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Sommaire

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1 L'architecture de la cité de Ker-Anna

Billet du 05.12.2020 - Une vidéo de 5 minutes 30 qui présente de façon didactique la spécificité de la vieille cité ouvrière de Ker-Anna, sous l'angle de son architecture innovante et via l'interview d'Henri Le Gars, né en 1923, occupant des lieux pendant 45 années et aujourd'hui âgé de 97 ans.

La construction de la cité de Keranna a été organisée par l'industriel René Bolloré et son architecte nantais René Ménard en 1918-19 afin de loger les salariés de la papeterie voisine d'Odet, à savoir essentiellement les contremaitres et agents de maitrise.

Cette cité dite ouvrière est une des plus anciennes du département, et son modèle architectural était précurseur pour l'époque. Le journaliste Frédéric Lorenzon s'est penché en septembre dernier sur l'originalité de cette réalisation dans son émission « Archi à l'ouest » sur Tébéo.

Grâce à de très belles vues aériennes à hauteur de drone et par un temps ensoleillé de fin d'été, on y découvre 18 maisons, certaines logeant deux familles : « On est sur l'adaptation de la maison traditionnelle bretonne, sur un schéma qui se reproduit, puisque les maisons sont presque toutes identiques. On a évidemment le granite qui est la pierre locale, des encadrements en pierre de taille. On voit certaines entrées qui ont un arc en plein cintre, tout ça est typique des maisons telles qu'on peut les voir un peu partout dans la campagne. »

Olivier Hérault du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement explique l'originalité du lieu : « Ce qui est intéressant est qu'elle crée vraiment un dialogue entre l'espace commun, partagé, et l'espace individualisé, plus personnel.  ».

 

Le vétéran des habitants de Ker-Anna, 45 ans dans la rangée nord, témoigne et illustre l'utilisation du terre-plein au centre du U formé par les maisons en tant qu'espace commun : « Avec les gosses de mon âge, à l'époque, on se retrouvait tous à jouer au ballon entre les tilleuls. On faisait un but, et on jouait là, alors que le terrain de foot du patronage était disponible en bas, c'était comme ça que ça se passait. ».

La progression de l'espace commun au privé se passe comme suit : tout d'abord un espace commun en pelouse, puits et tilleuls, puis un petit jardin privé, ensuite la maison d'habitation au loyer modéré ou gratuit, et par l'arrière une deuxième rangée de jardins plus personnels et plus utilitaires., et enfin les dépendances excentrées pour ranger ses outils et éventuellement garer sa voiture.

Le côté moderne de cet habitat est indéniable : « Pour moi ça correspond à une vraie problématique d'aujourd'hui, une sorte de dualité, à la fois on voudrait un extérieur et on n'a pas le temps ou on n'a pas envie de s'en occuper. Ici finalement l'espace à gérer est très faible, et pourtant on peut profiter d'un espace très grand. »

En savoir plus : « La cité de Ker-Anna, émission 'Archi à l'Ouest' sur Tebeo

2 Domaines congéables et régime féodal

Billet du 30.11.2020 - Pétition demandant le rétablissement des domaines congéables en Basse-Bretagne, suite à leur suppression en août 1792, sous forme manuscrite (Médiathèque de Quimper) et imprimée (BnF), déterminante pour le rétablissement de ce régime de fermage le 9 brumaire de l'an VI.

Le régime des domaines congéables, appelé aussi convenancier, est le contrat d'affermage appliqué systématiquement pendant l'ancien régime en Basse-Bretagne pour toutes les tenues agricoles, les propriétaires fonciers étant généralement nobles.

Ces contrats avec des variantes locales (ceux d'Ergué-Gabéric étant précisés « à l'usement de Cornouaille ») prévoient pour le domanier le paiement d'une redevance convenancière annuelle, généralement en nature (en mesures de céréales), l'exécution de corvées, et optionnellement une taxation dite « champart » sur les récoltes. Et en contrepartie, le propriétaire doit payer des droits réparatoires couvrant les améliorations des édifices quand il est amené à congédier son domanier.

À la révolution, de nombreux membres du tiers-état breton réclament la suppression du régime des domaines congéables, car « il participe de la nature des fiefs ».

Moins revendicatif, l'article 8 du cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric, rédigé en 1789, demande simplement la conversion du régime convenancier en redevance censive simple, c'est-à-dire sans les corvées (et sans les impôts sur les récoltes) et sans le paiement des droits réparatoires : « Que les aides coutumières soient supprimées, toutes corvées déclarées franchissables, le fief anomal ou domaine congéable converti en censive. »

En août 1792 une loi nationale décrète finalement la suppression des convenants dans les départements du Finistère, Morbihan et Côte-du-Nord, ceci pour permettre «  l’abolition du régime féodal ». Cette mesure déclenche cette présente pétition adressée aux députés de la Convention par des « Citoyens Propriétaires & autres Habitans de la Commune de Quimper ».

Certains arguments sont un peu spécieux, voulant prouver l'existence du Domaine congéable bien avant l'arrivée du système féodal : « ces pratiques immémoriales dont l'origine se perd dans les siècles les plus reculés de la Nation Bretonne ».

D'autres raisons sont exposées : le droit de propriété, les pertes fiscales, le dynamisme agricole ... et même la corruption d'un certain député abolitionniste du Morbihan, propriétaire terrien, qui voudrait par l'abolition échapper aux paiements de droits réparatoires conséquents.

Les signataires sont des notables républicains de Quimper, des négociants, avoués ou commerçants, dont certains sont des propriétaires terriens qui se sont enrichis par les ventes adjudicataires des biens nationaux confisqués aux nobles.

 


Certains pétitionnaires, dont certains sont francs-maçons, sont liés à la commune d'Ergué-Gabéric : Mermet dit « notable » est le demi-frère de Mermet « le Jeune » (nouveau propriétaire du château du Cleuyou) ; Jean-Baptiste Laurent Le Breton, membre du Directoire du District, docteur en médecine en charge des épidémies locales (dont celle d'Ergué-Gabéric en 1786) ; René Bolloré est le syndic à Locmaria, ancêtre des Bolloré qui développeront la papeterie d'Odet quelques décennies plus tard.

Mais aucun habitant d'Ergué-Gabéric ne donne sa signature, ceci très certainement du fait que les nouveaux notables de la commune sont tous agriculteurs, et qu'ils ont souffert en tant que domaniers des effets néfastes des domaines congéables (redevances seigneuriales et aspects arbitraires des congéments).

Ils préfèrent certainement l'abolition des convenants, lesquels vont subsister tout au long du 19e siècle avec une hostilité maintenue entre domaniers et fonciers, avant de disparaître définitivement en 1947 grâce à une loi à l'initiative du député communiste finistérien Alain Signor.

En savoir plus : « 1792-1797 - Pétition quimpéroise contre l'abolition des domaines congéables »

3 Manoir et moulin nobles en 1730-53

Billet du 21.11.2020 - Manoir du Griffonès, moulin et villages voisins situés sur l'éperon du Stangala, domaine noble et roturier des seigneurs de Coat-Caric relevant du fief du roi : étude et transcriptions des documents d'archives de la Chambre des comptes de Nantes sous la cote B2012.

Trois générations des seigneurs de Coat-Caric sont au 18e siècle les propriétaires fonciers du domaine de Griffonez dépendant du fief du Roi : Pierre Lesparler (<1655-1727), René Corentin Lesparler (<1690-1721) et le chevalier Jean Marie Charles Lesparler (1720-1750). Le titre de Coat-Caric leur est attribué par le manoir éponyme en Plestin-les-Grèves (Côte-d'Armor), mais cette branche réside dans le château de la Bouexière en Pleyben, acquis par le mariage de leur aïeul en 1640.

Deux liasses de documents, datés de 1730 et 1752, conservés aux Archives départementales de Loire-Atlantique, attestent du contour de leur propriété suite aux décès de René Corentin Lesparler et René Corentin Lesparler, par les déclarations de leurs veuves respectifs (Marie Sébastienne Bizien et Marie Anne Charlotte de Marigo).

Vraisemblablement Pierre de Lesparler a hérité à la fin du 17e siècle de la propriété de Griffonez des seigneurs de Grassy, la description des biens concernés et des droits seigneuriaux afférents étant identiques. Les lieux concernés sont le manoir de Griffonez, Kerberon, Kernoaz, le moulin à eau, Quélennec bihan (ce dernier village étant en partie morcelé : « le tiers est au fief du sieur abbé de Landevennec »).

Pour le moulin à eau de Griffonez, placé sur l'Odet en crontrebas et désigné aujourd'hui sous le toponyme de Meil-Poul, ses dimensions précises sont données en pieds : « de long trante sept pieds, de franc traize et demy et de hautteur six et demy », à savoir 12 mètres de longueur, 4,5 de largeur et seulement 2,1 de hauteur.

Les lieux sont décrits avec cette précision : « toutes les maisons des dits manoir, domaine et moulin cy-devant sont couverts de gleds » (chaume). Le manoir est composé de « maisons, crèches, grange », et l'on notera que le pré-inventaire établi en 1972 pour le Patrimoine Culturel de Bretagne mentionne sur le bâtiment principal et l'étable au nord plusieurs ouvertures à « piédroits chanfreinés », et également un linteau de l'étable avec une date gravée 1608 ou 1628, ceci correspondant sans doute à une extension entreprise du temps des Grassy, prédécesseurs des Coat-Caric.

L'ensemble est réputé être possédé « prochement en partie noblement et en autre partie roturièrement du Roy », ou plus précisément « qu'il ny en a de noble que le dit manoir de Griffones et le moulin et les autres estant biens roturiers » Les impôts spécifiquement levés sur les biens nobles (chefrente, droits de moutte, foy et hommage, champart ...) ne sont pas dus pour les villages de Kerberon, Kernoaz et de Quélennec où les domaniers ne doivent que la rente au titre de « domaine congéable à l'usement de Cornouaille  ».

A la suite des aveux ou rapports de succession de 1730 et 1752, le receveur du roi confirment la validité des déclarations des deux veuves, en précisant bien que le domaine de la sénéchaussée de Quimper est aliéné respectivement au comte de Toulouse et au duc de Penthièvre (père et fils) qui sont les derniers gouverneurs de Bretagne avant la Révolution française.

  Bâtisse manale de Griffonès :

Moulin de Griffonès, dit de Meil-Poul :


* * *

La semaine dernière, il était question d'une vidéo d'une noce bretonne filmée en 1912 : on nous a fait la remarque que le film laisse à penser qu'il faisait un temps estival (ombrelles, chapeaux de soleil, feuilles des arbres). En excluant les mariages hors saison, le nombre des mariages possibles est considérablement réduit : cf. la liste dans l'article.

En savoir plus : « 1730-1753 - Manoir et dépendances de Griffonez, propriété des Coat-Caric La Bouexière »

4 Des noces filmées en 1912

Billet du 14.11.2020 - On continue le travail collectif d'analyse des vidéos d'autrefois. Sur celle de la semaine dernière, datée de 1922, le garde-chasse Léonus a été identifié, mais pas encore les pitres assoiffés, ni les ouvriers diplômés. Sur celle-ci il s'agit de trouver le nom des mariés et le lieu des noces.

Ce film du musée Albert Kahn, montrant une noce bretonne en milieu rural au début du 20e siècle, est une rare archive qui a déjà été projetée et présentée à Ergué-Gabéric par Claude Arnal de la Cinémathèque de Bretagne en juin 2003.

Dans ce court-métrage la première scène est l'arrivée des noceurs en chars-à-bancs sur un chemin rural, précédée d'un couple de sonneurs de biniou et bombarde. Il semble que ce chemin bordé d'un tas de pierres soit le virage de Pont-Banal de la route de Saint-Joachim, avec une prise de vue en léger surplomb depuis la côte menant au bourg d'Ergué-Gabéric. Les deux sonneurs, dont les figures sont cachées par l'ombre de leurs chapeaux, arrivent à pied, et une vingtaine de chars-à-bancs défilent ensuite, ce nombre attestant de l'importance des familles des mariés.

La deuxième scène est la sortie de la messe de mariage : les invités en habits de noces remontent le cimetière qui entoure l'église paroissiale, passant le long du presbytère et de l'ossuaire. Jeunes, femmes et hommes franchissent allègrement l'échalier et se rassemblent sur la rue, avec en arrière-plan la rue de la fontaine, la future maison Nédélec à gauche (actuellement en 2020 en cours de reconstruction).

Le chrono précis du film, selon le compteur défilant en bas d'écran sur la vidéo, est le suivant :

1.Image:Space.jpg00:00Image:Space.jpgàImage:Space.jpg00:17Image:Space.jpg: Générique

2.Image:Space.jpg00:18Image:Space.jpgàImage:Space.jpg01:20Image:Space.jpg: Arrivée des sonneurs et des charabans

3.Image:Space.jpg01:21Image:Space.jpgàImage:Space.jpg03:00Image:Space.jpg: Sortie de messes près de l'ossuaire

4.Image:Space.jpg03:01Image:Space.jpgàImage:Space.jpg07:34Image:Space.jpg: Danses à la ferme

5.Image:Space.jpg07:35Image:Space.jpgàImage:Space.jpg07:44Image:Space.jpg: Générique de fin

La scène finale est une longue série de danses en rondes et en quadrettes, traditionnellement deux femmes et deux hommes. Aujourd'hui les seules danses à 4 danseurs sont plutôt rares, mais à la fin du 19e siècle et au début du 20e, la gavotte est toujours dansée en quadrettes en pays glazik, et non en couple ou en chaine.

Les sonneurs de bombarde et biniou ne sont pas filmés, et les danseurs se déploient sur une cour de ferme, avec une maison d'habitation et son muret de jardin en second plan, et des appentis agricoles sur le côté gauche. Ce corps de ferme ressemble à l'entrée de Kerellou, non loin du bourg, mais ce village ne semble pas avoir hébergé une famille de mariés de l'an 1912.

 

Les habits traditionnels brodées des noceurs, hommes et femmes, dénotent une certaine opulence, mais à ces noces les plus pauvres ne sont pas oubliés. Pour preuve les enfants en sarreaux larges et « boutou koad » (sabots de bois) qui regardent le ballet costumé.

Au total 20 noces ont été célébrées en 1912 à Ergué-Gabéric, et pour l'instant aucune n'a été identifiée pour être celle qui ont l'honneur des caméras. Parmi les plus importants, on notera le mariage le 5 novembre de Eouzan et Reine Rolland, fille et fils de contremaitre et mécanicien de la papeterie Bolloré. Le jeune entrepreneur René Bolloré, « ami du marié » et témoin du mariage, aurait pu demandé une prestation cinématographique, mais à ce jour rien ne permet de localiser la scène dansée à Odet.

Les autres mariages dont les bans sont publiés concernent principalement des fils et filles d'agriculteurs, de journaliers et domestiques, et quelques artisans (charron, boulanger, meunier) : cf. la liste dans l'article détaillé. Les familles les plus influentes sont potentiellement à Lenhesq (Hostiou), Keranroux-Kerrous (Signour), Lezebel (Guillou), le bourg (Le Roux), le moulin de Kergonan (Troalen) ...

Un appel est lancé : si vous reconnaissiez vos ancêtres et/ou le lieu des noces, nous vous serions reconnaissants de le faire savoir ; on garde au frais une bouteille millésimée de cidre pour célébrer l'évènement mémorial.

En savoir plus : « Noces Bretonnes à Ergué-Gabéric en 1912, Film du musée Albert Kahn »

5 Un film d'antan pour un centenaire

Billet du 07.11.2020 - La nouvelle période de confinement pandémique se prête bien, comme la précédente, au travail collectif d'analyse cinématogra-phique : voici une vidéo mise en ligne par la Cinémathèque de Bretagne. La semaine prochaine nous étudierons un court-métrage de 1912.

Cette vidéo N&B de 14 minutes a été filmée le 8 juin 1922 dans l'enceinte de l'usine à papier Bolloré d'Odet : une belle fête populaire où tout le monde, notables et ouvriers-ères, semble s'amuser. C'est un bon complément à la collection des 55 cartes postales du photographe quimpérois Joseph Villard. Sur les clichés on peut voir d'ailleurs voir les caméras 35 mn présentes sur les lieux de la fête, mais on ignore le nom du cinéaste professionnel sollicité par Rene Bolloré pour immortaliser les évènements de la fête.

Les scènes filmées sont essentiellement festives : les invité(e)s en costumes traditionnels, les danses bretonnes en quadrettes, couples ou chaines, les deux célèbres sonneurs de biniou et de bombarde, les démonstrations des gymnastes de la clique des Paotred, les hommes et les femmes sur les manèges, les conciliabules et pitreries alcoolisées ...

Le chrono détaillé du film, selon le compteur défilant en bas d'écran sur la vidéo, est le suivant :

1.Image:Space.jpg18:49Image:Space.jpgàImage:Space.jpg19:30Image:Space.jpg: Les spectateurs, hommes et femmes en habits traditionnels, les jeunes Paotred

2.Image:Space.jpg19:31Image:Space.jpgàImage:Space.jpg22:27Image:Space.jpg: La remise des diplômes par René Bolloré

3.Image:Space.jpg22:28Image:Space.jpgàImage:Space.jpg24:48Image:Space.jpg: Les danses

4.Image:Space.jpg24:49Image:Space.jpgàImage:Space.jpg25:05Image:Space.jpg: Les sonneurs Fanch Gaillard et François Bodivit

5.Image:Space.jpg25:06Image:Space.jpgàImage:Space.jpg25:40Image:Space.jpg: Suite des danses

6.Image:Space.jpg25:41Image:Space.jpgàImage:Space.jpg29:52Image:Space.jpg: Foule, manèges, vaisselle, hommes aux chapeaux

7.Image:Space.jpg29:53Image:Space.jpgàImage:Space.jpg30:17Image:Space.jpg: Gymnastes

8.Image:Space.jpg30:18Image:Space.jpgàImage:Space.jpg30:17Image:Space.jpg: Invités, garde-chasse et deux soiffards

Parmi les nombreux danseurs, on reconnait bien Corentin Heydon avec son béret et Corentin Coré, tous deux moniteurs des gymnastes des Paotred Dispount. Pour ce qui concerne les 12 femmes et les 11 hommes décorés par le patron René Bolloré, leur identification n'a pas encore été menée ; chacun(e) reçoit deux diplômes enroulées et la boite de la médaille commémorative du centenaire (la médaille proprement dite du travail était épinglée par le préfet, cf. les cartes postales Villard).

Un appel à la reconnaissance de tous les participants à la fête est lancé afin que les générations à venir puissent reconnaitre leurs ancêtres papetiers (cf. vignettes d'arrêts sur image de l'article).

Pour l'animation des danses, deux sonneurs cornouaillais, à savoir Fanch Gaillard (1876-1922) à la bombarde et François Bodivit (1887-1963) au biniou, donnent un véritable concert adossé à une haie près du manoir. Gaillard, ménétrier musicien

  de profession à Quimper, décédé en décembre peu de temps après sa prestation à Odet, est surnommé « Fri toull » (nez creux). Bodivit est natif de Clohars-Fouesnant et son père, François aussi, décédé en 1900, a été également un "binaouer" très réputé.

Et on se demande bien aussi qui pouvaient être les deux pitres assoiffés qui clôturent la vidéo et qui sollicitent en boissons le garde-chasse Alain-Yves Léonus.

En savoir plus : « La fête du centenaire des papeteries Bolloré en 1922, film muet noir et blanc »

6 Une affaire criminelle à Niverrot

Billet du 01.11.2020 - Où il est question de casseurs de pierres sur la nouvelle route de Kerdévot à Niverrot, d'un horrible assassinat en plein champ de pommes de terre et d'un procès en assises d'un jeune domestique délinquant qui écope d'une peine de 15 ans de travaux forcés.

Ce livre « Faits divers en Bretagne - 2e saison » rassemble les chroniques radiophoniques de 2018-2019 sur France Bleu Breizh Izel composées et lues par le journaliste Louis Gildas, et consacrées aux affaires judiciaires des siècles derniers en Bretagne.

La quatorzième chronique de cette deuxième saisie, avec comme sujet une affaire criminelle gabéricoise datée de 1930, a été diffusée quotidiennement sur l'antenne pendant la semaine du 17 septembre 2018 :

Les longs articles ci-dessous publiés dans les journaux « L'Ouest-Eclair », « La Dépêche de Brest » et « Le Petit Breton » sur cette affaire illustrent parfaitement la misère et la violence en milieu rural pendant la première moitié de 20e siècle, au travers notamment des égarements des plus jeunes.

Les premiers articles de 1930 sont titrés « Le crime d'Elliant » parce que les premiers secours sont demandés par le maire d'Elliant, le décédé étant employé par le détenteur du moulin de Quénéhaye situé sur la rive elliantaise, mais le champ de ce moulin où a été commis le meurtre est bien de l'autre côte du ruisseau sur le territoire d'Ergué-Gabéric. Les articles suivants relatent l'affaire comme l'assassinat d'Ergué-Gabéric et l'Ouest-Eclair publie même la photo du village de Niverrot où sont domiciliés la plupart des protagonistes. Et l'acte de décès est bien déclaré dans ce village gabéricois.

L'accusé Jean-Louis Lizen, âgé de 19 ans, natif de Fouesnant de parents miséreux, est domestique pour 200 francs par mois (300 pendant la moisson) dans une ferme de Niverrot, après avoir été ouvrier verrier dans la région rouennaise. Le 12 octobre 1930 il tue à coups de houe un ouvrier agricole, casseur de pierres à l'occasion (tout comme son agresseur), et lui dérobe ses 1660 francs d'économies. Pour commettre son délit, Lizen avoue avoir bu un litre de vin rouge et de l'eau-de-vie de cidre.

Le co-accusé est André Tanguy, 14 ans, est également domestique dans la même exploitation agricole de Niverrot. Orphelin d'un père alcoolique et avec une mère épileptique hospitalisée, il  est  pupille

  de l'Assistance publique (renvoyé de l'orphelinat Massé pour indiscipline) et placé dès ses 12 ans dans la ferme de Niverrot. Quand il était petit, son père l'obligeait à aller mendier son pain.

