ce le tir d'une batterie située sur l'île d'Ouessant en face du goulet de Brest pour donner l'alerte en cas de sortie de la flotte anglaise, ou alors le gros canon qui signalait l'évasion de forçats du bagne de Brest, ou la canonnade qui informait les habitants des manœuvres importantes de gros navires dans la rade, ou enfin le simple coup de canon qui annonçait chaque jour l'ouverture et la fermeture des portes de l'arsenal à 6 heures et à 19 heures aux pieds du château de Brest ? [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. À rapprocher de l'expression « bâtir des châteaux en Espagne » : échafauder des projets chimériques. [Ref.↑]




Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Janvier 2015    Dernière modification : 10.04.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]