Leur victime, le journalier François - ou plutôt Fañch - Gourmelen, est logé à Niverrot, a 56 ans et est qualifié de vieillard. Méfiant, il porte ses économies sur lui, dans son veston. Casseur de pierres pour le remblaiement de la nouvelle route de Kerdévot à Niverrot, il est aussi employé par le meunier de Quénéhaye comme journalier et ramasseur de pommes de terre. Il est présenté comme « une physionomie plutôt sympathique. très sobre, il acceptait rarement à boire - il buvait de l'eau - ce qui, à certains points de vue, le faisait passer pour un original dans un pays où l'on ne recule pas devant la bolée.  »

Ce qui frappe à la lecture des comptes-rendus d'interrogatoires et d'audiences d'assises, c'est le fossé social qui existe entre d'une part les domestiques, jeunes et vieux, et leurs patrons agriculteurs d'autre part. Les premiers sont désignés par leurs patronymes - Lizen, Tanguy et Gourmelen -, très souvent sans leurs prénoms, et jamais sans les "Monsieur" qui caractérisent leurs patrons. Les domestiques et journaliers travaillent tous les jours, y compris le dimanche jour de crime, matin et après-midi, alors que leurs employeurs sont ce jour-là en sortie de chasse. Les domestiques sont logés très modestement, soit par exemple celle du meurtrier : « la grange où, près des tas de paille, se trouvait sa chambre. ».

Au procès d'assises le jury a longuement délibéré, et n'a pas manqué de constater la culpabilité avec vol et préméditation de Jean-Louis Lizen qui aurait dû écoper de la peine de mort.

Mais le jugement relève des circonstances atténuantes qui, en temps normal, transforme la peine de mort en travaux forcés à perpétuité. Mais ici les jurés convainquent le président de réduire la peine à quinze ans, le célèbre avocat Jean Jadé ayant déclaré que «  son hérédité a pesé certainement sur son geste meurtrier » et demandé de faire « la part des responsabilité de la société dans l'abandon dont Louis Lizen a été l'objet depuis sa naissance ». Et notamment le fait qu'il a été « jeté dès l'âge de 13 ans, dans une de ces verreries de la Seine-Inférieure où trop d'enfants se livrent à un travail épuisant dans une lamentable promiscuité morale. ».

Son jeune complice André Tanguy dont la faute est d'avoir le guet avant l'agression est acquitté. Le journaliste du Petit Breton ajoute : « Il y a, incontestablement, beaucoup à faire, au point de vue social, pour arrêter la jeunesse dans la voie du crime. C'est une tâche à laquelle il convient de suite de s'attacher. Le temps presse. ».

En savoir plus : « L'assassinat crapuleux d'un casseur de pierres à Niverrot, journaux de 1930-31 », « GILDAS Louis - Faits divers en Bretagne - 2e saison »

7 Des rentes dues à la Légion d'honneur

Billet du 24.10.2020 - Grâce aux documents de privatisation en 1807, on savait déjà que 6 villages gabéricois avaient été intégrés dans le domaine de la Légion d'honneur. Aujourd'hui on en sait plus sur cette intégration de 1802 via les rapports de dotation retrouvés aux Archives départementales.

Ces villages situés à l'est de la commune font partie avant la Révolution d'un fief noble inscrit au domaine royal, à savoir le domaine de Kergestin. Après le décès de Jean du Fou, en juin 1492, le domaine de Kerjestin passe dans les mains de sa fille Renée. Cette dernière s’était mariée la même année à Louis de Rohan, seigneur de Guéméné, et transféra le bien à la famille de Rohan-Guéméné, puis aux Rohan-Gié.

Ces derniers étant les chefs de la résistance protestante bretonne à la fin du 16e siècle, les terres de Kerjestin sont confisquées par la Ligue et intégrées au « Domaine de la Couronne ».

Et tout naturellement elles font partie de la dotation au domaine agricole de la Légion d'Honneur créé par Napoléon Bonaparte en 1802. Cela veut dire que pendant 5 ans, de 1802 à 1807, les fermiers exploitants des lieux doivent payer une rente à l'Ordre de la Légion d'Honneur représenté par sa cohorte n° 13 qui couvre les départements du Morbihan, Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Mayenne et Maine-et-Loire.

Les revenus, en céréales et en argent, que versaient les « fermes d'Etat » servent à entretenir les hospices, les écoles de jeunes filles de la Légion d'Honneur et à payer les pensions des décorés.

Grâce d'une part aux archives des Domaines de Quimper datées de début 1804 en pluviôse et ventôse de l'an 12 et aux documents de ventes en 1807-1808 (cf. articles séparés) d'autre part, on sait que 12 tenues gabéricoises étaient inscrites dans le sommier ou rentier de la Légion d'honneur du département du Finistère :

  1. Tenue à Quenec'h Deniel - 2. Autre tenue à Quenec'h Deniel
3. Un convenant à Kermoisan - 4. Des prairies à Lezouanac'h
5. 6. 7. 8. 9. Cinq tenues à Keranroué
10. 11. Deux convenants à Kerjestin/Keristin
12. Le moulin de Meil-Faou

Les cinq lots complémentaires gérés par le bureau de l'enregistrement et des domaines de Quimper sont situées sur la commune voisine de Saint-Evarzec, notamment Kermorvan et Keridran de l'autre côté de la rivière du Jet.

La nature des rentes dues par les fermiers d'Ergué-Gabéric et de Saint-Evarzec est essentiellement en nature (3 céréales : froment, seigle, avoine) et accessoirement en argent. Les quantités de céréales sont mesurés soit en grands boisseaux, appelés ici « combles », ou en « rases ». Les sommes d'argent, dues notamment pour l'impôt dit des « corvées », sont valorisés en livres et sols, mais à la fin de document de prise de possession les totaux sont exprimés en francs et centimes.

À l'exception du moulin du Faou, toutes les tenues sont dites être « à domaine congéable », régime convenantier et seigneurial maintenu en Bretagne à La Révolution. Le moulin du Faou qui est « en ruine » est tenu à ferme.

Le document de 1804 précise aussi la date officielle de la dotation au domaine de la Légion d'honneur, le 25 septembre 1802, à savoir un an avant le début de l'an 12 : « le 6 vendémiaire dernier et ceux échus pendant l'an 11 qui n'avaient pu être recouvrés avant la réception de la dite instruction appartenaient à la Légion ». Il est rappelé que les rentes versées éventuellement par erreur au trésor public pendant cette période doivent être restituées à la cohorte N° 13.

Se révélant inefficaces et ruineuses au niveau national, les cohortes et le domaine de la Légion d'honneur seront démantelés dès 1807 et les propriétés foncières généralement revendues à leurs exploitants. Les six villages d'Ergué-Gabéric ne feront pas exception, ils n'auront été affectés au domaine de la Légion d'honneur que pendant 5 ans, de 1802 à 1807.

En savoir plus : « 1802-1807 Le domaine gabéricois de l'Ordre national de la Légion d'honneur »

8 Militant et passeur de mémoires

Billet du 17.10.2020 - Une biographie familiale paternelle et maternelle, basée sur des extraits de journaux ou revue, une fiche dans le dictionnaire ouvrier et social Maitron, ainsi que l'épreuve du diplôme du brevet d'histoire-géo de 2012, pour la compréhension des évènements de l'année 1936.

La biographie de René Huguen a l'honneur de figurer dans le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, plus communément appelé « Le Maitron » (du nom de son initiateur Jean Maitron). Après avoir été instituteur, son parcours militant est le suivant : secrétaire des Jeunesses communistes des Côtes-du-Nord (Côtes-d’Armor) en 1944 ; adjoint au maire de Saint-Brieuc (1947-1953) ; directeur de cabinet du député-maire communiste René Cance (1956-1959), assistant parlementaire du député communiste François Leizour. En 1936 Il participe aux manifestations de soutien au Front populaire, est fait prisonnier par les troupes allemandes en 1940, est très actif dans l’organisation de l’aide aux enfants espagnols, et crée le journal Ouest-Matin avec Henri Denis. Retraité, il se plonge dans l’étude de l’œuvre du romancier Louis Guilloux qu'il a côtoyé, et publie des monographies sur le parlementaire Alexandre Glais-Bizoin.
Il demeure fidèle au PCF. Il quitte Ergué-Gabéric avant ses 10 ans, son père ayant été embauché comme cheminot en région parisienne, puis à Saint-Brieuc. Il n'oublie pas pout autant ses origines et y revient, notamment en 1936 comme il s'explique dans le journal « Le Parisien » le 14.07.2012. Cet été des congés annuels payés décrétés par la loi du 20 juin, il part en famille chez ses grands-parents à Lestonan, où tout le village est employé à l'usine de papier Bolloré. « Pour la première fois, ces ouvriers s'arrêtaient de travailler sans perte de salaire, raconte-t-il. Je revois mon oncle ivre de joie levant le poing en criant : Vive Blum ! » Parmi les images qui restent gravées dans sa mémoire, celle de ces familles assises, parfois inconfortablement, sur le pas de la porte. « Ils ne faisaient rien, ils savouraient simplement le moment, en discutant, décrit René. Les gens se rendaient aussi visite, on mangeait des gâteaux bretons, c'était une fête permanente. »

Son père Jean-René est né en 1900 à Stang-Odet, le hameau isolé près de la papeterie d'Odet et d'où était sa grand-mère paternelle Françoise Philippe. Le grand père Jean-Louis (1863-1926) est « ouvrier papetier » sur les actes d'état-civil. L'oncle Yves-Marie, décédé en 1979, est également ouvrier papetier, celui que son neveu décrit dans le journal « Le Parisien » comme criant « Vive Blum ! ».

En 2012, basée sur un article similaire de souvenirs dans « Le Télégramme », l'épreuve du diplôme national du  brevet d'histoire-

  géographie inclut deux questions relatives à 1936 :

Question 3 (document 3) :

  • a) À quel groupe social appartient René Huguen ? 0,5 point
  • b) Comment la population française accueille-t-elle, selon son témoignage, les avancées sociales liées au temps libre ? Justifiez votre réponse en relevant deux éléments du texte. 2 points

Du côté de sa mère Marie Jeanne Le Meur, née Cuzon, René Hugen se souvient de la maison de Croas-Spern de ses grands parent. Sa grand mère Marie Jeanne Cuzon et son grand-père Laurent Le Meur habitent au bord de la route de Croas-Spern une petite maison qui a été rasée en 1996.

Il se souvient : « Au bout d’un jardinet protégé de la route par une haie d’aubépine, se tient l’antique maison au toit fatigué. Le couple Le Meur habite là, moyennant quelques travaux périodiques demandés par les propriétaires de Saint-Joachim. Ah! comme je me sens bien en ces jeunes années, sur cette terre battue où courent souvent les poules, entre ces meubles rustiques dressés sur des cales inégales ; comme je me sens bien à cette grande table à l’intérieur de laquelle Grand-Mère range pain, farine et beurre ou dans l’âtre, chauffant mes petits pieds au-dessus des cendres chaudes ! Et lorsque Grand-Père rentre de sa dure journée de cantonnier et qu’il applique sa barbe piquante sur mon front en lançant fièrement: "Ar goas !" (jeune homme). ».

Ce Laurent Le Meur, cantonnier, est aussi le grand père de Jean Le Reste, ce dernier l'ayant retrouvé sur une photo de 1915 d'un groupe d'ouvriers de la mine d'antimoine de Kerdévot et ayant également célébré sa mémoire : « Je garde le souvenir d’un homme attachant qui, me prenant par la main, tenant un "crepig" de l’autre, m’amenant chercher des noisette. Le matin, quand il partait travailler sur les routes je le vois avec ses marteaux et son coussin (pour se protéger les genoux). »

En savoir plus : « René Huguen (1920-2017), enfant gabéricois, militant communiste et passeur de mémoires »

9 Bulletin poétique et automnal n° 51

Billet du 10.10.2020 - La présente compilation rassemble toutes les chroniques gabéricoises du troisième trimestre 2020 qui ont été publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net, l'envoi postal dans les chaumières se faisant la semaine prochaine.

Jean-Marie Déguignet (1834-1905) et Adolphe Paban (1839-19xx), deux poètes différents ne s’appréciant pas, ouvrent et ferment ce présent bulletin des articles publiés sur le site du Grand Terrier au cours de l’été 2020.

Á la suite du cahier de poésie de Déguignet, c’est la tentative de suicide de ce dernier qui est abordée, par le biais de coupures de presse et du texte de ses mémoires.

Les sujets suivants sont datés du XVIe au XVIIIe siècle : un très beau parchemin signé Kersulgar pour Kernaou en 1540, les mentions d’un sergent féodé à Mezanlez dans un rentier initié par François Ier, l’héritage local des Sévigné mère et fils, et enfin les bannies pour les ventes de Kervéguen juste avant la Révolution.

On reste au village à Kervéguen au XIXe siècle, en relatant les baux des deux métairies dès 1859, l’incendie dans une chaumière en 1887, suivi de l’émigration de ses fermiers à Chantenay près de Nantes.

En 1887 c’est l’affaire d’affaire d’homicide à Kerfréis qui fait la une de la presse et pour laquelle on révèle les éléments d’enquête et de dossier judiciaire pour comprendre le verdict d’acquittement.

Pour le XXe siècle, la photo de classe de CP à l’école publique de Lestonan ravive le souvenir de ces jeunes retraités d’aujourd’hui.

Et, pour finir, un article sur le circuit touristique du Stangala en 1930 et un poème écrit en 1894.


Image:square.gifImage:Space.jpgLire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 51 Octobre 2020 »

 

Pour évoquer à la fois les couleurs de l’automne et la journée de la misère du 17 octobre, rien ne vaut une citation de notre poète Déguignet : « On pourrait croire que le mot fougère a été mis pour rimer avec misère. Mais la rime est juste et vraie : j'ai couché pendant six ans sur la fougère, ne voulant pas tendre la main pour avoir de la paille »

10 Un cahier de vers et de colères

Billet du 04.10.2020 - Facsimile et transcription d'un manuscrit original conservé aujourd'hui à la médiathèque de Quimper, qui, dans le cadre du plan de numérisation des documents patrimoniaux, a procédé à leur numérisation et les met à disposition sur son site Internet.

Ce cahier de copies de lettres et poèmes a fait l'objet en 1999 d'une édition spéciale intitulée « Rimes et révoltes » concoctée par Laurent Quevilly, journaliste et correspondant d'Ouest-France, et Louis Bertholom, qui y ont sélectionné six poèmes, les 6 autres pièces restant à ce jour inédites.

Il s'agit d'un cahier de 59 pages avec une jolie couverture marine, dans lequel Déguignet a recopié ses œuvres poétiques composées en quatrain et les lettres d'accompagnement, et qui a été mis de côté lors de la découverte et publication des 24 autres cahiers de ses mémoires. En voici, sur le GrandTerrier, la transcription presque achevée, laquelle servira peut-être à une édition à venir.

Avec ces poèmes et commentaires, on découvre un lecteur érudit et toujours attentif à l'actualité culturelle de son temps. Ainsi la première page est une annonce du congrès de Vannes de l'URB (Union Régionaliste de Bretagne) en août 1899 pour le « quatrième anniversaire de la réunion de la Bretagne à la France », le contrat de mariage de la Reine Anne avec Louis XII ayant été signé en 1499. Et les dernières pages évoquent l'exposition bretonne de Paris en 1900, c'est-à-dire le village breton de l'exposition universelle.

Dans ses quatrains Déguignet pastiche tout d'abord les œuvres des poètes contemporains bretons qu'il abhorre le plus, à savoir Anatole Le Braz (« Terre d'Armor » dans « La Chanson de la Bretagne », publiée en 1982), Adolphe Paban (« Au bord de la mer » en 1894) et Frédéric Le Guyader (« L'Ere bretonne » en 1896).

Anatole Le Braz, « Pilleur, fripon, voleur, véritable fripouille », est la tête de turc qu'il invective le plus, avec une rage décuplée car il lui avait extorqué une première série de ses cahiers en n'en faisant qu'une publication partielle et tardive. Il s'attaque donc au poème « Terre d'Armor » dont il recopie le texte in extenso, qu'il fait suivre d'un relevé des expressions qu'il trouve grotesque, et ensuite il présente plusieurs poèmes de sa composition où il pastiche allégrement le style et les thèmes de « ce parasite ignoble de la littérature » :

Cette terre d'Armor n'est point faite en pierre
Comme le dit Le Braz, le chantre de la mort [...]
Alors notre soleil bercé sur les nuages
Riant comme une tourte agitant ses poings d'or
Verrait encor resplendir, sous des hommes plus sages,
Le printemps discret de la terre d'Armor.

Les deux autres poètes honnis sont Adolphe Paban et Jean-François Le Guyader. Le premier connu pour son poème « Au Stan-

 

gala » a écrit un recueil intitulé « Au bord de la mer » que Déguignet transforme en :

J'allais philosophant sur le bord de la mer,
Dont les eaux se mouraient maintenant dans l'azur,
Respirant les douceurs et les senteurs de l'air,
De l'air renouvelé, doux, embaumé et pur.

Dans les deux versions, l'originale et la caricature, les héros de la mythologie grecque s'en donnent à cœur joie. Pour le recueil de « L'Ere bretonne » de Guyader ce sont les personnages bibliques qui sont mis en scène. D'autres poèmes sont aussi dressés à d'autres personnages symboliques qui ne sont pas écrivains : son propriétaire terrien noble Malherbe de la Boixière, le curé satanique dénommé Legal.

Le contenu de ce cahier est un mélange de Charlie Hebdo et de Canard enchaîné, on y trouve des caricatures où il force le trait en imitant le texte original, mais aussi des dénonciation des exactions des puissants, qu'ils soient politiques ou ecclésiastiques, et de la misère : « On pourrait croire que le mot fougère a été mis pour rimer avec misère (2e quatrain). Mais la rime est juste et vraie : j'ai couché pendant six ans sur la fougère, ne voulant pas tendre la main pour avoir de la paille. »

En savoir plus : « Le cahier manuscrit des poèmes et lettres de Déguignet en 1899-1900 », « Rimes et Révoltes »

11 Les bannies de Kerveguen en 1754-62

Billet du 26.09.2020 - Bannie, s.f. : proclamation, publication, criée d'une adjudication, d'un prix, d'une vente, d'une vente forcée ; source : DMF.

Entre 1754 et 1762 le foncier des tenues agricoles du village de Kerveguen est vendu trois fois : la première est l'héritage de Laurent Le Gallant cédé à François Louis de La Marche (seigneur de Lezergué), la seconde concerne les édifices et terres de son frère Urbain Le Gallant vendues à Jean-François Le Déan, et enfin la troisième concerne la première part d'héritages pas est également vendue par le sieur de La Marche au même Jean-François Le Déan.

In fine, Jean-François Le Déan, officier de la Compagnie des Indes et habitant à l'époque à Lorient, prend la possession foncière de l'ancien « bien roturier relevant du fieff et seigneurie de Botbodern », le manoir de Botbodern étant voisin sur le territoire de la paroisse d'Elliant, ceci en poursuivant d'une part les contrats de fermage, et d'autre part le paiement des droits seigneuriaux au « sieur comte de Donge », successeur des Lopriac de Botbodern.

Dans un premier temps donc, le seigneur de La Marche de Lezergué fait une transaction pour renflouer Laurent Le Gallant : « les dits Legallant et femme se trouvant poursuivis par leurs créanciers qui menacent de leur faire des grands frais ». François Louis de La Marche garde le bien pendant 8 années seulement avant qu'il ne s'exile sur l'île de Jersey où il meut en 1794.

Les cessions du foncier aux Le Gallant, puis aux Le Déan, qui eux ne sont pas nobles, sont en fait une évolution caractéristique de fin d'ancien régime dans cette première moitié de XVIIIe siècle. Cela explique aussi pourquoi ces propriétés ne font pas partie des biens nationaux confisqués aux aristocrates émigrés au moment de la Révolution française.

Les Le Déan sont d'une famille connue pour ses maitres-sculpteurs à Brest et à Quimper au 17e siècle, auxquels on doit notamment la réalisation des retables du baptême du Christ et la Vierge de Pitié de la chapelle de Kerdévot. Ici nous avons affaire à Jean-François Le Déan (1737-1818), officier de la Compagnie des Indes, puis receveur alternatif des fouages de l'évêché de Quimper, né à Groix, domicilié à Lorient avant l'acquisition du manoir de Penanros en Plomelin (trève de Bodivit).

À chacune des trois ventes de Kervéguen de 1754, 1761 et 1762, le contrat fait l'objet d'annonces publiques à la sortie de la grand messe, ce pendant trois dimanches successifs. Et cette prestation de "crieur public" est assurée par Corentin Peton «  général et d'armes en Bretagne etably à Quimper ». Sa fonction peut être assimilée à celle d'un huissier en charge des sommations ou des proclamations de justice, et il est mandaté soit par des notaires, soit par les autorités judiciaires.

 
(© illustration "Le Crieur" du site Dico-Collection )

En l'occurrence il est présent huit fois « à la porte et principale entrée » de l'église paroissiale et une fois à celle de Notre-Dame de Kerdévot où il fait sa proclamation bilingue de « bannies » ("criées publiques") ainsi qu'il l'explique dans son procès-verbal : « le peuple sortant en affluence d'ouir le service divin et s'étant autour de moy assemblé, j'ay à haute et intelligible voix tant en français qu'en breton donné lecture et explication de mot à autre du contenu du contract d'acquet  ».

Les métairies de Kervéguen seront transmises aux générations suivantes des Le Déan et collatéraux jusqu'à la fin du XIXe siècle : en 1814 Aimé Le Déan le fin aîné de Jean-François en hérite, et en 1887 Amélie Gobert Amélie Gobert de Neufmoulin, épouse Borghi, doit faire face à l'incendie de l'une des fermes.

En savoir plus : « 1754-1762 - Les bannies de Kervéguen, propriété Le Galant, de La Marche et Le Déan »

12 Mémoires d'un désespéré en 1902

Billet du 19.09.2020 - La fin brutale de sa location de chambre rue du Pont-Firmin à Quimper lui ayant été signifiée, Déguignet essaie de mettre fin à ses jours, il s'explique dans le cahier manuscrit n° 22 de ses mémoires et les journaux locaux, « Le Finistère » et « Le Courrier du Finistère », en parlent.

Dans les journaux locaux on lit cet entrefilet les 12 et 19 avril 1902  : « M. le commissaire de police trouvait jeudi matin dans son courrier une lettre d'un sieur Jean-Marie Déguignet, ex-débitant, domicilié au n° 17 de la rue du Pont-Firmin l'informant de sa détermination d'en finir avec la vie » et s'ensuit la description de la découverte d'un corps inanimé et asphyxié près d'un « réchaud rempli de charbons ardents » et dans une chambre calfeutrée a priori volontairement.
Dans la relation précise des faits dans ses cahiers manuscrits, le suicidaire confirme l'existence et le contenu de la lettre écrite la veille : « Demain je vous prie de vouloir bien faire enlever mon cadavre. Vous trouverez chez moi des livres, des manuscrits et de nombreuses lettres, vous en ferez ce que vous voudrez. Je vous demande pardon des embarras que je vais vous causer, adieu Déguignet ! ...»

Et il décrit ensuite sa détermination : « Après avoir tout dispo-sé pour le départ, j'allais encore très gaiement boire quelques verres avec les amis. J'attendis vers minuit avant d'allumer mon charbon, puis je me couchais philosophiquement la tête près du fourneau. ». Sa décision est motivée par les persécutions subies depuis de nombreux années et la goutte qui fait déborder le vase : « Je viens de recevoir de mon propriétaire l'ordre de quitter mon trou dans lequel je vis depuis douze ans, sous prétexte que les voisins se sont plaints des poux lesquels, parait-il, vont de mon trou dans leur chambre ».

Mais les choses ensuite ne se passent pas exactement comme prévu. Le matin il se réveille très difficilement, constatant que le charbon (qu'il a acheté pour deux sous après avoir vendu quelques vêtements à un chiffonnier) et la chandelle ne se sont pas consumés entièrement. Se considérant comme « à moitié ressuscité », il rallume le tout, se rendort, et est ranimé par le commissaire et les agents de police qui sont rentrés en fracturant la porte de sa chambre.

Les articles de journaux explique l'acte du « malheureux / désespéré » par le diagnostic médical communiqué par le médecin hospitalier, à savoir « monomanie de la persécution » et la décision d'un internement d'office.

 
(bulle de Christophe Babonneau, BD "Mémoires d'un paysan bas-breton T. 1")

Quelques mois plus tard, depuis son lit d'hôpital, Déguignet s'insurge en adressant une lettre au docteur Koffec : « Vous avez déclaré par voie de journaux que j'étais fou et que je devais être interné. Déclarez maintenant que cela n'est pas vrai que le sieur Déguignet est plus saint d'esprit que de corps ... ».

Il défend même l'idée d'un droit au suicide de fin de vie : « Ce n'est du reste que le christianisme qui a créé ce malentendu en faisant d'un suicide un crime lorsqu'ailleurs on en fait une vertu, en déshonorant la mémoire du mort, quand ailleurs on l'honore. ».

En savoir plus : « Le suicide aux charbons ardents de Jean-Marie Déguignet en 1902 »

AVIS : Après une interruption d'une semaine les billets hebdos GT reprennent, dans le prochain nous présenterons un "général et d'armes en Bretagne" en 1754-62 .

13 Tourisme et poésie au Stang-Ala

Billet du 05.09.2020 - On ne voudrait pas finir l'été sans une chronique touristique : cette année 2020, de nombreux touristes avertis ont trouvé dans les étendues du site du Stangala un endroit sans possibilité de promiscuité et de propagation d'un quelconque virus, et ils ont eu raison !

Pour conforter ce choix touristique, on peut se référer à deux évocations des siècles derniers : l'une journalistique en 1930, l'autre poétique en 1894. Le premier est un article publié à la une du journal Ouest-Eclair, où le journaliste Jean Corcuff, a développé une série de plusieurs billets sur le thème « À la recherche de coins inconnus ou peu connus de notre région », passant des sites côtiers comme la pointe du Van aux paysages terrestres du Huelgoat ou du Stangala.

Ici, à la une de l'édition du 12 août 1930 c'est le site du Stangala qui est à l'honneur, avec en préambule les mauvaises conditions d'accès, ce qui peut expliquer le fait que le lieu ne soit pas connu à sa juste mesure, cette situation étant toujours à regretter aujourd'hui : « Le Stangala, hélas ! ne connaît les facilités qu'offre une voie ordonnée et entretenue, en voiture, qu'à moins d'un bon kilomètre. ».

Comme de nos jours, il y a en 1930 deux itinéraires peu pratiques pour y parvenir : « par la route de Brest » (emprunter la vieille route de Briec, à droite, pour s'enfoncer un peu, à l'aventure, il faut bien le dire, dans la campagne, au travers des champs de Beg-ar-Ménez) « ou par celle de Coray » (face à la route menant au bourg d'Ergué-Gabéric, gravir les pentes de Squividan et pousser ensuite jusqu'à une maison blanche, à 100 mètres avant le village de Quélennec).

Et là, de chaque côté, au bout du chemin non carrossable, un spectacle grandiose attend le promeneur : « Nous dominons à pic, à une hauteur de près de 100 mètres, la vallée étroite, encaissée, au fond de laquelle, parmi les blocs roulés, coule l'Odet aux eaux rapides et bouillonnantes. Cette vallée est comme un vaste sillon qu'une charrue gigantesque aurait creusé en direction de Quimper, dont on aperçoit, au loin, les deux flèches élancées de la cathédrale de Quimper ».

L'article est accompagné de deux photographies agrestes de l'atelier de photographie de la maison quimpéroise Villard.

Et les légendes locales sont évoquées par les propos du mémorialiste Louis Le Guennec : « Les paysans vous raconteront comment saint Alar, poursuivi par une bande de mécréants qui en voulaient à sa vie, sauta d'un bond par-dessus la vallée en laissant l'empreinte de sa chaussure sur le rocher d'où il avait pris sont miraculeux élan. Ils vous feront voir cette empreinte et aussi la fontaine de saint Alar, dont l'eau se change en vin pendant une heure chaque année ... »

La deuxième évocation du Stangala est extraite d'un recueil de poèmes publié en 1894 par Adolphe Paban, littérateur, journaliste au Finistère, conservateur du musée de Keriolet et fondateur-directeur de la Revue de la province.

 

Derrière le titre « Au Stang-Ala » des pages 97 et 98, cinq jolies strophes glorifient la beauté du site naturel des gorges du Stang-Ala. Les deux premières recopiées ci-dessus se poursuivent ainsi  :

Avec son feuillage mourant,
L'arbre évoque le deuil du fond de la pensée ;
Descendons la pente boisée
Jusqu'à la rive du courant.

Du moulin que la menthe embaume
J'entends le tic-tac sourd, à côté du vieux pont,
Un frêle oiseau qui lui répond
S'est posé sur le toit de chaume

Ah ! qu'il fait bon vivre là
Quelque intime roman que seul le rêve étoile,
Un dernier amour qui se voile
Dans les gorges du Stang-Ala.


En savoir plus : « Un beau paysage terrestre : Le Stangala, Ouest-Eclair 1930 » et « PABAN Adolphe - Au Stang-Ala "au bord de la mer bretonne" »

AVIS : La semaine prochaine pas de billet, pour raisons de vacances du webmestre au cœur du massif de Belledonne, en zone blanche sans connexion aucune.

14 Baux et incendie de Kervéguen

Billet du 29.08.2020 - On se souvient tous de l'incendie de la boulangerie Barabio à Kervéguen en 2016 ; mais qui se rappelle qu'en avril 1887 le toit en chaume de la grande métairie du même lieu a subi le même sort ? Merci à Romain Le Bards de nous avoir transmis des éléments de sa mémoire familiale.

Le carton d'archives n° 60J68, versé aux archives départe-mentales du Finistère par l'étude notariale Pouliquen à Pont-L'Abbé, contient uniquement des pièces relatives aux métairies du village de Kervéguen, depuis les actes de ventes en 1754-62 jusqu'aux baux de fermage de la fin du XIXe siècle.

Et parmi ceux-ci les baux des deux métairies de Kervéguen, courant sur deux fois neuf ans de 1859 à 1868, octroyés par les propriétaires de l'époque : Luigi Borghi, ingénieur de la Marine Royale Italienne, et son épouse Amélie Gobert de Neufmoulin. Cette dernière, par sa branche maternelle, a hérité de son bien gabéricois de Jean-François Le Déan, officier de la Compagnie des Indes, lequel le détenait de François-Louis de La Marche, seigneur de Lezergué, qui l'avait acquis de Laurent Le Galant, héritier du convenant de Kervéguen qui était autrefois inclus dans le fief de Botbodern (Elliant). ***

Les actes de fermages sont accompagnés d'extraits cadastraux qui permettent de situer les deux métairies voisines : la plus grande au sud centrée sur sa maison d'habitation en parcelle 198, et la petite au nord avec son logis en 195 (cf. plan ci-contre).

Le contrat mentionne un document dit « état des stus », valorisant les biens laissés par les fermiers successifs, essentiellement les foins et fumiers, une sorte de résurgence du domaine congéable de l'ancien régime, où si le propriétaire foncier pouvait congédier, le fermier sortant recevait le fruit de l'amélioration de son exploitation.

On trouve aussi, dans la description des obligations associées à une fin de bail, les termes pittoresques suivants : « aoûter » et « amulonner », à savoir l'obligation de moissonner et de mettre la paille et le fumier en meulons (tas, bottes).

Les bénéficiaires et fermiers de Kervéguen en 1859 et 1868 sont Auguste Hémon, né en 1823, et sa femme Pauline Hélou.

En 1887, leur fils Hervé, né en 1849, et son épouse Marie Jeanne Rannou, ayant pris la suite à Kervéguen, vivent une catastrophe imprévue : « Au moment où il venait de se lever vers cinq heures du matin, il remarqua en sortant que le toit était enflammé ; il ne

 

restait après l'incendie que les murs et les poutres fortement endommagés. Hémon suppose que le feu s'est communiqué à la toiture, qui était couverte en chaume, par les crevasses de la cheminée ».

Propriétaires et fermiers étaient assurés (cette obligation d'assurance contre l'incendie est explicitée dans le bail de 1868), mais cela n'a pas suffi pour reconstruire la grande métairie de Kervéguen.

Leur fils Auguste, né en 1876, après un apprentissage de boulanger, part en 1896 pour faire son service militaire à Nantes où il s'installe dans le quartier de Chantenay, lieu de concentration des immigrés bretons, et où il fait progressivement venir ses frères Hervé, Jean Louis et Alain. Ses parents, Hervé Hémon et Marie Jeanne Rannou, quitteront eux aussi Ergué Gabéric : la mémoire familiale garde l'image de la grand mère bretonne, ne parlant pas un mot de français et avec qui elle doit communiquer par signes.

Auguste, épargné par son statut de boulanger dans les services auxiliaires, doit partir tout de même pour Verdun en 1916. Embauché à son retour comme manœuvre à l'usine de savonnerie Talvande, il participe avec sa fratrie à la vie communautaire de ce quartier ouvrier, en prenant notamment la direction de L'Union Nationale des Combattants.

En savoir plus : « 1859-1887 - Fermage des métairies de Kervéguen, incendie et exil nantais »

(***) Nous publierons prochainement les documents et aveux de ce dossier 30J68 présentant la propriété noble avant la Révolution et issue du fief de Botbodern.

15 Coups mortels à Kerfréis 2/2

Billet du 22.08.2020 - Une affaire de coups mortels portée en Cour d'assises. Une liasse de 29 documents conservée aux Archives départementales du Finistère sous la cote 4U2-305, découverte et communiquée par Pierrick Chuto (*) + arrêts d'acquittement et dommages-intérêts classés en 4U1-73.

Il s'agit d'un dossier complet de prévention dont les pièces ont été entièrement retranscrites ci-après. Les rapports d'auditions, et de dépositions par les domestiques et membres de la famille, organisées sur place sur les lieux du crime de Kerfrez, « en l'endroit », donnent une sorte de reconstitution d'un huis-clos villageois du fin de 19e siècle. L'ambiance y est telle qu'on pourrait en tourner un téléfilm à la manière des romans policiers de Georges Simenon.
Cela commence chronologiquement par une scène digne de « La guerre des boutons » de Louis Pergaud, avec une bagarre d'enfants sur le chemin de retour de l'école : « j'ai entendu ma sœur qui venait également de l'école, qui me disait que Moysan voulait la frapper. J'ai couru après celui-ci et l'ai atteint au moment où il montait sur un talus pour rejoindre ma sœur. Je l'ai saisi par les effets et l'ai fait tomber à terre ... ».

S'ensuit la visite matinale dominicale du père René-Jean Moysan venant se plaindre auprès de sa voisine de Kerfrès, mère du sacripant et sa belle-sœur, et qui, chassé de la maison à coup de balai, revient et se fait de nouveau repousser par cette « femme Feunteun » par le moyen d'un râteau. Tout l'enjeu des premiers interrogatoires par les gendarmes est de savoir si les coups ont été portés par le manche en bois, le dos de la partie métallique ou carrément les piques de fer.

Le souci pour le juge d'instruction et les forces de l'ordre pour pouvoir appréhender les faits est d'interroger des témoins qui ne parlent que le breton ; pour ce faire un « interprète de la langue bretonne » les accompagne systématiquement, et le texte transcrit par le greffier conserve des bretonnismes ou expression orales autochtones.

Ainsi des insultes en breton par la victime des coups à l'encontre de l'inculpée sont évoquées de façon lapidaire : « mon beau frère Moysan est venu dans ma maison m'insulter, me traitant de P. et de G. ». Et un peu plus loin dans la déposition : « il est revenu sur le seuil de ma porte, m'insultant encore de (Pot Lourd) en français Lourdeau ». Les initiales P. et G. pourraient signifier en français Putain et Garce, mais en breton le mot « Gast » recouvre en principe la double connotation. La précision « (Pot Lourd) », quant à elle, est sans doute la déformation de « Paotrez lourd », où la féminisation de Paotr signifiant gars est insultante, et l'expression entière veut tout simplement dire Grosse Garce.

D'autres scènes sont marquantes dans les témoignages : le cidre doux demandé par la victime à sa femme « pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux », l'autopsie organisée sur le lieu de décès à Kerfrez entraînant l’enlèvement du cadavre enlevé du lit clos pour raison d'insuffisance d'éclairage et d'espace.

 

Bien qu'accusée de coups mortels, l'inculpée bénéficie d'un acquittement par le jury qui répond négativement aux deux questions posées :

  • « est-elle coupable d'avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ? »
  • « ces coups portés et ces blessures faites volontairement ont-ils occasionné la mort de la victime ? »

Le jury a certainement considéré qu'elle s'est défendue contre un agresseur, et qu'il y avait un doute quant à l'explication du médecin de la mort survenue 36 heures par hémorragie cérébrale. En tout état de cause, la personnalité de la femme Feunteun est clivante : d'un côté elle est qualifiée de « caractère vif et emporté », et de l'autre elle sait le français (elle n'a pas recours à l'interprète lors de ses interrogatoires), elle signe ses dépositions, elle est « cultivatrice » et non « ménagère », elle fait preuve d'une certaine mansuétude vis-à-vis de son agresseur. Son mari Alain Feunteun semble tenir un rôle secondaire dans l'exploitation familiale, il n'intervient qu'à la fin du procès comme proposant à titre solidaire de son épouse une rente à vie à la veuve de René-Jean Moysan.

Ce dernier, par ailleurs, bien qu'« honnête cultivateur », est enclin à la boisson, cherche querelles quand il est ivre, a un casier judiciaire pour avoir écopé de 8 jours de prison pour « Coups et blessures volontaires », s'est fait congédier de son emploi de domestique ...

Les journaux se sont étonnés à la lecture du verdict d'acquittement, ont mis cela sur le compte de la plaidoirie de l'avocat Chamaillard au nom prédestiné, mais la vérité est sans doute plus prosaïquement autour de circonstances où une femme a dû se défendre contre les agressions répétées d'un beau-frère éméché et querelleur.


En savoir plus : « 1887-1888 - Enquête, instruction et procès en assises pour un drame familial à Kerfréis »

(*) Pierrick Chuto, passionné d'histoire régionale, est l'auteur de nombreux articles (Le Lien du CGF, La Gazette d'Histoire-Genealogie.com ... ) et de livres sur les pays de Quimper et de Plobannalec. Sa dernière parution est la réédition des Les exposés de Créac'h-Euzen dans une version réactualisée et très enrichie.

16 Coups mortels à Kerfréis 1/2

Billet du 15.08.2020 - Ces présente et prochaine semaines, une expérience d'interprétation d'une affaire d'assises : tout d'abord la vision journalistique partiale des entrefilets et comptes-rendus d'audience dans les journaux locaux « Le Courrier du Finistère », « L'Union Agricole » et « Le Finistère ».

Le premier journal relate l'audience du 31 novembre 1887 à Quimper via un entrefilet en langue bretonne en première page : « Ar c'hreg Feunteun, d'euz Erge-Vraz, zo bet kondaonet da baoa mil skoed dizomach da intanvez ar Moysan he breur-Kaër marvet dre an taoliou hen d'oa paket digant ar c'hreg Feunteun. » (La femme Feunteun, d'Ergué-Gabéric, a été condamnée à payer mille écus pour dédommager la veuve de Moysan, son beau-frère mort sous les coups donnés par la femme Feunteun.)

Cet article, qui ne dit pas que l'inculpée a été acquittée, signale une condamnation au civil pour une somme de « mil skoed ». Cela équivaut à 5.000 francs, car l'unité monétaire populaire de l'écu valait 100 sous (« gwenneg » en breton), soit 5 francs.

Les autres articles précisent un peu ce qui s'est passé : la femme Feunteun a tabassé à coups de râteau son beau-frère qui serait décédé des suites de ses blessures dans la nuit subséquente.

On pourrait donc s'attendre à une sévère condamnation, les journalistes ne se privant pas d’encenser la victime : « Moysan était un honnête cultivateur, père de six enfants en bas âge. ».

Pour « L'Union Agricole », le jury s'est prononcé hâtivement : « le jury rentre en délibération et en sort cinq minutes après rapportant un verdict d'acquittement. ». Et ceci après « une brillante plaidoirie de Maître de Chamaillard, défenseur de la femme Feunteun ». Ce dernier, Henri Marie Charles Ponthier de Chamaillard, est un sénateur monarchiste du Finistère et installé comme avocat à Quimper.

Les articles de presse reflètent une certaine surprise quant au verdict, et ne rendent pas la complexité du huis-clos malheureux qui s'est déroulé le 14 nov. 1887 dans le petit village de Kerfrez (orthographié « Kerfréis » à l'époque, et tenant son nom d'un emprunt au vieux français « fres » qui signifierait vif, ardent !).

Par contre le dossier de justice, conservé aux Archives départementales du Finistère, avec ses 29 pièces d'interrogatoires, auditions, dépositions, acte d'accusation, réquisitoires, délibérés, avis du jury, plaidoiries, décrivent beaucoup mieux la complexité et

 

la spécificité des disputes villageoises et de leurs néfastes conséquences, et sans doute aussi les raisons d'acquittement. Nous développerons en détail la transcription et l'analyse de ces pièces d'archives la semaine prochaine.

En savoir plus : « Acquittement suite aux coups mortels à Kerfréis, journaux locaux 1888 »

17 Des terres bretonnes en héritage

Billet du 09.08.2020 - « Je trouve en Bretagne des âmes plus droites que des lignes, aimant la vertu, comme, naturellement, les chevaux trottent » : lettre de Mme de Sévigné à sa fille, en réponse aux critiques sur ses autres phrases dénonçant les mutineries et excès d'ivrognerie bretonnes au 17e siècle.

Cette semaine un document inédit conservé aux Archives Départementales de Loire-Atlantique (cote B 2035), à savoir l'acte de succession suite au décès de la marquise de Sévigné et portant sur le domaine gabéricois du manoir de Keranmelin (Kerveil aujourd'hui), relevant noblement du roi, et d'autres propriétés à Plomeur, Gourlizon, Beuzec et Quimper.

Le manoir de Keranmelin, orthographié aujourd'hui Kerveil, a été la propriété des Tréanna et des d'Acigné de la Roche-Jagu et de Grand-Bois. L’héritière de ces derniers, une « dame Dacigné » l'a vendu en 1683 à une « dame Marie de Rabutin Chantal veuve de haut et puissant seigneur messire Henry marquis de Sévigné », autrement dit l'épistolière marquise de Sévigné.

Les lieux constitutifs du domaine sont proches de Kerveil pour ce qui concerne Keryann, Kervernic et Niverrot, et un peu plus éloignés à Kerveady. Tous ces lieux, y compris le manoir de Keranmelin, sont tenus en domaine congéable, cela signifiant que les domaniers pouvaient être congédiés d'une année sur l'autre, mais s'ils payaient leurs rentes foncières en nature, à savoir un nombre conséquent de mesures de céréales (froment, seigle, avoine) et quelques chapons (jeunes coq châtrés).

La marquise décède le 17 avril 1696 et son fils Charles de Sévigné hérite des biens et doit déclarer au roi les rentes qu'il perçoit et payer ses droit de succession dits de « rachapt » de 400 livres au fermier général. Déjà en 1683, au moment de l'acquisition des terres en 1683 par sa mère, il avait produit une déclaration similaire (inventaire A85 dans lequel la date transcrite de 1633 est vraisemblablement erronée).

Ce Charles de Sévigné est moins connu que sa sœur Madame de Grignan, car les lettres publiées de leur mère étaient majoritairement adressées à sa fille. Néanmoins le côté intellectuel et débridé de Charles est bien proche de celui de la marquise. Mais leur attachement à la Bretagne se limitait a priori à leur château des Rochers-Sévigné près de Vitré, et ni l'une ni l'autre ne rendirent visite au manoir de Keranmelin et ses villages en

 

dépendance ; ils se contentèrent d'une administration réduite à la perception des rentes sur le domaine qu'ils appelaient « les terres de Madame d'Acigné »

En savoir plus : « 1696 - Déclaration du manoir de Keranmelin et autres par le marquis Charles de Sévigné », « 1683 - Vente à la marquise de Sévigné de quelques terres gabéricoises et cornouaillaises »

18 Une classe de cours préparatoire

Billet du 01.08.2020 - En ce premier août, c'est l'occasion de raviver un souvenir attendri de fin d'année scolaire 1967 à Lestonan. Tous nés en 1960, ils sont susceptibles de bénéficier aujourd'hui en 2020 d'une retraite selon leurs trajectoires professionnelles : tout cela ne nous rajeunit guère, pourrait-on dire !

Voici les 15 petits bouts de chou de la classe de CP de l'institutrice Madame Le Lec. Cette classe intégrera la classe mixte CE1-CE2 de Maryse Le Berre qui viendra avec son mari Jean remplacer le couple Imprez à la rentrée de septembre.

En haut au 2e rang : Nadine LE LANN, Jean BILLON, Marie-Pierre MIGNON, Pascal VIGOUROUX, Guy AUFFRET, Nicole LE BEC, Martine SAGET

  Devant au 1er rang : Pierrick COGNARD, Didier LE STER, Marthe LE MOIGNE, Sylvie LE BERRE, Roger HENVEL, Patricia BRÉUS, Nicole LE GUERN, Brigitte LE MOIGNE

Avis est donné aux futur(e)s retraité(e)s pour qu'ils/elles nous envoient leurs souvenirs de classe !

En savoir plus : « 1967 - Classe de CP à l'école publique de Lestonan »

19 Sergenterie féodée en 1538-1544

Billet du 26.07.2020 - Un registre de 117 folios conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique sous la cote B 2036 contenant l'ordonnance de réformation du nouveau domaine de roi de France après Union de la Bretagne, et deux mentions de l'office de sergenterie féodée d'Ergué-Gabéric.

Nous devons à Raymond Delaporte la preuve de la charge détenue par Alain Kersulgar de Mezanlez, l'annexe de son étude sur la sergenterie féodée, page 185, donnant ce détail : « B. 2036. Réformation du rôle rentier ; mentions des offices féodés. Folio 70 verso : sergenterie féodée de Mezanlez. Folio 72 verso : Kergamon et Kergastel, gages de la sergenterie d'Ergué-Gabéric. »

Du 13e au 16e siècle, la charge de sergent féodé, ou fieffé, est octroyée à certains nobles pour mettre à exécution les mandements de justice et le recouvrement des rentes ducales ou royales.

Le registre rentier B. 2036 de 1538-1544, conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique, fait suite au rapport nominatif préparatoire de 1536, en donnant la fiscalité précise de chaque lieu. Il est introduit par l'ordonnance du roi de France du 8 février 1837 sur le sujet de la réformation de son domaine en Bretagne. François Ier ayant épousé Claude, fille d'Anne de Bretagne, a hérité d'un vaste territoire qu'il veut réformer en demandant la consignation dans un registre de toutes les rentes féodales.

L'ordonnance de 1537 reprend rigoureusement l'adresse du célèbre édit de Nantes de 1532 traitant de l'Union de la France et la Bretagne : « François par la grâce de Dieu Roi de France et père et légitime administrateur et usufruitier des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et seigneur propriétaire des pays et Duché de Bretagne. »

  Le rentier aux 117 feuillets parchemins, est d'une même écriture typique du 16e siècle avec ses "d" à la barre inclinée à gauche. Son contenu est riche, et n'a fait l'objet à ce jour d'aucune transcription complète ou étude de chercheur en histoire. Y sont listés tous les biens nobles sujets à chefrentes royales de basse-Cornouaille, avec y compris les riches maisons de la ville close de Quimper. Les lieux, propriétaires et montants dus sont précisés, ainsi que les noms des officiers chargés du recouvrement.

Comme détenteur de la sergenterie d'Ergué-Gabéric apparaît donc « Allain Kersulgar seigneur de Maisanlez » pour d'une part les chefrentes de Kerfors (50 s.), et d'autre part celles de Kergamon et Kergastel (27 s.) : «  soubz le Roy pour gaiges de la dicte sergenterie féodée ». Cet Alain Kersulgar, époux de Marie Botigneau, est aussi cité dans l'ébauche de Réformation de 1536, et le manoir de Mezanlez restera propriété des Kersulgar jusqu'à la fin du 17e siècle.

Les générations de Kersulgar, détenteurs de Mezanlez :

Alain I de Kersulgar (réform. 1426)
 x Jeanne de Mezanlez
 |- Jan de Kersulgar
 |- Yvon de Kersulgar, seigneur de Mez-en-Lez (montre 1481)
 |   x 1448 Beatrix de Kervezaout
 |   |- Jean de Kersulgar, sr de Mesanlez
 |   |   x Jeanne de Kergoff
 |   |   |- Alain II de Kersulgar, sr de Mesanles (reform. 1536)
 |   |   |   x Marie Botigneau
 |   |   |   |- Jan de Kersulgar, sr de Mezanlez
 |   |   |   |   x 1616 Marye de Kerourfil
 |   |   |   |   |- Alain III de Kersulgar, sr de Mezanlez (1636)
 |   |   |   |   |   x Claude de Moellien
 |   |   |   |   |   └ François de Kersulgar, sr de Mezanlez (1638, 1668)
 |   |   |   |   |      x Marie Billoart, dame de Mezanlez
 |   |   |   |   └ Marguerite et Françoise de Kersulgar
 |   |   |   |- Claude de Kersulgar x Guillaume Le Guerriou
 |   |   |   └ Françoise de Kersulgar x Tanguy de Finamour
 |   |   └ Marye, Françoise et Izabeau de Kersulgar
 |   └ Marye de Kersulgar x Louis Lesmais
 └ Henri de Kersulgar (1475 pour Kernaou)


En savoir plus : « 1538-1544 - La sergenterie féodée de Mezanlez dans le rentier des recettes de Quimper », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

20 Un document parchemin de 1540

Billet du 18.07.2020 - Jusqu'à cette présente semaine, nous ne connaissions que le registre d'inventaires conservé à Quimper sous la cote A85 pour authentifier les déclarations nobles de propriété, dont notamment celle du manoir et lieu noble de Kernaou par les Kersulgar en 1475 et 1540.

Nous avons retrouvé aux Archives départementales de Loire-Atlantique l'aveu original de Kernaou, présenté en 1540 par Charles Kersulgar, qui est en papier parcheminé et de belle facture avec d'élégantes calligraphies. Il donne la description du lieu et manoir de Kernaou (orthographié Kernou) et les terres et villages rattachés au domaine tenu « prochement et noblement à foyhommage »  :

On sait très peu peu de choses sur ce Charles, « escuyer seigneur de Kernou », si ce n'est qu'il représente la 3e génération détentrice de Kernaou (son père et son grand-père se prénommaient Henri, et son arrière grand-père Alain a fondé également la succession des Kersulgar du village voisin de Mezanlez) et que les deux générations suivantes y resteront jusqu'au 17e siècle.

Charles est déclaré dans les registres de Réformation de la Noblesse de Cornouaille en 1536 : « Charles de Kersulgar, sieur de Kernouë ».

Les 5 générations de Kersulgar à Kernaou :

 Henri de Kersulgar (1475)
 x Jeanne Prévost (dame héritière de Kernou)
 └>Henri II de Kersulgar (1475)
      x Marie Moysan
     └> Charles de Kersulgar, (1540, 1536, 1554)
          └> Louis de Kersulgar, seigneur de Kernaou (1562, 1580)
               x Marie Saludenn
               └> René de Kersulgar, écuyer, seigneur de Kernaou
                    x 1624 Marie Autret, fille de René Autret

Le lieu de Kernaou a fait l'objet d'un acte daté de 1475 et présenté par Henri Kersulgar père et fils, avec cette formule transcrite dans le registre A85 : « Henri Kersulgar garde naturel de Henri son fils pour le manoir de Kernou et apartenances », le premier Henri ayant hérité des lieux par le biais de son épouse Jeanne Prévost. Dans un acte daté 27 février 1479, Henri de Kernaou et Yvon de Mezanlez sont qualifiés de « freres germains ». Henri se fait représenter en 1481 à la montre militaire de Carhaix : « Henry Kersulgar, par Jehan Provost le Jeune, archer en brigandine et vouge ».

On trouvera dans l'article détaillé une tentative de transcription du document original de 1540, avec en regard ce qui a été retenu et résumé dans le registre d'inventaire A85 plus tardif.

 

Le manoir est décrit "ET PREMIER" en première des 8 pages : « où demeure le sieur Kersulgar en la dite paroisse d'Ergue Caberic, contenant soubz maisons, ayre, pourpris et terres chaudes envyron treize journaux ».

Les villages et terres constituant le domaine noble de Kernaou sont dans l'ordre Coat Piriou (Quoet Quiriou), Lezouanac'h (Lesonmenech), Kerdohal, Chevardiry, Kernéno-Kerdilès (Keranhenaff), Meouet (Mezhouet) et également quelques terres à Briec et à Chateaulin. Au 17e siècle le domaine de Kernaou tombera par succession maritale dans l'escarcelle des familles nobles voisines de Kerfors et Lezergué, à savoir les Autret et de La Marche.

En savoir plus : « 1540 - Adveu du manoir de Kern(a)ou présenté par Charles Kersulgar », « Les Kersulgar, nobles de Mezanlez et Kernaou, 15e-17e siècles »

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La semaine prochaine nous publierons un autre document inédit d'archives nantaises sur les Kersulgar, mais cette fois pour détailler la branche de Mezanlez.

21 Bulletin Kannadig estival n° 50

Billet du 11.07.2020 - Ce bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du deuxième trimestre 2020 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net. L'envoi postal dans les chaumières inclut aussi le n° précédent qui avait été mis en ligne, mais gardé au frais pour raison de confinement.

Pour oublier un peu la pandémie, on se remémore tout d’abord dans ce Kannadig la première grande fête républicaine au Cleuyou en 1890.

Ensuite les identifications collectives d’avril des vidéos d’Alain Quelven mises à disposition par la Cinémathèque de Bretagne : scènes de chasse, pêche, basket-ball féminin, processions des années 1950.

Le sujet suivant, daté de 1680, évoque l’entrée de Lestonan et ses patibulaires dans le domaine du Roi.

Deux autres sujets se passent à la veille et pendant la Révolution : le paiement de la dîme ecclésiastique à l’Evêque et le tout premier mandat de maire. Pour la seconde moitié du XIXe siècle, le livre d’un anglais en vacance à Kerdévot, les sciences naturelles selon Déguignet et enfin le vol de la caisse des salaires ouvriers de la papeterie d’Odet.

Au XXe siècle, on a un étrange arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux, les mesures de protection des monuments historiques, et le vol d’habits à Tréodet, avec aussi l’évocation d’une gwerz de Marjan Mao.

Et, pour finir, on revient au thème de la fête : la gavotte aux garages de la rue de Croas-ar-Gac en 2008, un chant que Marjan a aussi interprété 30 ans avant.

 
Pour évoquer le soleil de l’été, nous proposons la chanson Heol Glaz des Tri-Yann : « Rag eun heol glaz eo hennez, O hunvréal ennañ e-unan en deiz Hag o teuzi da noz E hunoù ar Vretonned » (Elle est un soleil bleu-vert, Qui se rêve lui-même le jour Et se dissout la nuit Dans les sommeils bretons)

Lire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 50 Juillet 2020 »

22 Accordéon, chant et gavotte aux garages

Billet du 04.07.2020 - Une vidéo amateur pour la clôture d'un rassemblement de musiciens et chanteurs qui se sont déchaînés en impros et répétitions dans les sous-sols du haut de la rue de Croas-ar-Gac autour d'un chant traditionnel « Son ar Meilher », rebaptisé à l'occasion « Gavotte aux garages ».

Le 20 septembre 2008, une session préparatoire du festival d'accordéons de la sympathique association « Boest an Dioul » dont le nom signifie "boîte du diable" - surnom donné autrefois à l'accordéon diatonique par les prêtres pour ses facultés diaboliques d'appels à la danse - était organisée à Ergué Gabéric du côté du quartier de Lestonan-Quélennec.

Trois garages en sous-sol de la rue de Croas-ar-Gac avaient été ouverts pour cette manifestation : chez Françoise et Dédé Larvol, chez Marie Thé et Didier Le Meur et chez Monique et Didier Coustans-Roland. La rue était barrée et déviée par Pontlen, les gens pouvaient déambuler d'un garage à l'autre, et sous le barnum installé au milieu de la rue pour la buvette et les "billigs". Les gens du quartier étaient venus nombreux et avaient bien apprécié cette très belle soirée.

Et notamment tout le monde se souvient de cette "gavotte aux garages" super entraînante. En fait c'est une reprise du chant traditionnel « Son ar Meilher » (chant du meunier) avec cette orthographe et prononciation locale "meilher", équivalente des "miliner" ou "meliner" plus classiques à l'écrit. La chanson est connue aussi sous le titre complet « Son eur miliner yaouank d'e vestrez » (la chanson d'un jeune meunier à sa bien aimée). Les paroles sont transcrites et traduites dans l'article (après la vidéo et les photos vignettes), avec la copie du cahier de chants des années 1970 et de la feuille volante des années 1900, la version complète ayant été fournie par le chansonnier Kolaik Pennarun (1871-1919) de Landrevarzec.

Les chanteurs qui se sont joints aux accordéonistes et autres musiciens de « Boest an Dioul » sont le gabéricois Jean Billon et l'elliantais Christophe Kergourlay, avec l'aide rapprochée du scaërois Guy Pensec. Sur la vidéo ils chantent sur un air de gavotte, plus précisément le deuxième temps « ton doubl » à la rythmique musicale redoublée et plus vive qui suit le « ton simpl » et le bal ou « tamm kreiz » plus lents.

Mais il se trouve que cette chanson, et ses paroles à l'identique, étaient dans le répertoire de la chanteuse Marjan Mao qui habitait à Stang-Odet tout près de Croas-ar-Gac. Sous la forme d'une complainte ou « gwerz », ses couplets disent aussi le bonheur d'un enfant meunier de la région et de sa douce amie, puis l'éloignement forcé et le départ du pays, et enfin, au bout de 14 ans, le retour et les tentatives du meunier pour renouer, mais qui se heurte à une réalité sociale bien figée.

La vidéo et les paroles du « ton doubl » se terminent par un couplet spécial qu'on qualifierait aujourd'hui de sexiste : « Ar plant yaouank hall breman dougen frouez ha bleiniou ; Mez prestig teuy da zevel keonid war o zreujou » (Les jeunes plantes peuvent maintenant porter fruits et fleurs Mais bientôt se lèveront Des toiles d'araignée sur leurs tiges).

 

Ce texte est dans la version de Kolaik Pennarun, mais Marjan Mao en 1979 l'a ignoré ostensiblement. Elle a continué son chant par treize autres strophes qui expliquent la distanciation sociale entre le pauvre meunier et la riche fille d'agriculteurs. Et cette interprétation complémentaire, dont le texte est aussi dans la feuille volante, est exécutée de mémoire seulement, car Marjan ne savait pas lire du tout.

Les musiciens de la fête des garages sont principalement les accordéonistes Jean Marc Guéguen, plus connu sous le nom de Gaston, et l'incontournable Thierry Beuze de Plonéis, ainsi que les violonistes Loïc Le Grand-Lafoy et sa fille Emilie, accompagnés de leurs amis guitariste, saxophoniste et flûtiste.

Et les nombreux spectateurs sont venus en voisins, tous ou presque des alentours de la rue de Croas-ar-Gac. Pour les identifier, des vignettes d'arrêt sur images, avec numéros de chrono-vidéo, ont été créées. Si vous vous reconnaissez, ou reconnaissez vos amis, n'hésitez pas à nous communiquer leurs noms et/ou prénoms (infos à admin @ grandterrier.net).

En savoir plus : « La "gavotte aux garages" de la rue de Croas-ar-Gac, Boest an dioul 2008 », « Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 »


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À l'occasion du 20ème anniversaire du groupe LIRZHIN, un spectacle intitulé « Scènes & ripailles à Ker Anna » mettra à l'honneur la chanteuse Marjan Mao dimanche 20 septembre prochain à 16 H au centre culturel Athéna, avec en première partie les Gabiers de l’Odet. Une belle fresque musicale imaginée par Pascal Rode, entouré des chanteurs et musiciens de Lirzhin, et d’autres invités surprises.

Ce spectacle relate la vie des ouvriers(ères) dans la cité de Ker Anna avec la dualité de deux époques : avant 1950, la tradition, autour des chants de Marjan Mao ; après 1950, l’arrivée de la modernité à travers les propos recueillis auprès de Jean Hascoët ; tous les deux anciens ouvriers du moulin à papier d'Odet.

23 Premier mandat municipal historique

Billet du 27.06.2020 - Ce week-end de fin juin est organisé le second tour des élections municipales gabéricoises : c'est l'occasion de se remémorer ce qui a marqué le tout premier mandat communal, à savoir deux pétitions signées par son maire pour le maintien des prêtres et l'exil d'une fille de mauvaise vie.

Jérome Kergourlay, né le 6 décembre 1737 à Ergué-Gabéric, est installé comme agriculteur à Squividan. Il est le premier maire de la commune créée en 1790, cette nouvelle structure remplaçant celle de la paroisse, et son nom avec ce titre de maire apparaît dans deux documents de 1791.

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Le premier document est conservé aux Archives Départementales de Quimper sous la cote 18 L 24. La lettre, datée du 1er février 1791, contresignée par le nouveau maire Jérôme Kergoulay, agriculteur au village de Squividan, et par plusieurs officiers municipaux et notables, est l'expression de la toute nouvelle assemblée communale « tenue en la sacristie de la dite paroisse où a présidé Jerôme Kergourlay maire ».

La demande est adressée au District et au Département pour le maintien en postes des prêtres de la commune qui n'ont pas prêté serment à la Constitution Civile du Clergé : « ne voulant pas que l'office divin et l'administration de sacrements soient interrompus, elle prie ces Messieurs de vouloir bien continuer leurs fonctions à l'avenir comme au passé ».

Les prêtres réfractaires de la paroisse sont au nombre de quatre : Alain Dumoulin, recteur (émigrera à Prague en Bohème) ; Vallet, curé (sera nommé recteur de Kerfeunteun) ; Jean-Baptiste Tanguy, prêtre ; Le Breton, clerc tonsuré. Aucun d'entre eux ne restera en place, car un curé constitutionnel sera nommé.

* * *

Le deuxième dossier, également conservé aux Archives Départementales du Finistère (sous la cote 12 L 4) et comprenant une pétition communale et les réponses des autorités révolutionnaires, constitue de notre point de vue un véritable morceau d'anthologie.

Le 14 mai 1791, les conseillers de la commune nouvellement créée formulent une pétition auprès des instances administratives révolutionnaires pour se plaindre des agissements d'une fille de mauvaise fréquentation : « 1° Elle n'est pas originaire de notre paroisse, 2° elle a la vérole, 3° elle se lave dans neuf fontaines dans la persuasion de se guérir, superstition, elle est de mauvais exemple, elle a fréquenté les soldats, elle a eu un enfant.  »

 

" Nous soussignés officiers municipaux assemblés de la paroisse d'Ergué-Gabéric, nous supplions très humblement de prendre en considération la plainte que nous vous portons, avec confiance, d'une fille de mauvaise vie que nous avons sur notre paroisse ... "

À la réception de la requête signée par Jérôme Kergourlay, premier magistrat de la commune, le Directoire du District de Quimper se prononce pour « enjoindre à la fille de se retirer incessamment de la dite paroisse, et au cas qu'elle y reparaisse, à la faire arrêter et conduire aux prisons de cette ville », au nom du principe de « la liberté qu'a incontestablement toute communauté de chasser de son sein les individus qui n'ayant aucun titre à son assistance, lui paroitroient dangereux ».

In fine, craignant que l’intéressée communique à tout le canton le mal dont elle est atteinte, le Directoire décrète « qu'à la diligence du maire et procureur de la commune de la municipalité d'Ergué-Gabéric, la fille dont il s'agit sera incessamment appréhendée et conduite aux prisons de Quimper et ensuite transférée au frais de l'Etat à l'Hopital vénérien de la ville de Brest pour part les gens de l'art, les remèdes convenables, lui être administré, jusqu'à parfaite guérison, et ensuite renvoyé à la municipalité de droit ».

L'hôpital militaire de Brest est bien chargé au 18e siècle du traitement anti-vénérien en Cornouaille et Léon. En 1763 le chirurgien-major M. de Montreux rapporte à son Ministère y avoir traité avec succès des centaines de Vénériens, ceci grâce aux dragées de Jean Keyser. Ces dernières sont en fait des pilules d'acétate de mercure et d'amidon dont la formule est vendue par son inventeur au gouvernement français en 1772.

On peut penser que le remède administré à l’hôpital de Brest sera efficace et que la fille gabéricoise, guérie de son mal, pourra revenir dans sa commune d'origine pour y élever son enfant.

En savoir plus : « Jérôme Kergourlay, maire (1790-1792) », « 1791 - Demande du maire pour le maintien de prêtres réfractaires »,
« 1791 - Requête municipale contre une prostituée »

24 Des "conchennou" anti-gauchistes

Billet du 20.06.2020 - La colère d'un conseiller municipal conservateur qui s'insurge contre l'autorité préfectorale républicaine qui voudrait imposer la conduite pédestre des chevaux sur les routes pour éviter des accidents de circulation. Délibérations municipales et journaux locaux finistériens.

Jean Mahé, né en 1872, neveu de l'ancien maire d'Ergué (également Jean Mahé), est cultivateur à Mezanlez. En septembre 1906 il est nommé conseiller de l'équipe du maire conservateur Louis Le Roux de Kerellou, et reste conseiller jusqu'en 1917, bien que mobilisé.

Au conseil municipal du 4 août 1907, élu secrétaire pour la délibération du jour, Jean Mahé fait écrire dans la délibération du jour : « Le maire entretient le conseil des multiples inconvénients que présente pour les cultivateurs la mise en application de l'arrêté préfectoral en date du 26 juin 1907 préconisant que tout individu conduisant un cheval en main, attelé ou non, devra se placer à gauche de l'animal ».

Et il demande au préfet François Joseph Ramonet de surseoir car « le susdit arrêté est difficilement applicable à la campagne et qu'il est de nature à produire de nombreux accidents, tant dans les petits chemins creux et encaissés ».

Il faut dire qu'en juillet Jean Mahé a publié une lettre ouverte au préfet dans laquelle il se moque du nouveau pouvoir républicain : « Je sais bien, l'exemple venant du haut, que le char de l'État a des tendances à marcher toujours plus à gauche et que la droite est un sujet d'aversion aiguë ». Et en conclure par cette provocation : « Parmi les habitudes, il est sage de conserver les bonnes, et celle de mener à droite en fait partie. »

Et pour appuyer son argumentation, il fait parler les plus âgés, paysans et chevaux : « J'entendais, l'autre jour, les plaintes d'un vétéran des champs, de 65 ans, dont le cheval s'en allait lentement, alourdi par le poids de 25 années de travail : "Comment veux-tu, mon pauvre ami, que je conduise à gauche, je n'ai toujours connu que ma droite" ... Tout ça c'est des changements qui ne disent rien, ce sont des conchennou (*). »

Et il imagine un accident avec un guide à gauche : « Une automobile apparaît brusquement au tournant d'une de nos routes si pittoresques, avec sa trépidation et le mugissement de sa trompe, le cheval s'effraie, fait un écart et le conducteur à gauche, projeté sous les roues du terrible teuf-teuf ... se remue, s'agite comme un ver coupé. Adieu cheval et charrette !  ».

 
(inspiré par un dessin de Laurent Quevilly, 1998)

Une autre réaction dans le même hebdo catholique rebondit sur les propos de Jean Mahé et propose de façon humoristique une réécriture de l'arrêté contesté : « Art. 1er. - Les chevaux qui ne pourraient être conduits à gauche et par la tête, pourront l'être par la queue ».

Et les jours suivants les autres journaux rendront compte de l'émotion soulevée dans la population paysanne de tout le département et des débats houleux aux séances du Conseil général.

En fin d'année, le texte de l'arrêté est révisé par le nouveau préfet Eugène Allard : « Considérant que l'arrêt sus-visé a soulevé de nombreuses protestations, motivée par une habitude invétérée de se tenir à droite des attelages, et qu'il y a lieu de tenir compte de ces protestations en ce qui concerne les chevaux attelés, tenus en main ». L'article 1er est donc modifié en conséquence, la technocratie républicaine a dû reculer devant la contestation locale.


En savoir plus : « 1907 - Un conseiller contre l'arrêté préfectoral sur la conduite à gauche des chevaux », « Arrêté préfectoral sur le guide des chevaux à gauche, journaux locaux 1907 »

(*) Koñchennoù, sf. pl. : bretonnisme, « histoires, bavardages, balivernes ». Konchenner, c'est commérer. Source : Les bretonnismes d'Hervé Lossec, "de retour".

25 Vol au moulin à papier en 1887

Billet du 13.06.2020 - Le vol dans des circonstances rocambolesques de la caisse contenant l'argent liquide servant à payer le personnel du moulin à papier d'Odet. Comptes rendus des audiences d'assises dans les deux journaux locaux « L'Union Agricole » et « L'Union Monarchique du Finistère ».

On appelait cette bande « Les voleurs de Quimper » car pendant de nombreuses années ils écumèrent la région quimpéroise en commettant d'importants vols d'argent bien organisés. L'un d'entre eux était d'origine gabéricoise : Pierre Le Roy, né en 1857 à Guillyhuec, de profession aide-agricole ou potier.

C'est grâce à lui que la bande, menée par un certain Pierre-Louis Motion, a pu commettre le vol par effraction à l'usine de fabrication de papier à Odet : « Le Roy, qui a travaillé pendant longtemps au moulin, savait que le paiement du personnel devait être effectué le 7 mai et il avait acquis la certitude que son oncle, charretier de l'usine y avait porté de Quimper, dans l'après-midi, le 6 mai, une caisse contenant le billon nécessaire à cette paie. ».

Le compte-rendu des assises détaille précisément leur méfait : « ils se couchèrent dans une allée d'arbres plantés le long du jardin et attendirent là jusqu'à minuit, heure à laquelle les ouvriers se relèvent au travail de l'usine. ». Grâce aux informations de l'oncle charretier et avec l'aide d'un « ciseau à froid » de serrurier, ils réussissent à s'emparer et à ouvrir la caisse en bois de la paie, mais échouent à ouvrir le coffre-fort.

On apprend que le montant de la paie de début de mois des ouvriers est de 280 francs en « billon » (menue monnaie). Cette paie ne couvre pas les indemnités d'une quinzaine, car l'entreprise compte 120 salariés au total à l'époque et le salaire moyen, d'un ouvrier homme est de l'ordre de 2,5 à 3 euros par jour. Certes femmes et enfants sont nombreux à travailler à Odet (cf photos ci-contre), mais l'équation semble improbable.

Dans les articles de journaux, pour désigner les propriétaires du moulin à papier, il est question soit de Madame ou de Monsieur Bolloré, soit de « Messieurs Bolloré, manufacturiers à Ergué-Gabéric ». Ceci s'explique d'une part par le fait que le premier dirigeant Bolloré, Jean-René, est décédé en 1881, et que sa veuve Eliza, née Le Marié et sœur du fondateur Nicolas Le Marié, a conservé la direction de l'entreprise jusqu'en 1891.

 
hommes, femmes et enfants ouvriers d'Odet vers 1880-90

femmes ouvrières d'Odet vers 1894

Et d'autre part parce que le fils aîné, René-Guillaume Bolloré, travaille dans l'entreprise avec ses deux frères Charles et Léon sous la supervision de leur mère : « Après quelques années de tâtonnements et de collaboration, l'aîné des trois fils, toujours M. René, prit seul en main la direction : il devait la conserver vingt-quatre ans. » (abbé Édouard André-Fouet), jusqu'à son décès en 1904.

En tous cas, les malfrats du vol du moulin à papier d'Odet n'ont pas échappé à un verdict relativement sévère : 20 ans et 15 ans de travaux forcés pour les deux meneurs, et 5 ans de prison pour leur complice gabéricois Pierre Le Roy.

En savoir plus : « Vol de la caisse de la paye du personnel à Odet, journaux locaux 1887 », « Elisabeth Bolloré (1824-1904), nièce, fille, épouse et mère de fabricants de papier », « René-Guillaume Bolloré (1847-1904), entrepreneur papetier »

26 Du côté de Lestonan en 1680

Billet du 06.06.2020 - Voici comment le village orthographié Lezdonant et trois de ses parcelles nommées Parc Rupin est entré dans le domaine de sa Majesté le Roy, après avoir servi de lieu d'implantation des poteaux de justice ou patibulaires de Kerfors et de Lezergué.

En cette fin de 17e siècle, la réformation du domaine royal a bouleversé la perception des droits seigneuriaux sur le territoire d'Ergué-Gabéric, notamment du fait que certains seigneurs locaux comme ceux de Kerfors et de Lezergué se sont vus déboutés des droits de justice et de chefrentes sur certaines mouvances de leur proche-fief.

Les terres et le village de Lestonan qui dépendaient auparavant de Kerfors et de Lézergue font désormais partie des lieux roturiers « réunis au domaine de sa majesté sous sa garde royale ».

Nous avons transcrit les déclarations publiées dans le volume du papier terrier conservé aux Archives nationales. Mais comme le premier dénombrement est quasi illisible, nous avons complété par les folios originaux du « Livre de sentences contenant les ordonnances de correction et de réception rendues par les commissaires réformateurs du papier terrier du Domaine de Quimper » (Archives de Nantes, cote B 2050).

Les déclarations et sentences concernent d'une part le village de Lestonan, avec « maisons, four, ayres, pourpris, issues à framboy, issues », et d'autre part trois champs dépendant du dit village, dénommés « Parc Rupin » en breton.

Le lieu-dit Lestonan est orthographié avec plusieurs variantes : Lezdonnant, Lezdonant, Lestonan, Lestonnan, Lestonant. Le toponyme avec un d est une version ancienne déjà repérée au 15e siècle mais qui semble donc toujours en usage, et qui pourrait être dédié à l'origine à saint Don (ou Donan par diminutif). Le village est aussi précisé « huella » (haut) regroupant sans doute les fermes de Lestonan « vian » (petit) et « vraz » (grand) exploitées aux XIXe et XXe siècles, et pas du tout au centre-Lestonan actuel, pas plus qu'au lieu-dit intermédiaire de Kerhuel (qui fait l'objet d'une sentence séparée d'inclusion dans le domaine royal).

Les détenteurs en titre des biens concernés à Lestonan, village et parcelles, sont essentiellement de la famille Lozeac'h, présents à Lestonan depuis plusieurs générations. Parmi les déclarants de cette famille, il y un prêtre Michel Lozeach, demeurant a priori à Pennamenez, qui est identifié en 1665 comme l'un des vicaires gabéricois du recteur Jean Baudour.

L'objet des déclarations est de noter que les biens relèvent maintenant « prochement, & roturièrement du Roy », prochement car il n'y plus de seigneur intermédiaire, et roturièrement parce que non noble. Plus explicitement, la cheffrente due au seigneur de Kerfors (et à Lezergué jusqu'au début du 17e siècle) est à présent « convertie en rente censive » au roi, avec transferts également des autres droits : Chambellenages (droits de vassalité), Lods et ventes (taxes sur ventes à des acquéreurs tiers) et Rachats (droits de succession familiale).

Pour ce qui concerne les parcelles de terres, essentiellement froides et incultes, elles sont au nombre de trois et nommés « Parc Rupin ». Ce nom de micro-toponymie n'est pas un synonyme de richesse, il est décomposable en « Run » (signifiant tertre ou som-

  met) et « Pin » (sapin, pin), ce qui laisse à penser qu'il s'agit d'une hauteur plantée de pins.

Le parcellaire du cadastre de 1834 confirme la localisation en hauteur des terres de « Parc Rupin », sur les parcelles n° 1100, 1102, 1103 et 1104, entre l'ancien village de Lestonan et Kerouzel.

Dans les sentences et déclarations de 1680-82 il est bien rappelé que les Lozeach devaient à « la seigneurie de Querfors la somme de trois sol six deniers de cheffrante » pour exploiter le champ Parc-Rupin. Et si l'on remonte aux aveux de 1634 concernant le domaine de Lezergué (qui va devenir la propriété du seigneur de La Marche de Kerfors) on trouve aussi ces « trois parcs nommés Rupin proche de Lestonan ».


Dans ce même document de 1634, il est question des « patibulaires à deux piliers en la montaigne de Lestonnan », de là à penser que ces poteaux de justice où on pendait les mécréants étaient précisément sur les hauteurs de « Parc Rupin ». Nous vous proposons, sur la base de la localisation précise des dites parcelles, d'organiser sur place cet été une chasse au trésor à la recherche des fameuses fourches patibulaires.

En savoir plus : « 1680-1682 - Papier terrier des terres royales roturières de Lestonan »

27 Boniments de vulgarisateurs charlatans

Billet du 30.05.2020 - Page 228 de l'Intégrale des « Mémoires d'un paysan bas-breton », publication des cahiers manuscrits de Jean-Marie Déguignet, les notes de bas de page de l'éditeur indiquent : 181. Mangin : personne non identifiée, et 182. Jules Radu : ibid. Nous avons voulu en savoir un peu plus.

En remontant aux pages précédentes du cahier, nous comprenons que Déguignet défend l'importance de s'initier aux sciences naturelles et à la physiologie dans les musées, les cours et même les théâtres. Mais a contrario il s'insurge sur la nullité des méthodes imprimées produites par des vulgarisateurs qu'il qualifie de charlatans.

En début d'année 1859, alors qu'il est en congé à Paris après sa campagne de Crimée, avant de repartir servir Napoléon III dans sa guerre d'Italie, le soldat Déguignet se focalise sur l'apprentissage autodidacte : « le meilleur moyen de s'instruire dans les sciences naturelles, les seules utiles, était d'étudier les choses dans leur nature même ».

Et il multiplie ses visites éducatives gratuites dans les musées de la capitale : « Or, toutes ces choses se trouvent ainsi à Paris, clans les musées du Louvre, du Luxembourg, de Cluny, de la Marine, des Arts et Métiers, du Jardin des Plantes, les théâtres, les cours de physiologie, de physique, de chimie et d'histoire naturelle » ; « Et au Jardin des Plantes, on peut voir et contempler toutes les autres créatures de notre petit globe terrestre, avec tous les végétaux qu'il produit naturellement et artificiellement, et les divers minéraux qui forment sa charpente ».

Il ne néglige pas non plus quelques sorties culturelles : « quand mes économies le permettaient, j'allais au théâtre », n'ayant pas à faire la queue en tant que militaire, alors que ses collègues voltigeurs préfèrent aller se distraire dans les « bastringues des barrières » (les guinguettes implantées dans les faubourgs parisiens à l'extérieur de l'enceinte des Fermiers généraux).

Par contre, il note dans son camp retranché d'Ivry, l'intrusion commanditée de pédagogues se disant les apôtres de l'instruction et de l'éducation moderne : « Ces charlatans, dont le célèbre Mangin était le roi, venaient jusque dans nos casernes nous donner des séances de somnambulisme et de prestidigitation ». Arthur Mangin (1824-1887) est un écrivain et vulgarisateur, auteur de nombreux ouvrages soi-disant scientifiques, notamment « Les phénomènes de l'air » ou « Voyage scientifique autour de ma chambre ».

La scène, dont Déguignet est le témoin direct, est celle de Jules Radu (1810-1899) faisant une opération de promotion de sa méthode de "lecture, écriture, calcul, orthographe, dictionnaire français, agriculture, géographie, histoire" approuvée et autorisée par l'Académie : « Quand il eut terminé son boniment, les sergents-majors passaient devant leurs hommes, demandant qui en voulait, et inscrivant d'autorité certains individus qui secouaient

 


la tête. Enfin, moins d'une heure après, nous recevions presque tous le livre merveilleux, pour le prix de cinq francs qui devait être retenu sur notre petite solde. ».

Le verdict de l'apprenant autodidacte est sans appel : « des modèles d'écriture avec des explications grotesques pour imiter ces modèles ... puis des extraits tronqués et falsifiés de l'histoire de France et de l'histoire sainte; et puis c'était tout, c'est-à-dire rien que des sottises » ; « Si ce grand charlatan breveté et garanti du gouvernement était revenu à la caserne, je crois bien qu'il y aurait passé un mauvais quart d'heure ».

En savoir plus : « Déguignet étudie les sciences naturelles sans les vulgarisateurs charlatans »

28 Les reliques de saint Kerdévot

Billet du 23.05.2020 - « A l'extérieur, de nombreux groupes, les hommes la tête nue, processionnaient lentement autour de l'édifice, disant des prières et leurs chapelets tout en marchant ; alors que d'autres, en majorité des femmes, tournaient autour de la chapelle en progressant lentement sur les genoux. »

Charles Richard Weld (1813–1869), écrivain historien de la Royal Society, a écrit une série de récits de ses voyages de touriste en vacances au Canada, en Irlande, en Ecosse, en Italie et dans plusieurs régions françaises dont celui-ci « A Vacation in Brittany » ("un séjour de vacance en Bretagne"). Dans ce journal de voyage, le site gabéricois de Kerdévot et son Pardon sont à l'honneur car pas moins de 11 pages leur sont consacrées, lesquelles ont été traduites ici en français pour la première fois, afin d'en comprendre la teneur.

Jean-Yves Le Disez, dans son livre « Étrange Bretagne. Récits de voyageurs britanniques en Bretagne (1830-1900) » publié en 2002, a étudié le livre de Weld dans le chapitre « Charles Richard Weld, touriste malgré lui » où il critique son journal en Bretagne comme étant très superficiel et empreint de snobisme.

En effet, si on analyse les pages relatives au site de Kerdévot, on peut noter les fautes de goûts et erreurs manifestes suivantes :
Image:right.gifImage:Space.jpgSaint Kerdévot : l'auteur pense qu'un saint éponyme y est vénéré, alors qu'il s'agit d'un toponyme signifiant "village de la dévotion", et qu'il est dédié à Notre Dame de Kerdévot, représentant la Vierge Marie, laquelle a, selon la légende, vaincu la peste.

Image:right.gifImage:Space.jpgReliques du saint : le touriste anglais croit voir, en tête de la procession du Pardon, « six jeunes filles,
vêtues de robes blanches, rubans et fleurs, et portant une sorte de cadre en velours satiné : au centre, sur un coussin, reposaient les reliques du Saint et une image de la Vierge éternelle
 ». Indubitablement, comme cela est le cas aujourd'hui, ces filles portaient une petite statue de Notre-Dame.

Image:right.gifImage:Space.jpgLe paysan breton : sous ce terme, le pèlerin du Pardon de Kerdévot est présenté comme un grossier personnage qui a « trois vices , — l'avarice, le mépris des femmes, et l'alcoolisme ».

Mais le témoignage de Charles Richard Weld est néanmoins intéressant car, même s'il n'a pas pris le temps d'étudier chaque lieu, il a noté avec réalisme certaines scènes :
Image:right.gifImage:Space.jpgla description des lieux : « des tentes, kiosques et stands affichant des rafraîchissements, principalement  alcoolisés,  étaient

  disposés en lignes semi-circulaire, sur tout le placître, et l'arrière-plan du paysage est rempli par la chapelle, une grande bâtisse élégante, avec une petite sacristie adossée, et un calvaire impressionnant représentant la mort et la passion du Christ. » (tents, booths, and stalls displaying refreshments, principally of an intoxicating nature, were ranged in semicircular lines round the meadow, while the background of the picture was filled by the church, a large handsome structure, with a small chapel contiguous to it, and a rich Calvary representing the death and passion of our Lord.)

Image:right.gifImage:Space.jpgles blagues potaches : « Un de ces paysans était observé par une bande de jeunes hommes à l’affût évident de divertissements ; un tas de pierres à proximité appelait à des sottises. En en tour de main ses bragoù (braies, pantalon) en furent remplies ... »
Image:right.gifImage:Space.jpgle marchand coiffeur : « les filles entraient chez lui volontairement, et pour certaines très impatientes, pour échanger leur belle chevelure contre trois pauvres petits mouchoirs de teintes criardes, de la valeur d'à peine douze sous ! ».
Image:right.gifImage:Space.jpgles danses et les crêpes : « quand la procession est achevée, les paysans énergiques forment une grande chaîne et font une farandole comme je l'ai déjà signalé à propos de la ronde de Châtelaudren » ; « des gâteaux appelés crêpes et faites de farine, sucre et lait, roulées pour former une galette, et enfin cuites. Celles-ci, vendues en feuilles de presque un tiers de mètre carré (60 cm de diamètre), faisaient la joie des jeunes galants bretons. »


( "un paysan d'Ergué-Gabéric", cahiers de Joseph Bigot, archives privées )
En savoir plus : « WELD Charles Richard - A Vacation in Brittany »

29 Arrêtés de protection du patrimoine

Billet du 17.05.2020 - Les verrières de Saint-Guinal (1898), la chapelle et le calvaire de Kerdévot (1914), la statue de Saint-Guénolé (1924), le château de Lezergué (1929), les autels-retables et le placître de Kerdévot (1931), le site du Stangala (1932), l'église, cimetière et ossuaire Saint-Guinal (1926, 1939)

Ce dossier conservé aux Archives Départementales du Finistère (cotes 1T32, 61 et 72) inclut la presque intégralité des arrêtés des classements ou inscriptions aux Monuments Historiques du patrimoine gabéricois sur la période 1898-1939. Les décisions émanent du Palais-Royal à Paris, siège de la Direction des Beaux-Arts, dépendant à l'époque du Ministère de l'Instruction publique, le Ministère de le Culture n'existant pas encore.

L'exécution de la protection du patrimoine est régie initialement par la loi de 1887, puis celle du 31 décembre 1913, la deuxième élargissant les conditions d'accès à tous les domaines publics, privés et naturel. Le classement est réparti selon le degré d’intérêt historique ou artistique des monuments entre une simple « inscription » (sur une liste dite supplémentaire) et un « classement  » (plus contraignant et plus subventionné).

Les premiers éléments du patrimoine gabéricois à être déclarés monuments historiques classés en 1898 sont les deux verrières de l'église paroissiale : « la Verrière ancienne de la chapelle absidale » (maîtresse-vitre de 1516) et « une fenêtre du collatéral sud  » (vitrail de François et Marguerite Liziard). La démarche intègre l'avis favorable du conseil municipal.

Puis, en 1914, le premier immeuble complet classé est la chapelle et le calvaire de Kerdévot avec une procédure administrative préparée dès 1908. Comme avant 1913 seuls les monuments publics sont admis, le maire doit produire une attestation de don de la chapelle à la commune de part de Jérome Crédou qui l'avait "acheté" comme bien national à la Révolution.

La première statue classée en 1926 est celle de saint Guénolé en sa chapelle éponyme. Ensuite, le 23 juillet 1931, deux autels et retables sculptés sont classés : « Deux autels avec rétables ayant pour motifs principaux le baptême du Christ et une Piéta, bois sculpté et peint XVIIe siècle. », le premier ayant volé en 1973. Le retable flamand de la Vie de la vierge, daté du XVe siècle, est aussi classé à la même date, mais le document n'est pas inséré dans le dossier. En 1929, le château de Lezergué, propriété privée en ruines, est inscrit sur l'inventaire supplémentaire.

En 1931-32 deux sites naturels sont inscrits : d'une part le placître et l'enclos de Kerdévot et d'autre part le site du Stangala avec la déclaration de 25 parcelles du plan cadastral d'Ergué-Gabéric. À noter pour ce dernier, étendu sur trois  communes,  le  classement

 

a été un moyen de contrer un projet de barrage électrique tenté localement dès 1928-29.

Et enfin l'église paroissiale Saint-Guinal, son ancien cimetière à l'entour, et son ossuaire sont classés en 1939. Pour mémoire, d'autres inscriptions et classements interviennent en deuxième partie du XXe siècle : le trésor d'orfèvrerie religieuse en 1955 et l'orgue tricentenaire de Thomas Dallam en 1975.

En savoir plus : « 1898-1939 - Arrêtés ministériels d'inscription ou classement aux Monuments Historiques »

30 La dîme à la veille de 1789

Billet du 09.05.2020 - Trois actes notariés traitant des portions de dîme ecclésiastique, dites « des gros fruits» sur les villages de Kermorvan et de Quillihouarn pour les 15 ans précédant la Révolution, le rapport des dernières dîmes dues au recteur et l'article 4 du cahier de doléances.

Juste avant la Révolution, la dîme ecclésiastique est toujours perçue à Ergué-Gabéric par le temporel du seigneur évêque de Quimper, mais seulement pour quelques fermes isolées, alors que la levée de la dîme sur les récoltes de toutes les autres fermes est faite directement par le clergé local.

On n'est plus aux siècles précédents, du XIIe au XVIIe, quand l'évêque était un gros décimateur qui admettait difficilement le droit aux recteurs et vicaires gabéricois de recevoir leur portion congrue : cf. jugement noté dans le cartulaire en 1170.

Nous avons ici les actes notariés épiscopaux des années 1773, 1774 et 1779 pour les villages de Kermorvan et de Quillihouarn où l'impôt est qualifié de « portion de dixmes des gros fruits à la quinzieme », ceci voulant dire que :

Image:right.gifImage:Space.jpgc'est une portion payée en argent et non en nature, en l’occurrence 50 livres pour les baux de 5-6 ans de 1773 et 1774, et 54 livres pour le bail de 9 ans de 1779.
Image:right.gifImage:Space.jpgle terme de quinzième rappelle la proportion des récoltes qui est en principe taxée en nature, pourcentage qui à l'origine était de 10% ; l'impôt est devenu une rente annuelle numéraire dont la perception commence toujours « à la récolte prochaine »
Image:right.gifImage:Space.jpgl'expression des gros fruits indique que la dîme est perçue sur les céréales nobles comme les « bleds, froment, seigle, avoine & orge, & autres fruits qui forment le principal produit de la terre, selon la qualité selon la qualité du terroir et l'usage du pays, tels que le bled sarrazin, dans les pays où il ne croit pas de froment. Ces dixmes appartiennent aux gros décimateurs, et sont opposées aux menues et vertes dixmes, qui appartiennent toujours au curé. », en excluant le lin et le chanvre.

  Le dernier bail de 9 ans pour la dîme épiscopale de Quillyhouarn est daté du 6 mars 1779, et son échéance nous amène à la veille de la Révolution qui mettra fin à ce type d'impôt.

Le cahier des doléances d'avril 1789 rédigé au nom du tiers-état d'Ergué-Gabéric, comme beaucoup d'autres en basse-Bretagne, n'a pas réclamé la suppression de la dîme, mais « une répartition proportionnelle de tous les biens ecclésiastiques, sans distinction, de manière que tous les membres du clergé y aient une part raisonnable et graduelle, depuis l'archevêque jusques aux simples prêtres habitués des paroisses, afin que ceux-ci soient affranchis de la honte de la quête, c'est-à-dire de celle de mendier. ».

On constate d'ailleurs qu'à cette époque le recteur Alain Dumoulin touche bien la grande majorité des ponctions en nature dues sur les céréales (seigle pour 61%, avoine pour 39%, et froment à moins de 1%) qu'il valorise à hauteur de plus de 1600 livres pour sa dernière année. La suppression de la dîme est définitivement votée lors de la nuit du 4 août 1789.

En savoir plus : « 1773-1779 - Dixmes des gros fruits pour Kermorvan et Quillihouarn », « 1790 - Lettres d'Alain Dumoulin sur la dîme et son traitement de recteur », « 1789 - Le cahier de doléances du Tiers-Etat d'Ergué-Gabéric »

31 Les Républicains contre les Réactionnaires

Billet du 02.05.2020 - La fête républicaine au Cleuyou annoncée par un quotidien local et acclamée par un journal national : plus de 6.000 personnes viennent à ce rassemblement, et la municipalité gabéricoise est qualifiée de réactionnaire et boycottant ostensiblement cette « fête du diable ».

Le journal républicain « Le Finistère » du 13 septembre 1890 annonce la grande fête laïque du dimanche 21 septembre, une semaine après le grand pardon de Kerdévot.

Elle est organisée par un comité présidé par Albert Le Guay, ancien juge de paix et propriétaire du Cleuyou. Il avait demandé au préfet son accord par un courrier daté du 6 septembre 1890 : « Le but de cette assemblée est d'organiser une fête patriotique dans une commune qui en est totalement dépourvue, même à l'occasion du 14 juillet ».

Le journal local salue l'initiative : « Les organisateurs de cette fête méritent d'autant plus des encouragements, que la municipalité réactionnaire d'Ergué-Gabéric ne fait absolument rien pour attirer chez elle les étrangers, soit par des réjouissances publiques ou dans des assemblées, à la suite desquelles les commerçants et la commune y trouvent toujours profit.  ».

Le terme réactionnaire à la fin du XIXe siècle était, dans la bouche des républicains, le qualificatif désignant les partis conservateurs, et localement à Ergué-Gabéric l'équipe municipale dirigée par Hervé Le Roux de Mélennec était également dite catholique..

Le journal national satirique et anti-clérical « La Lanterne » rend compte le 26 septembre de l'énorme succès de la fête : « Le coup d’œil était féerique : la colline couverte de spectateurs, et les amis des jeux et de la fête formaient une réunion de six mille personnes au moins. » .

Et le correspondant de « La Lanterne » ne mâche pas ses mots en rapportant l'abstention des conseillers et du recteur Guy Gourmelen : « On a remarqué l'absence des réactionnaires de la commune à la fête républicaine du Cluyou. Ils ont craint d'assister à cette fête impie, et, d'après ce que  l'on  rapporte à  la  dernière

 

heure, le recteur avait promis de récompenser les fidèles qui préféreraient assister à l'office paroissiale pour renoncer à la fête du diable. »

En savoir plus : « Fête champêtre et républicaine au Cleuyou, Le Finistère et La Lanterne 1890 »

32 Vols de chemises en boutoù-koad

Billet du 25.04.2020 - Cette semaine un fait divers répétitif en avril 1890 et septembre 1893 rapporté par les journaux locaux : un voleur dérobe des chemises d'homme et des effets féminins au domicile de René Riou à Tréodet, et par extension la chanson de Marjan Mao "Ar gemenerez hag ar baron".

Le premier entrefilet d'avril 1890 est écrit en langue bretonne dans le journal « Le Courrier du Finistère » et relate les faits : « Enn noz euz an dek d'an unnek euz ar miz-man eue bet laret pervarzek roched euz a c'hanj Renan Riou » (Dans la nuit du 10 au 11 de ce mois, il a été volé quatorze chemises d'homme dans la grange de René Riou).

Ces chemises d'hommes (« roched », à la valeur estimée à 40 francs, appartiennent pour 8 d'entre elles au cultivateur-adjoint-maire, et 6 aux domestiques de la ferme de Tréodet.

Mais, du fait qu'il a plu cette nuit-là, le voleur en « boutou-koad » (sabot de bois) va laisser des traces (« roudoù ») sur les 3km de chemins boueux qui séparent la ferme du bourg de la paroisse. Cela aurait dû faciliter l'enquête locale, mais a priori le voleur ne fut pas retrouvé.

Le deuxième vol a lieu en septembre 1893, et cette fois ce sont des effets féminins qui sont volées à Tréodet : « deux jupes, un corset et un gilet, le tout en drap noir et d'une valeur de cent francs environ ».

René déclenche une enquête et un couple de chiffonniers, tout d'abord soupçonné, est blanchi. Ces derniers « qui gagnent péniblement leur vie en faisant des corvées pour les bouchers et en ramassant des chiffons et des os » seront interrogés par la police à la sortie du « fourneau économique », lequel est une soupe populaire et service de restauration pour indigents créé en 1887 dans la ville de Quimper, rue des Douves.

  L'agriculteur de Tréodet, en tant que premier adjoint de la commune d'Ergué-Gabéric, partage avec le maire Hervé Le Roux la tête d'une mairie pendant le plus long mandat municipal entre 1882 et 1906 avec une étiquette de conservateur. Lors de l'annonce du mariage en 1905 de sa fille Josèphe Anne Marie il est qualifié d'« honorable adjoint au maire d'Ergué-Gabéric », et plus de 500 personnes seront invitées au repas de noces à Kerfeunteun.

En savoir plus : « Vols d'habits chez René Riou à Tréodet, journaux locaux 1890-93 »

* * *

Le terme « roched », au pluriel « rochedoù », désignant les chemises d'hommes dans le 1er article ci-dessus, nous fait penser à la chanson « Ar gemenerez hag ar baron » (la couturière et le baron) de Marjan Mao : « Rochedoù lien fin, rochedoù lien tanv A zo brodet war an daouarn, war an daouarn, war an daouarn A zo brodet war an daouarn, gwriet gant neud arc’hant. » (Chemises en toile fine, des chemins en toile rare, Qui ont été brodées à la main, cousues de fil d'argent).


En savoir plus : « Les chants de Marjan Mao, collectage des Daspugnerien Bro C’hlazig en 1979 »

33 Chasse, pêche, basket et procession

Billet du 18.04.2020 - Toujours confinés, toujours étonnés de la richesse des films d'Alain Quelven des années 1958-59 mis à disposition par la cinémathèque de Bretagne de Brest, cette semaine quatre vidéos inédites mettant en scène des chasseurs, des pêcheurs, des sportives et des paroissiens.

Les 2 premières vidéos, en N&B et en couleurs de 13-14 minutes, filmées en 1959 par Alain Quelven (1912-1984) présentent des scènes de chasse, de pêche côtière et de pêche en rivière. Depuis 1956 cet habitant de Garsalec et de Keranguéo s'est lancé dans le cinéma amateur, fixant sur la pellicule la vie de sa commune.

Sur le catalogue de la cinémathèque la description du premier film, « Tableau de Chasse » , est la suivante : « Des enfants tiennent du gibier qui a été chassé. Battue à l'entente de Saint André : un chasseur boit du vin à la bouteille avant la battue, il nourrit son chien. Un chasseur sort une hermine ou un furet de son sac pour débusquer le gibier. Différentes scènes de chasse. Partie de chasse avec un chien. À la recherche de la bécasse : des hommes et des enfants présentent leurs trophées de chasse. Partie de pêche en rivière (l'Odet) près d'un barrage, des enfants pêchent, un homme prépare sa ligne de pêche avec de l'appât. Goémoniers et goémonières récoltent les algues en bord de mer. L'embouchure de l'Odet, voilier. Vire cailloux et pêche à l'épuisette en famille. Pêche en rivière. ».

De tous temps, les sociétés de chasse ont été très nombreuses à Ergué-Gabéric : en 1984 on en recense encore 29, chacune regroupant les chasseurs autour d'une ou deux fermes voisines. Ici, en 1959, c'est l'Entente de St-André qui organise ses battues et sorties de chasse. Alain Quelven se filme lui-même en présentant deux bécasses, mais c'est surtout les chasseurs qu'il accompagne avec sa caméra dans les champs et bois à la recherche de lapins, perdrix ou bécasses.

On y voit notamment Jos Le Garrec de Guilly-Vian, Guillaume Hémery de Guilly Vraz, Pierre et Pierrick Le Bihan de Kervoréden, Alain et Louis Le Roy de Kersaux, Louis Quelven de Garsalec, Hervé Bellinger de Keranguéo, Louis Quillec de Bigoudic, Guillaume Kerouredan de Ty-Coat. Les chasseurs, de tous âges, réunissent les deux générations 30-40 et 50-60 ans. Et ils sont tous bien équipés, d'un fusil bien sûr et d'une grande poche carnier à l'arrière de la veste où ils mettent les petits gibiers (lapins, bécasses...) qu'ils ont tirés.

La présentation par la Cinémathèque du deuxième film, « Pêche en rivière »", est la suivante : « Des enfants manient la canne à pêche, des hommes en train de pêcher, vue sur la rivière. Un enfant pêche sur un barrage. Une chèvre au bord de la rivière, deux femmes promènent un chien. Pêcheurs. Un enfant mange une tartine de pain. Vue sur une rivière. Chasseurs à l'affût. Un homme tue un lapin d'un coup sur la nuque. Chasse au furet et au lapin, chasse au fusil avec les chiens. Des chasseurs relèvent des pièges à lapin. Un chasseur sort un lapin vivant de sa besace puis le libère et le tue d'un coup de fusil. Des enfants avec un chien. ».

 
Dessin de Laurent Quevilly, Ouest-France 1984
Dessin de Laurent Quevilly, Ouest-France 1984

Les scènes de pêche, qu'on voit aussi sur le premier film « Tableau de Chasse », se passent sur la rivière de l'Odet, à proximité de l'écluse de Coat-Piriou. Certains se mettent même sur la structure du barrage qui règle le débit d'eau vers la rivière et vers le canal d'amenée de la papeterie. Les pêcheurs à la ligne sont Laouic et Yves Saliou, Guy Laurent, Jean Briand, Pierre Le Berre, Pierre Mocaër, Louis le Dé ..., de nombreux adultes et jeunes hommes du quartier de Stang Venn-Lestonan. Les jours de beau temps les familles viennent pique-niquer sur la zone de pêche, cf. notamment Henri Le Gars endimanché, les enfants jouant et les épouses lisant à l'ombre le long du canal.

Un certain nombre de clichés ont été sélectionnés ci-dessous afin de permettre d"identifier les têtes les plus connues : cf. "Arrêts sur images". Si vous avez d'autres noms de chasseurs ou pêcheurs à proposer, n'hésitez pas. Et si un cliché doit être ajouté donnez-nous simplement le n° de chrono sur la vidéo, et on fera le nécessaire.

En savoir plus : « Tableaux de chasse et pêches en rivière, vidéo d'Alain Quelven »

* * *

De même, l'identification des sportives en plein match de basket-ball à Keranna et des fidèles de la procession de la Fête-Dieu à Odet a démarré. Si, dans le cadre de vos activités culturelles en mode confinement, vous reconnaissez des participant(e)s, n'hésitez pas à participer à ce voyage 60+ ans en arrière.

En savoir plus : « Basket-ball féminin à Keranna » et « Défilés quimpérois et procession à Odet »

34 Bulletin Kannadig de confinement

Billet du 11.04.2020 - Le présent bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du premier trimestre 2020 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net, 11 articles illustrés sur 28 pages : pour l'envoi postal dans les chaumières on va gentiment attendre la fin du confinement.

Ce trimestre on a connu une pandémie, mais le GrandTerrier confiné est resté actif : pour preuve ces échanges de souvenirs grâce aux vidéos des années 1950-60 mises en accès libre par la Cinémathèque de Bretagne : les fêtes locales filmées par Alain Quelven, et la nature préservée des abords de l’Odet par Gwenn-Aël Bolloré.

Ensuite, c’est une évocation de la statue monumentale de granit de Gwenhael / Guinal, natif de la paroisse, qui a été érigée en 2019 à la Vallée des Saints.

Le sujet suivant est daté du XVIIIe siècle, plus exactement de l’année 1739 quand un jeune noble gabéricois est admis comme page aux Petites Écuries du roi Louis XV à Versailles.

Cinq articles sont situés au XIXe siècle : le(s) moulin(s) de Kernaou, les délibérations municipales de 1851 à 1879, la retraite de Mexique en 1865-67, une homélie en breton en 1870, l’épidémie de variole en 1881-88.

Deux autres sujets représentent le XXe siècle : l’assistance aux vieillards en 1905-1909, les archives Arolsen des prisonniers gabéricois en 1939-45.

Et pour finir on termine par un sujet de protection du patrimoine : la croix médiévale de Kroas-Ver qui a été exfiltrée en juin 2019 pour raisons de travaux au centre-bourg et dont on espère tous le retour prochain à sa place d’origine.


Lire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 49 Avril 2020 »

Et, pour la suite de nos travaux, nous vous proposons cette réflexion du poète El Yazid Dib :

« Face à cette pandémie, ce n'est pas la fin du Monde ; c'est la fin d'un monde..

 

Nota : Dans le prochain n° du Kannadig il sera question d’autres films d’Alain Quelven, notamment ses scènes de chasses sur les terres de St-André et de pêches sur l’Odet à l’écluse de Coat-Piriou, l’identification communautaire étant organisée sur le site GrandTerrier ces prochaines semaines. De chez vous, n'hésitez pas à nous faire part de vos trouvailles : « Tableaux de chasse et pêches en rivière », « Basket-ball féminin à Keranna », « Défilés quimpérois et procession à Odet »

35 Des films de rivière et de pêche

Billet du 04.04.2020 - Pour nous désennuyer dans notre confinement dû au corona-virus, voici quatre autres films mis en accès libre par la Cinémathèque de Bretagne : « L'Odet », « Le vire-cailloux », « Derniers voiliers » et « Requins sur nos plages », films réalisés par Gwenn-Aël Bolloré en 1954-58.

Les génériques de ces quatre films, produits et distribués par Evrard de Rouvre, sont introduits par un tableau peint représentant l'actrice Renée Cosima. Le premier, en N&B, est une descente de l'Odet depuis sa source, et les trois autres en couleurs se déroulent sur des bateaux et des plages.

Autant les derniers sont filmés en milieu maritime, autant le film « L'Odet » est essentiellement construit sur des séquences prises localement à Ergué-Gabéric, plus précisément sur le lieu-dit éponyme « Odet » qui abrite la papeterie et le manoir familial.

En voici le chrono selon le compteur précis défilant en bas d'écran sur la vidéo visualisable ci-après :

A. 39:50 à 40:42 : générique du film

B. 40:42 à 42:56 : nuages, calvaire, pluie sur chapelle et manoir d'Odet, source à Roudoualec, insectes et têtards, poissons

C. 42:56 à 46:57 : cours d'eau, chenille et escargot, amphibiens, putois, rivière dans les champs, fleurs, oiseaux, champignons, courant et rochers

D. 46:57 à 49:32 : l'écluse d'Odet, papeterie d'Odet, Stang-Odet, canard, grenouille, truites, jeunes pêcheurs, renard, vallée du Stangala

E. 49:32 à 51:12 : Quimper, méandres, voilier, estuaire, nuages, chapelle d'Odet

Une voix off plante le décor : « Nous sommes en Bretagne, à la pointe extrême de l'Europe. Les touristes ne connaissent pas la Bretagne. Ils n'en connaissent que les plages et les hôtels. Ils voient les ports, rapidement, les jours de beaux temps, et ils ignorent l'arrière pays. L'arrière pays sauvage, moussu, rocailleux, accidenté est habillé par une lumière humide qui vient de la mer. »

 

La remontée de la rivière depuis sa source à Roudouallec est égrainée par des scènes de vie naturelle dans l'eau qui fourmille à l'époque de poissons, et sur ses rives peuplées d'insectes et d'animaux, des scènes filmées sur les terres familiales des Bolloré. On y voit aussi l'écluse, le calvaire, le manoir et les anciens bâtiments de la papeterie.

L'image introductive de la pluie ruisselant du toit de la chapelle St-René d'Odet est reprise en conclusion, après les nuages en mouvement, le tout sur une musique de Marcel Landowski.

* * *

Grand merci à tous les confinés, nombreux et enthousiastes, qui ont identifié cette semaine plus de 200 noms sur les vidéos de fêtes d'Alain Quelven. C'est énorme, et ce qui est dingue c'est qu'il reste encore des têtes à découvrir.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Films de reportages aquatiques réalisés par Gwenn-Aël Bolloré »

36 Des films de fêtes pour mémoires

Billet du 28.03.2020 - Pour nous désennuyer dans notre confinement dû au corona-virus, la cinémathèque de Bretagne met à disposition du public de nombreux films super-8 du siècle dernier, et parmi ceux trois vidéos inédites d'Alain Quelven de kermesses, matchs de foot et sortie de classe en 1958-62.

Alain Quelven (1912-1984) est natif de Garsalec en Ergué-Gabéric, sa famille s'étant ensuite installée à Keranguéo. Pendant la guerre 1939-45 il est déporté en Allemagne et en Autriche d'où il s'évade quatre fois. Travaillant comme comptable à la papeterie Bolloré d'Odet avant et après guerre, il connaît bien les milieux sportifs et associatifs du quartier de Lestonan. Dès 1956, il se lance dans le cinéma amateur, fixant sur la pellicule la vie de sa commune.

Il y a un an nous avions publié une première vidéo Noir & Blanc des Paotred (équipe de foot) et de Stang-Venn (course cycliste). Les trois nouvelles sont respectivement deux kermesses au patronage de Keranna et au parc du manoir du Cleuyou, une sortie de la classe 1932 (nés en 1912) à Saint-Guénolé, et deux matchs de foot des Paotred à Pont-de-Buis et à domicile en 1962.

Le film des kermesses dure 15 minutes et est intéressant pour le nombre important de personnes filmées, de tous âges, et notamment les jeunes enfants qui, toujours vivants pour certains, peuvent témoigner aujourd'hui, soixante ans plus tard.

Voici comment le film est décrit dans le catalogue de la cinémathèque : « La foule endimanchée, quelques bigoudènes en coiffe et curés se pressent autour des différentes attractions. Loterie, jeu de casse-boites, différents stands, vendeuse de fraises (plan furtif), pêche à la ligne, tir à la corde, un électrophone est à gagner, tir au fusil, une jeune femme s'essaie au tir, prêtre, un curé joue du cor. Le réalisateur se plaît à filmer les visages souriants et heureux mais les plans, souvent furtifs, bougent sans cesse, plus quelques problème de vitesse de défilement de l'image. Rivière. Banderolle "Grande kermesse" dressée à l'entrée d'une allée d'arbres. Sur un route, une fanfare menée par un curé ouvre le défilé suivie par les chars décorés tirés par des tracteurs : les petits indiens, le jardinier soigne ses fleurs, les petits lutins, la reine, les petits chinois, le moulin à vent, le quartier Russe, le petit train enchanté, le petit cow boy, les indiens. Beaux plans des gens sur les chars et dans la foule qui sourient. Ambiance bon enfant et sourires. Les membres d'un cercle celtique se détendent sur la pelouse, buvette, foule des spectateurs, balançoire pour enfants, familles. »

Pour René Le Reste, enfant de Garsalec tout comme Alain Quelven, les souvenirs reviennent après visionnage de la vidéo : « J'ai reconnu beaucoup de visages, que ce soit à Keranna ou au Cleuyou où avait lieu la grande Kermesse ou l'on voit le défilé des chars. À Keranna je n'y étais pas car j'étais au service militaire, mais au Cleuyou j'ai fait une petite visite en fin de soirée seulement. Je ne suis plus sûr de la date, si c'était en 1959 ou en 1960, et habitant Elliant, puis Quimper, je ne me souviens plus comment je m'y suis rendu, à vélo ou en mobylette. »

 

La deuxième vidéo, en couleurs aussi et de 9 minutes, montre la vivacité des « classes » de jeunes gens au siècle dernier sur notre commune, de par leurs réunions à périodes fixes, souvent tous les cinq ans avec une participation toujours suivie, ceci depuis l'âge de leur vingt ans.

La troisième, 15 minutes en N&B, présente des sportifs footballeurs gabéricois en action, en l’occurrence les « Paotred Dispount » (les gars sans peur), ce pour un premier match à l'extérieur contre Pont-de-Buis le 13 avril 1958, et pour un second à domicile sur le terrain de Keranna.

Pour chacune des vidéos, nous avons déjà sélectionné quelques clichés ou « arrêts sur images » afin de permettre d"identifier les têtes plus connues. Pendant les jours qui viennent, en profitant de cette période de confinement, on va compléter ensemble les articles avec les noms des participants. Et si un cliché doit être ajouté donnez-nous simplement le n° de chrono sur la vidéo, et on ferra le nécessaire.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Kermesses à Odet et au Cleuyou en 1958-59 », « Sortie de la classe 32 en 1962 pour leurs 50 ans », « Matchs de foot des Paotred à l'extérieur et à Keranna en 1958 »

37 Napoleon tercero, el assassino

Billet du 21.03.2020 - Dans le 10e de ses cahiers manuscrits, publiés comme « Mémoires d'un paysan bas-breton », Jean-Marie Déguignet (1834-1905) donne sa vision critique sur l'expédition militaire française au Mexique déclenchée par l'Empereur Napoléon III dans les années 1861-67.

Jean-Marie Déguignet, après sa période de « pacification militaire » en Algérie et Kabylie, se déclare volontaire pour la traversée d'Alger à Vera Cruz au Mexique où il débarque le 11 août 1865. Suite à plusieurs rébellions violentes, une instabilité politique et une guerre civile, et la perte du Texas et états voisins, la guerre est déclenchée en 1861 par une coalition franco-anglo-espagnole, menée par la France qui souhaite y créer un empire.

S'en suivirent les combats de 1862-63 gagnés par les troupes françaises, les anglais et les espagnols s'étant entre-temps retirés, notamment les batailles de Puebla ou de Camerone. Déguignet arrive dans ce territoire central qui, en 1864, est déclaré comme un empire avec à sa tête Ferdinand Maximilien de Habsbourg-Lorraine, proclamé Maximilien Ier empereur du Mexique, et son épouse la princesse Charlotte de Belgique.

En 1865 la mission des troupes françaises est de tenter de conquérir le territoire nord du Mexique, là où les troupes mexicaines commandées par le président Benito Juarez sont puissantes. Le bataillon de Déguignet est basé à Durango, et se déplace même jusqu'à Avilez dans la région de Florez.

Là, en discutant avec un érudit local, ami de Juarez, Déguignet constate l'échec français : « Nous restions maintenant en première ligne en face de l’ennemi, et le vrai cette fois. Ce n’était plus les bandes de chinacos, voleurs et incendiaires, que nous avions en face de nous, c’était l’armée républicaine qui descendait aussi derrière nous.  »

Il ne reste plus qu'à rebrousser chemin vers le port de Vera Cruz et reprendre le bateau « le Souverain » qui débarquera à Toulon le 3 mai 1867. Quelques semaines plus tard, au dépôt militaire d'Aix, il finira ses « quatorze ans de services et autant de campagnes ».

On notera cet avis éclairé sur la raison de la retraite française : « L’Empereur [Napoléon III] avait été seulement avisé par les États-Unis de retirer ses troupes du Mexique immédiatement . Ces Américains, qui venaient de combattre pendant quatre ans pour la liberté, ne souffriraient pas que le tyran imbécile de la France vienne imposer des chaînes à un peuple ami et à côté d’eux.  ».

Cette appréciation a été remarquée par un éditorialiste américain qui cite notre soldat bas-breton : « Déguignet, who arrived in Mexico in 1865, witnessed France's embarrassing withdrawal two years later under American pressure.  " The  Americans,  who  had

 

just spent four years fighting for freedom, would not stand for the imbecile tyrant of France coming to impose chains on a people who were both friend and next-door neighbor," he writes, noting with some glee: "So we were being run out, the way marauding herds are run out -- with whips and whistles." »

Jean-Marie Déguignet note effectivement avec un peu de jubilation ("glee" en anglais) : « Nous partions donc chassés comme on chasse les troupeaux maraudeurs, à coups de fouet et de sifflet »

Le bataillon de Déguignet sera le dernier à battre la retraite, essuyant les dernières balles des Mexicains : « nous marchâmes encore jusqu’à Carneron , là où eut lieu le plus terrible et le plus glorieux fait d’armes de toute cette campagne, et que j’ai rapporté. Là, un train vint nous prendre pour nous conduire à Vera Cruz .
En sortant de Cameron, nous vîmes encore dans le bois, le long de [la] ligne, des cavaliers rouges qui nous firent un dernier adieu en tirant quelques coups d’escopette derrière le train. Une heure après, la république mexicaine était délivrée de la présence "de los esclavos y bandidos de Napoleon tercero, el assassino".
 ».
Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « Déguignet raconte l'expédition et la retraite françaises du Mexique »

38 Conseil municipal de second empire

Billet du 14.03.2020 - Numérisation de toutes les délibérations du conseil municipal d'Ergué-Gabéric du 12 mars 1851 au 1er juin 1879, à partir du registre relié de 115 pages recto-version, c'est-à-dire 230 folios, conservé aux Archives municipales, pour permettre la transcription future de chaque folio.

Le registre en question couvre les années Napoléon III, dernier monarque en tant qu'empereur des français. Il reprend les délibérations et compte-rendus des séances du conseil municipal.

On y trouve notamment les votes des budgets communaux, la vérification annuelle des comptes, les résultats des élections, l'installation des équipes municipales élues, les nominations des maires par les préfets. Ces maires sont Pierre Nédélec (de Kergoant, cultivateur) de 1846 à 1855, Michel Feunteun (de Congallic, cultivateur) de 1855 à 1862, et Joseph Le Roux (de Lezouanac'h, cultivateur) de 1862 à 1881.

Les autres dossiers marquants de cette période 1851-1879 sont :
Image:right.gifImage:Space.jpgla maison d'école : ouverture en 1854 après quelques péripéties administratives, rémunérations et remplacements des instituteurs laïques, police d'assurance contre l'incendie.
Image:right.gifImage:Space.jpgles chemins vicinaux : rectification de certains tracés, rémunération des habitants réquisitionnés pour les réparations, ventes de terres vagues communales.
Image:right.gifImage:Space.jpgles édifices religieux : réparations de l'église, de la chapelle de Kerdévot et de l'enclos du cimetière.
Image:right.gifImage:Space.jpgle chemin de fer : refus du projet d'implantation d'une station au moulin du Jet.
Image:right.gifImage:Space.jpgl'octroi : réintroduction de la taxe sur les « boissons enivrantes (vin, cidre, poiré, hydromel, eau de vie, liqueurs) ».

Pendant les années du Second Empire, les maires et conseillers d'Ergué-Gabéric doivent prêter serment à Napoléon III en ces termes : « Je jure obéissance à la constitution et fidélité à l'empereur ». Mais le respect local de l'autorité ne s'arrête pas là : trois lettres sont adressées au monarque, l'une en 1857 pour le féliciter à la naissance du Prince, la seconde en 1859 pour lui présenter « l'hommage de son respect, de son amour et de son dévouement inaltérable », et enfin en 1867 pour s'indigner contre la tentative d'assassinat de juin.

 

On notera aussi que la municipalité fait l'acquisition d'un drapeau pour acclamer l'empereur et l'impératrice à leur passage à Quimper le 12 août 1858 : « la commune doit une somme de 18 francs à M. Brossé, tapissier à Quimper, pour prix d'un drapeau qui lui a été fourni à l'occasion du voyage en Bretagne de leurs majestés impériales. »

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1851-1879 - Registre des délibérations du conseil municipal »

39 Foyers épidémiques de la variole

Billet du 07.03.2020 - En ces temps marqués par le « corona virus », il n'est inopportun de se rappeler que la propagation de la variole a fait de nombreuses victimes en France, et dans notre commune en particulier en 1881 et en 1888. Mais à cette époque il y avait un vaccin salutaire.

Sur la courbe ci-contre des chiffres de mortalité pour la commune d'Ergué-Gabéric, on remarque un pic très marqué de 113 décès au total pour l'année 1881, à savoir un chiffre doublé par rapport au chiffre moyen de 55 des années précédentes, mais en 1888 il est à peine supérieur à 60 morts.

En fait pour ces deux années d'épidémies de variole, comme l'ont rapporté les journaux finistériens, les foyers communaux de contagion ont été différents : en 1881 ce sont les régions de Quimper et de Pont-Aven qui ont été touchées les premières, en 1888 la variole s'est propagée sur Brest, Pont-l'Abbé, Douarnenez, Laz et Leuhan.

En 1881, la seule délibération du conseil municipal faisant état de l'épidémie date de début juillet, et il n'y est question que de « la répartition d'une somme de cent francs attribuée aux varioleux par M. le Préfet ». La présence de malades de la variole est bien confirmée par la prise en compte de ce secours.

Mais en réalité cette année-là on compte à Ergué-Gabéric plus d'une soixantaine de décès dus à la varioles. Le doublement de la mortalité annuelle est rigoureusement égal à celui de la commune de Kerfeunteun qui a aussi souffert du fléau.

Début avril 1888, le conseil municipal fait état d'une circulaire préfectoral sur la protection contre la variole  : « Les membres du conseil municipal s'occupent de la circulaire préfectorale qui donne des conseils et instructions concernant l'épidémie de variole. » Cette circulaire, publiée dans le journal « Le Finistère » du 21 mars, donne des instructions précises aux habitants, à la fois en français et en breton, et découpée en quatre parties : I° Isolement des malades ; II° Désinfection des linges ; III° Isolement des locaux ; IV° Vaccinations et revaccinations.

 

Dans le journal « Le Courrier du Finistère » on trouve aussi des encarts en langue bretonne où le terme « ar vreac'h » pour désigner la variole semble refléter une angoisse locale face à la pandémie.

Le même conseil gabéricois du 2 avril 1888 préconise que les vaccinations se fassent sur les trois quartiers principaux de la commune : « Tous les membres du conseil voudraient que comme par le passé le médecin veuille bien vacciner au bourg, à l'école de Lestonan et à Kerdévot ». Le terme « comme le passé » fait probablement référence à la campagne de vaccination qui a suivi l'épidémie surprise de 1881.

En cas années-là, la technique du vaccin antivariolique est nouvelle et innovante car la « vaccine » découverte par l'anglais Edward Jenner, n'a été introduite en France qu'à partir de 1820 et devait être fabriquée à partir de souches animales (veaux et génisses). Après ces propagations varioliques de la fin du 19e siècle il faudra attendre presque 100 ans pour que la variole ne soit complètement éradiquée, la dernière épidémie étant celle de Vannes en 1955.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « 1881,1888 - Épidémies de varioles en délibérations municipales et dans les journaux »

40 Retour de la croix de Kroas-Ver

Billet du 29.02.2020 - En juin 2019 la petite croix de Kroas-Ver a été délogée de son emplacement millénaire pour permettre les travaux de démolition et de reconstruction des habitations du bas de la rue de Kerdévot. Neuf mois plus tard, les riverains s'interrogent ...

La raison en est que l'agenda du retour de la croix sculptée par les services techniques municipaux reste une inconnue, et personne ne voudrait voir se reproduire l'oubli et la disparition récente de la statuaire médiévale de Notre-Dame-de-Folgoët. En mars 2020 les travaux de reconstruction de l’îlot Nédélec s'achevant (cf. photo ci-dessous), la croix de Kroas-Ver pourrait retrouver sa place devant l'ancien petit commerce, toujours debout, et qui porte son nom « Ti-ar-Groas-Ver »

Cette petite croix fruste est dressée sur le bord du trottoir coté ouest du n° 2 de la rue de Kerdévot. Faisant environ 40 cm de largeur et 1m10 de hauteur, les spécialistes lui attribuent une datation du Haut-Moyen-Age, entre l'an 500 et 1000 ap. J.-C.

La maison et la route, « Ti-ar-Groas-Ver » et « Hent-ar-Groas-Ver », ainsi qu'un champ voisin, ont des dénominations cadastrales qui reprennent celle de la croix et qu'on peut traduire par "Croix-Courte". Pendant plus de 30 ans la maison fut occupée par les commerces de Mme Le Corre et ensuite de Mme Le Berre, née Marie Keraval, que les anciens connaissaient bien : c'était la mercerie du bourg qui faisait aussi office d'épicerie avec ses bonbons très appréciés des écoliers.


 


Auparavant Ti-ar-Groas-Ver avait abrité un cordonnier, un bijoutier, et fut aussi la demeure de l'institutrice de l'école publique située de l'autre côté de la rue.

La croix devant la maison est pour ses habitants une protection divine contre les revenants. De par sa position près de la porte d'entrée, elle interdit l'accès à tout trépassé qui voudrait troubler la quiétude des vivants.

C'est au début du XXe siècle que l'institutrice, croyant bien faire, déplaça la croix qui gênait peut-être la circulation, et la mit près du puits en pierre qui se trouve côté pignon. Mais il fallut replacée très vite la croix à sa position initiale, car la maison était envahie par les forces du mal, et ses habitants ne pouvaient plus fermer l’œil de la nuit.

Image:square.gifImage:Space.jpgEn savoir plus : « La petite croix médiévale de Kroas-Ver »

41 Moulins blanc et roux de Kernaou

Billet du 23.02.2020 - Cette semaine, un voyage dans le temps du côté du moulin de Kernaou grâce aux archives privées de Mme Régine de Kerlivio-Azori et une balade estivale et agreste avec son frère Pol sur le site, entre le chemin de randonnée et le ruisseau de Kernaou-Mezanlez.

Le cadastre de 1834 donne la localisation du moulin et son orientation par rapport au cours d'eau de Kernaou à Mezanlez : le bief est alimenté bien en amont, et forme une pièce d'eau assez large en amont et une retenue juste avant la chute alimentant la roue. Plusieurs parcelles cadastrales sont libellées par rapport au moulin : 375. Goarem ar veil ; 376. Foennec ar veil ; 384. Etang ; 385. Moulin à eau.

La roue est indiquée par un symbole sur le côté est du « moulin à eau », l'eau rejoignant le ruisseau en aval. Le cours d'eau traverse ensuite le chemin de Carn Yven. Ce chemin, aménagé avec une passerelle en bois, est aujourd'hui un chemin de randonnée de plus de 5 km entre la chapelle de Kerdévot et Lestonan.


Jusqu'à la Révolution, le moulin de Kernaou, exploité par le meunier Guillaume Rospabé, est la propriété foncière de « l'émigré Lamarch père », en l’occurrence François-Louis de La Marche, seigneur de Lezergué, réfugié sur l'île de Jersey où il décède en 1794, alors que son fils aîné Joseph-Louis est exilé en Guadeloupe.

Les biens des de La Marche à Kernaou sont confisqués et, lors des ventes séparées, Jean-Marie Le Roux, négociant et avoué à Quimper, devient acquéreur du manoir, de la métairie de Ty-Plouz et du moulin. Contrairement aux adjudications du manoir et de la métairie, l'acquisition du moulin se fait sans enchères publiques.

Le montant payé de 1573 francs est fixé par un document d'estimation rédigé par les experts Le Blond et Le Bour selon une abaque spécifique : multiplication par 18 ou 22 des rentes annuelles agricoles (49 francs) et meunière (15 francs), et addition de la « souche » des 210 francs correspondants à la valeur de l'équipement du moulin (trémie, roue, meule ...).

  Après la vente de l'an 4 (1796), le bail du meunier Guillaume Rospabé est maintenu dans un premier temps. Mais dans le Sommier des comptes des émigrés, après le décompte des recettes de l'an 6 (1798), il y cette mention : « Meunier insolvable est entré à l'hospice » ; il décédera à Quimper en 1806.

Fin 1799, Jean-Marie Le Roux fera rédiger un nouveau « renable » ou inventaire détaillé des ustensiles du moulin, et signifiera à Guillaume Rospabé une sommation d'évacuation.

Le tout est valorisé pour 430 francs, une « souche » qui est doublée par rapport à l'état estimatif de 1796. La raison en est qu'en cette année 8 du calendrier révolutionnaire on compte deux roues et meules dénommées respectivement « Moulin blanc » et « Moulin roux ».

Jean Le Foll, dans son étude « Moulins et meuniers d'autrefois » publiée par l'association « Foën Izella », donne cette explication : le moulin blanc a en général des meules qui broient plus fin le froment et le blé noir ; le moulin roux est utilisé pour moudre l'avoine, le seigle et les aliments du bétail.

Les caractéristiques des deux roues de Kernaou sont attribuables à des roues verticales (perpendiculaires), les petits (double engrenage « rouet » et « lanterne » en dessous de l'axe de la meule) et grands tournants étant vraisemblablement derrière la formulation « La roue, avec ses ustensiles ». Les meules sont différentes suivant les céréales moulues : plus épaisse pour le moulin blanc, « dix pouces et quart deux cent cinq francs », et pour le moulin roux « trois pouces et cinquante quatre francs ».

En 1809 un des deux systèmes sera abandonné, sans doute le mécanisme roux, car un rapport d'activité mentionne le moulin de Kernaou avec une seule roue perpendiculaire et une production journalière de 4 quintaux.

En septembre 1805, un nouveau bail de 9 ans est rédigé au profit du meunier Guillaume Laënnec qui prend aussi la charge du moulin voisin de Mezanlez. Pour Kernaou la nouvelle redevance annuelle d'affermage est payée en nature : huit quintaux de seigle, pareille quantité bled noir et deux quintaux d'avoine.

Jusqu'en 1823 les baux sont reconduits, avec baisse de la rente annuelle à deux quintaux de seigle, quatre quintaux de bled noir et deux quintaux d'avoine, et moyennant les subrogations de meuniers en cours de bail. Les différents meuniers successifs de Kernaou sont : Guillaume Daniélou (1806), Pierre Rospabé (1813, fils de Guillaume décédé en 1806), Yves Perchec (1814), Guillaume Morel (1815), Yves Le Masson (1817), François Huiban (1818).

* * *

En savoir plus : « Ancien cadastre et photos des ruines du moulin de Kernaou », « 1796 - Estimation et adjudication du moulin de Kernaou », « 1799-1818 - Renables et baux du moulin de Kernaou »

42 La statue de Gwenhael à Carnoët

Billet du 15.02.2020 - Le tohu-bohu actuel à la Vallée des Saints où les fondateurs se rebellent pour éviter la marchandisation du site nous font prendre brusquement conscience qu'on a complètement oublié de relater la réalisation de la statue monumentale du saint protecteur de notre commune.

Grâce à une souscription populaire de 15.000 euros collectés auprès de 136 donateurs, une grande statue de saint Guinal/Guénaël a été dressée en 2019 sur le site de la Vallée des Saints de Carnoêt (Côtes d’Armor).

La statue a été réalisée fin 2018 par Cyril Pouliquen, l'éminent sculpteur de Plourin-lès-Morlaix. Sur le site de Carnoët il a déjà produit les saintes et saints Dalerc'ha, Donasian et Rogasian, Ernog, Pergat et Visant Férrier. La statue de Saint Gwennael est taillée dans un bloc de granit de jolis grains foncés, avec les plus d'une robe de bure jusqu'au sol et en contraste une figure et des mains vitrifiées.

Sa tête est recouverte d'une cagoule, avec une longue pointe à l'arrière. La figure lisse, constituée de multiples facettes et ornée d'un œil droit en tâche sombre, ressemble à un masque de divinité.

Cette représentation faciale symbolique est sans doute liée à la beauté légendaire du fils de Romélius et de Laetitia : « filius elegantis formae, vultus angelici, Guenailus nominatur » ("fils d'une beauté exceptionnelle, au visage d'ange, il reçoit le nom de Guénaël", Vita seconda sancti Guenaili).

Sur la ceinture de son habit de moine, sont gravées les inscriptions suivantes : « ST GWENNAEL » à l'arrière, « LOUISON » (assistant sculpteur ?) sur le côté sud, et « ALI LEO » (signature du sculpteur Pouliquen) sur le côté nord.

  Le moine présente en avant les paumes de ses mains ouvertes, dans un geste d'apaisement et d'absence de peur, un peu comme une « mudrā » dans la culture et religion bouddhique.

La statue est placée sur le bord ouest de la colline du site de Carnoët, le regard dans la direction du sud-ouest, probablement vers le pays de sa naissance et son enfance, à savoir Ergué-Gabéric près de Quimper.

En savoir plus : « Saint Gwenhaël (6e siècle) », « Guinal, 115e statue de La Vallée des Saints, Le Télégramme 2017 »

43 Archives des camps de déportation

Billet du 08.02.2020 - Les Archives Arolsen, centre de documentation localisé dans la ville de Bad Arolsen en Allemagne, dévoilent le sort de 3 déportés gabéricois. Une institution qui a pour but de publier les dossiers des administrations nazies en 1939-45 et des armées alliées de libération des camps.

Le programme de numérisation des Archives Arolsen est loin d'être terminé, mais de plus en plus de pièces sont désormais disponibles sur le site arolsen-archives.org, notam-ment depuis la publication en novembre 2019 de 800.000 documents rédigés en zone d'occupation américaine.

On y trouve notamment le dossier complet du résistant déporté Jean Le Corre, documents enregistrés au camp de Buchenwald et incluant ses cartes matricules et de détention (« Häftlings-Personal-Karte »).

Jean Le Corre a déjà raconté dans un livre son arrestation et sa déportation après un acte de résistance à Quimper, à savoir le cambriolage des papiers du S.T.O.. Les Archives Arolsen confirment les dates de détentions : le 31 juillet 1944 à Neugamme (« Eingewiesen am. 31.7.1944 durch: in K.L. : Neuengamme Polit. Franzose ») et le 22 mars 1945 à Buchenwald (« Überstellt am : 22.3.1945 an K.L. Buchenwald »).

Un tas de détails est consigné dans ses cartes de détentions : son matricule 136.857 bien sûr, ses caractéristiques physiques, naissance et domiciliation au bourg d'Ergué-Gabéric, noms des parents, profession (« ingenieur » et la précision « Landwirtschaft » pour sa spécialité agricole), et son statut de détenu politique et non de prisonnier de guerre.

Jean Le Corre avant sa déportation :
 
Sa carte matricule de prisonnier

Le deuxième dossier gabéricois est constitué d'une liste d'étrangers, juifs et apatrides dans laquelle est inscrit Louis Laurent né à Kerdales en 1912. Il est déclaré avoir reçu le 10 février 1944 un titre de séjour (« Aufenthalt Anzeige ») de la part de la ville de Lauf an der Pegnitzle (Bavière). Nous n'en savons pas plus sur les circonstances de son séjour en Allemagne.

Le troisième dossier concerne Michel Tymen né en 1909 à Mesnaonic pour lequel est établie une fiche D.P. ou « Deplaced Person » (personne déplacée) remplie par les organisations des Nations Unies et des camps internationaux de régufiés. Il est noté ses professions de camionneur des Messageries et de cultivateur, et son rattachement au Camp William II. Il déclare aussi détenir 1944 les sommes de 55 Reichsmarks (marks du Reich, abréviation RM) et de 30 Francs français.

Au delà de ces 3 dossiers, il est fort à parier que d'autres informations seront collectées dans les années à venir.

On aimerait par exemple en savoir plus sur un autre natif d'Ergué-Gabéric, Pierre Goazec, cité dans une biographie britannique comme « deported to Auschwitz-Birkenau for having sheltered two Jewish children in Gabéric during WWII » (déporté à Auschwitz-Birkenau pour avoir hébergé deux enfants juifs à Ergué-Gabéric pendant la seconde guerre mondiale). Les prochaines numérisations d'Archives Arolsen vont probablement dévoiler ce pan d'histoire oubliée.

En savoir plus : « 1944-1947 - Les dossiers des Archives Arolsen pour les victimes gabéricoises du nazisme »

44 Ex-voto des soldats et mobiles bretons

Billet du 01.02.2020 - Le fondateur de la revue bretonne « Feiz-ha-Breiz », futur évêque d'Autun, Chalon et Mâcon, de passage à la chapelle de Kerdévot début mai 1871 : grand merci à Régine Azori de Kernaou pour nous en avoir indiqué le compte-rendu dans la biographie de son arrière-arrière-grand-oncle.

« Un évêque breton. Monseigneur Léopold de Léséleuc de Kerouara. Évêque d'Autun, Chalon et Mâcon (1814-1873), Imprimerie Cornouail-laise, Quimper, 1932 » : Le chanoine Alfred Le Roy est l'auteur de la biographie détaillée de cette personnalité Léopold-René de Léséleuc de Kerouara, vicaire général de Quimper de 1859 à 1872, puis évêque d'Autun. L'évêque né à Saint-Pol-de-Léon est aussi un défenseur de la langue bretonne et crée en 1865 la revue « Feiz ha breiz ».

Dans cette biographie, on le découvre en 1871 présidant un pardon à la chapelle de Kerdévot et faisant une homélie aux soldats de retour de la guerre contre les Prussiens. On notera que c'est une descendante des Léséleuc de Kerouara qui nous a indiqué ce passage, sa parenté étant issue du mariage en 1889 du neveu de Léopold, Augustin de Léséleuc, avec l'héritière des manoirs de Kervreyen et de Kernaou, lesquels, à proximité immédiate de Kerdévot, sont toujours possédés par leurs descendants.

Dans ce passage est rappelée la ferveur des pèlerins du 4 mai 1871 : « Dès le point du jour, les messes se succédèrent avec de nombreuses communions ; de tous les versants des collines, soldats revenus au foyer, pères et mères, joyeux et reconnaissants, convergent en groupes compacts vers la chapelle bénie. »

Et avant que la procession ne rentre dans la chapelle, « M. de Léséleuc monte sur le mur de l'enceinte extérieure, et de cette tribune en plein air, il parle la belle langue du pays ». Le biographe donne la traduction française d'une partie du discours publié en langue bretonne dans le journal « Feiz ha breiz ».

L'ecclésiastique s'adresse spécialement aux jeunes soldats revenus sains et saufs du front de la guerre contre les prussiens, et à leurs mères qui les ont mis sous la protection de Notre-Dame de Kerdévot. Il évoque aussi « cet ex-voto offert à Notre-Dame de Kerdévot », une plaque de marbre aux lettres dorées.

Le texte français de l'hommage proposé par l'auteur à partir de la version bretonne du journal est : « Hommage de reconnaissance à Notre-Dame de Kerdévot pour la protection qu'elle a accordée aux soldats, marins et mobilisés. 1871. ».

 
Mais en fait le texte de la plaque encore aujourd'hui visible sur place sur le pilier central dédié aux ex-votos est un peu plus laconique : « Recon-naissance à ND de Kerdévot qui a si bien protégé nos soldats et mobiles Bretons. 1871 », les mobiles étant l'abréviation de la Garde nationale mobi-le, dans laquelle servaient de nombreux bretons appelés sur les fronts de l'est contre les prussiens, notamment à Belfort et à Bessoncourt.

L'article de « Feiz ha breiz », signé des initiales L.B., est titré « Pardonerien bet e Kerdevot d'ar 4 a Vae 1871 » (Les pardonneurs présents à Kerdévot le 4 mai 1871).

Cela démarre par une ode à la nature : « Caret a rant, d'an deiziou kenta euz an nevez amzer, pa gomans an traou sevel a nevez, da vintin pa veler an heol o sevel adren ar meneziou ... » (J'adore, aux premiers jours du printemps, quand les choses commencent à se développer de nouveau, le matin quand on voit le soleil se lever derrière les montagnes).

Et ces états d'âmes inspirés du mois de Marie sont l'occasion de faire pénitence et gagner des indulgences dans une chapelle bénie lors d'une fête de pardon. Et notamment à Kerdévot où les pèlerins sont particulièrement très nombreux au printemps 1871.

Le pardon de Kerdévot du 4 mai 1871, célèbre le retour de guerre des soldats français, et le prêche en breton du vicaire général de Quimper, Léopold de Léséleuc, est à la gloire des mères des soldats de retour d'une guerre meurtrière qui s'est enfin achevée : « guell e guell e cavani gouscoude rei dezhan eun hano all a gavan guirroc'h c'hoas, dervez ar mamou » (n'est-il pas plus dans la vérité des événements tragiques, dont nous sommes délivrés, de l'appeler la journée des mères).

L'homélie de Léopold de Léséleuc est essentiellement constituée de fierté et de piété régionale : « ato or feiz coz a reno e Breiz, ato chapelou I. V. Rumengol, I. V. Folgoat, I. V. Kerdevot a velo enn niver braz a bardonerien o tout dezho » (toujours la vieille foi régnera en Bretagne, toujours les chapelles mariales de Rumengol, Le Folgoat et Kerdévot vous verront fidèles et en foule à leurs pardons !).


En savoir plus : « LE ROY Alfred - Monseigneur Léopold de Léséleuc de Kerouara », « Pardonerien e Kerdevot, Pardon à Kerdévot, Feiz ha breiz 1871 »

45 Page du roi Louis XV en 1739

Billet du 25.01.2020 - Dossier constitué des preuves de noblesse nécessaires pour l'obtention du titre de Page des Petites Écuries du roi à Versailles ; e manuscrit conservé sur le site Richelieu de la BnF et transcription des folios 63 et 64 par Armand Chateaugiron sur le site Internet Tudchentil.org.

Vue et perspective des Escuries de Versailles du côsté de la grande cour

François-Louis de La Marche, né à Kerfors en Ergué-Gabéric, a 19 ans quand il est admis au nombre des pages du roi Louis XV à Versailles. Plus exactement aux Petites Ecuries et sous les ordres du premier Ecuyer du Roi, le marquis Henri-Camille de Beringhen (1693-1770). Les taches essentielles des pages est de participer en livrée à toutes les cérémonies royales, de son lever à son coucher, lors des messes, déplacements et chasses.

Pour être admis page du roi il faut produire un extrait baptistaire légalisé du gentilhomme et les degrés de sa filiation, qui doivent remonter au moins jusqu'à son quatrième ayeul et jusqu'en l'an 1550, l'anoblissement devant être antérieur à cette date. Toutes les noblesses par charges et par fonctions sont acceptées aux Petites Ecuries, alors que seules les descendants d'une noblesse militaire peuvent entrer aux Grandes Ecuries.

Le juge d'armes Louis-Pierre d'Hozier (1685-1767) [1] doit dresser et certifier toutes les preuves de noblesse des postulants. Pour celles de François-Louis de La Marche, son travail est sans doute facilité car il est le petit fils du généalogiste Pierre d'Hozier, lequel était le correspondant épistolaire Guy Autret, historien et seigneur de Lezergué.

Le document établi pour F.-L. de La Marche commence par le blason, « De gueules à un chef d’argent », et cette mention « Casque de trois quarts ». Le fait d'être timbré d'un tel casque est  normalement  réservé  aux  comtes, titre  attribué  tardivement  à

 
François-Louis, mais la noblesse des de La Marche originaire du vicomté du Faou présente essentiellement des écuyers et des chevaliers.

Les 8 générations identifiées par le juge d'armes, avec mention des actes de baptêmes et de partages successoraux, sont les suivantes :


Les titres originaux de noblesse fournis s'étalent de 1720 à 1547, depuis l'acte de baptême du jeune gentilhomme jusqu'à un « acord fait le onze mai mil cinq cent quarante sept entre nobles gens Louise de la Marche, et Charles de la Marche, son frere ainé, seigneur de la Marche et de Bodriec ».

Après sa période versaillaise, François-Louis de La Marche fait une carrière militaire comme lieutenant des maréchaux de France. De retour à Ergué-Gabéric, entreprend la rénovation de son manoir de Lezergué qui est achevée vers 1771-1772.

À la Révolution il a les ennuis de tout noble qui se respecte et doit émigrer sur l'île de Jersey où il décède en 1794.

Son château de Lezergué ne sera néanmoins pas vendu comme bien national, car une levée de séquestre sera prononcée suite à amnistie en 1803.

En savoir plus : « 1739 - François-Louis de La Marche admis comme page de la Petite Écurie du roi »

46 Indemnités de retraite en 1905-1909

Billet du 18.01.2020 - Comment le Conseil Municipal d'Ergué-Gabéric doit se conformer aux obligations de la loi du 14 juillet 1905 portant sur l'assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, et comment statistiquement et politiquement cette assistance est localement dispensée.

Analyse d'après le registre des Délibérations du Conseil Municipal du 16 novembre 1879 au 21 novembre 1909, conservé aux Archives Municipales d'Ergué-Gabéric.

La loi du 14 juillet 1905 sur l'assistance obligatoire des vieillards et infirmes est l'amorce du système français de solidarité sociale républicaine et met fin au caractère facultatif des entraides proposées par les bureaux de bienfaisances, hospices en donnant plus de pouvoirs aux instances communales.

Son article I précise les personnes concernées : « Tout Français privé de ressources, incapable de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence et, soit âgé de plus de 70 ans, soit atteint d'une infirmité ou d'une maladie reconnue incurable, reçoit, aux conditions ci-après, l'assistance instituée par la présente loi. »

Et l'article 20 explique le principe d'allocation mensuelle : « L'assistance à domicile consiste dans le payement d'une allocation mensuelle. Le taux de cette allocation est arrêté, pour chaque commune, par le Conseil municipal, sous réserve de l'approbation du Conseil général et du ministre de l'Intérieur. Il ne peut être inférieur à 5 francs ni, à moins de circonstances exceptionnelles, supérieur à 20 francs. ».

Avant 1905 à Ergué-Gabéric un bureau de bienfaisance était en charge du programme d'assistance envers les enfants en difficultés et les vieillards indigents. Le compte administratif de 1904 fait état d'un montant annuel de dépenses de 1340 francs couvertes en partie par des subventions départementales.

En novembre 1905 un conseil municipal prend acte de la nouvelle loi : « le taux de l'allocation mensuelle à accorder aux vieillards, infirmes et incurables de la commune qui recevront l'assistance à domicile serait de 10 francs, évaluations détaillées des divers éléments de dépenses que nécessite l'entretien dans cette commune d'un assisté à domicile à 0 f 60 c dont 0 f 30 c pour pain et 0 f 30 pour viande et beurre ».

Si l'on tient compte de l'évaluation journalière en terme de besoins nutritionnels, « 0 f 30 c pour pain et 0 f 30 pour viande et beurre », ce qui fait 18 francs par mois, on peut considérer que l'état couvre désormais 55% par ses 10 francs d'indemnités. Rapporté en euros de 2015 cela ferait un équivalent théorique d'une quarantaine d'euros d'allocation.

Avec l'application de la loi de 1905 on dispose de statistiques nationales par département et l'on sait notamment que les départements industriels ("et possédant de grands centres urbains"), mais aussi les départements bretons et corses, présentent à cette époque un nombre important de vieillards indigents ou infirmes. Ainsi dans le Finistère 33% des vieillards de plus de 70 ans doivent être assistés.

Entre 1905 et 1909 le conseil municipal d'Ergué-Gabéric inclut dorénavant dans ses délibérations les éléments d'arbitrage des listes de vieillards et infirmes assistés, c'est-à-dire les noms, âges, domiciles des nouveaux assistés, au total 55 personnes. Cela commence en 1905 par 9 postulants (une personne à hospitaliser, 5 femmes et 4 hommes à maintenir à domicile), et ensuite 9 femmes et 11 hommes en 1907, 7 femmes et 4 hommes en 1908, 5 femmes et 8 hommes en 1909.

  On peut répartir les 55 personnes recensées en deux catégories : les «vieillards » de plus de 70 ans pour 80% et les « infirmes » dont l'âge est systématiquement de plus de 60 ans (sauf un âgé de 33 ans) pour 20% d'entre eux. Comme on ne sait pas leur dates de décès et de fin de droits, on peut estimer que l'allocation doit toucher en 1908-1909 un volant d'environ 40 assistés sur 55, ce qui fait un budget annuel de plus de 4000 francs.

Le taux de 10 francs d'allocation mensuelle fait l'objet d'un vote en mai 1907 : « M. le Maire donne connaissance au conseil du taux actuel de l'allocation mensuelle accordée aux vieillards assistés, considérant qu'il est trop élevé. Le conseil après en avoir délibéré fixe le taux pour 1908 à 6 f ». Mais cette décision ne sera pas validée par les instances départementales et le taux restera à 10 francs.

On voit donc qu'à Ergué-Gabéric la loi de 1905 est appliquée pour protéger les personnes indigentes âgées de plus de 60 ans, et moins pour les infirmes et malades incurables. Par contre deux autres natures d'assistance sont dispensées par décisions municipales : d'une part les jeunes conscrits soutiens de familles qui ont droit à une allocation journalière de 75 centimes (soit environ 22 francs par mois), et les réservistes indigents un peu plus âgés qui disposent de 6 à 10 francs par période d'instruction militaire de 13 à 28 jours. Et enfin la troisième catégorie des enfants assistés restent couverts par le bureau de bienfaisance dont il faut tous les ans voter un budget supplémentaire.

Un exemple de vieillard assisté attire notre attention : dans le registre pour la délibération de novembre 1908 Jean-Louis Conan de Kerdilès, né en 1838 à Elliant en Ergué-Gabéric, apparaît dans la liste des allocataires. Il vient tout juste d'avoir 70 ans et est déficient visuel sans doute suite à une cataracte ou un diabète.


Jean-Louis Conan, décède en 1916 et la photo ci-dessus a du être prise peu de temps avant, près du puits de la ferme à Kerdilès, où il pose presque totalement aveugle.

En savoir plus : « 1905-1909 - La loi du 14.07.1905 et l'aide communale aux indigents et assistés »

47 Bulletin Kannadig de janvier

Billet du 11.01.2020 - Le présent bulletin rassemble les chroniques gabéricoises du dernier trimestre 2019 publiées chaque semaine sur le site Internet Grandterrier.net, 12 articles illustrés sur 32 pages au format papier A5, le tout agrafé et envoyé par la poste dans les penntys et manoirs sympathisants.

Une nouvelle année s’annonce, et la publication trimestrielle du bulletin avec les derniers articles publiés se poursuit avec celui-ci sur le thème Histoire, Généalogie, Mémoires et Patrimoine.

Pour commencer, un premier article qui concilie Histoire, Généalogie et Bretagne au travers de l’édition d’un « dessein et project » gabéricois du 17e siècle.

Ensuite deux évocations de la période médiévale via la dîme épiscopale et les aveux de succession à Kerfors, la 4e chronique portant sur la vente de Kernaou en bien national à la Révolution.

Les deux sujets suivants sont datés du XIXe siècle, plus exactement de l’année 1867, l’un adressé à Napoléon III suite à un attentat raté, l’autre pour la création de la 1ère école des filles.

Ensuite le XXe siècle avec deux histoires de classes : les premières classes mixtes de niveaux à l’école publique de Lestonan en 1933 et la photo de classe d’âge de l’année 1958 de celles et ceux nés en 1958.

Pour cette photo un appel à la Mémoire des anciens est lancé : qui se souvient de cette rencontre festive où chacun portait un joli chapeau et certaines une écharpe de miss ?

Et pour finir le Patrimoine est à l’honneur dans ce bulletin : les cloches historiques de Kerdévot qui sonnent encore aujourd’hui les jours de pardon, et les vitraux du XVIe siècle dans l’église paroissiale Saint-Guinal.


Lire le bulletin en ligne : « Kannadig n° 48 Janvier 2020 »


ET, BIEN SUR, NOS MEILLEURS VOEUX QUI SOIENT POUR L’ANNEE 2020 : « Succensa Sacris Crepitet Bene Laurea Flammis, Omine Quo Felix Et Sacer Annus Erit !» (cf. source et traduction en 1ère de couverture).

 

48 Des vœux élégiaques pour 2020

Billet du 04.01.2020 - « Succensa sacris crepitet bene laurea flammis, omine quo felix et sacer annus erit ! », traduction française : "Que le pétillement favorable du laurier dans la flamme sacrée nous annonce une année heureuse et protégée des dieux !", extrait de l'Élégie II, V de Tibulle.

Ces vœux en latin car l'actualité de cette semaine porte sur un historien breton qui était aussi un grand latiniste capable de composer l'éloge de Julien Furic qu'il signe « Nobilis Guido Autret, eques torquatus, dominus de Missirien, et de Lesergue ».
Ces derniers jours, l'historien et paléographe Hervé Torchet a publié un ouvrage majeur de 481 pages, projet initié il y a presque 400 ans par Guy Autret : « Histoire Généa-logique de Bretagne - Guy Autret de Missirien (1599-1660) » aux éditions de La Pérenne.

Dès 1640 il avait publié un petit fascicule intitulé « Dessein et projet de l'histoire généalogique de Bretagne », décrivant sa méthode et annonçant son intention de produire un futur ouvrage imprimé très ambitieux dont il présente le sommaire détaillé. Pour alimenter cet ouvrage il avait la matière avec de nombreuses notes éparses et des échanges épistolaires sur les généalogie des grandes familles nobles bretonnes, mais il mourut brutalement en 1660 avant de pouvoir finaliser son projet.

Hervé Torchet a, en quelque sorte, pris la relève de ce projet, en retrouvant et transcrivant tous les manuscrits et notes anciennes et en reconstituant le contenu du sommaire annoncé.

Dans son introduction Hervé Torchet présente son "mentor" historien comme suit : « Guy Autret de Missirien est l'homme-clef de l'historiographie de l'Ancien Régime. Non pas seulement celui de la Bretagne, mais son influence s'est étendue sur toute la méthode historique du dernier siècle de la monarchie française. Sa marque s'est imprimée dans toute la production d'Histoire de cette période ultime. »

Fin 1641, Guy Autret écrit à son correspondant Pierre d'Hozier : « Ce jour de Nouel. Ayant fait reimprimer mes petis projets d'histoere, pour les distribuer à nos amys, jé voulu vous en envoier un couple ». Il s'agit là de l'édition de 15 pages datée de 1642, laquelle est conservée à la Bibliothèque Nationale de France, les premiers fascicules de 1640 ayant disparu.

L'édition suivante conservée également à la BnF, datée de 1655, est plus complète avec 22 pages et les éléments comparatifs suivants :
Image:Right.gif Les deux éditions ont le même format in-4 et sont imprimées à Rennes par Julien Herbert.
Image:Right.gif La couverture de 1655 inclut le blason de l'ordre de chevalerie de l'Hermine fondé en 1381 par le duc de Bretagne Jean IV.
Image:Right.gif Les deux fascicules sont découpés en 26 (en 1642) ou 24 Livres (1655), les Livres I à 10 étant consacrés aux généalogies des rois, comtes, ducs, princes et gouverneurs de Bretagne.

 

Image:Right.gif Dans l'édition de 1642 les Livres 11 à 26 sont catégorisés par origines géographiques et rangs de noblesse. En 1655 le Livre 11 est réservé à la noblesse Ecclésiastique et les suivants sont alphabétiques.
Image:Right.gif Dans l'avertissement de l'édition de 1655, Guy Autret explique qu'il a changé d'avis : « Par mes premiers projects imprimez l'an 1640, j'avois proposé d'escrire les Généalogies des plus grandes et principales maisons, selon l'ancien ordre des Barons et Banerets ; mais sçachant qu'ils ne conviennent pas encore de leurs rangs après tant de siècles, j'ay pris résolution de suivre l'ordre de l'alphabet pour éviter tout blame et jalousie. »

Hervé Torchet a repris ce dernier plan de Guy Autret dans la nouvelle « Histoire Généalogique de Bretagne », en rassemblant tous les manuscrits et travaux du 17e siècle, et en les illustrant des armoiries de toutes les familles nobles recensées, les blasons colorés étant conçus par Béatrice Chauvel.


En savoir plus : « TORCHET Hervé - Histoire Généalogique de Bretagne de Guy Autret », « AUTRET Guy - Dessein et project de l'histoire généalogique de Bretagne »


Image:Square.gif Nota : Hervé Torchet donnera une conférence sur son ouvrage le 8 février 2020, 16 h, à la salle Ti-Kreis de l'Athéna à Ergué-Gabéric.