1937 - L'abbé Le Goff contre le travail le dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec - GrandTerrier

1937 - L'abbé Le Goff contre le travail le dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec

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-__NOTOC____NUMBERHEADINGS____NOEDITSECTION__<i>L'introduction du travail de fabrication le dimanche aux usines Bolloré d'Odet et de Cascadec ne se fit sans heurts : l'abbé Yves Le Goff, vicaire aumônier à Odet, fit une tentative d'intercession auprès de Mme Bolloré veuve, et le conseil d'administration de la Société dut demander à l'évêque de Quimper son aval pour un dimanche sur deux.</i>+__NOTOC____NUMBERHEADINGS____NOEDITSECTION__<i>L'introduction du travail de fabrication le dimanche aux usines Bolloré d'Odet et de Cascadec ne se fit sans heurts : l'abbé Yves Le Goff, vicaire aumônier à Odet, fit une tentative d'intercession auprès de Mme Veuve Bolloré.</i>
-Autres lectures : {{Tpg|Yves Le Goff, vicaire, puis à Odet (1926-1939)}}{{TpgLE GOFF Yves - Kannadig Intron Varia Kerzevot}}{{Tpg|Krennlavarioù ar C'hannadig - Dictons dans le Kannadig}}{{Tpg|1929 - Groupe de pèlerins à Lourdes}}{{Tpg|Grève avortée à la papeterie de Cascadec, Union Agricole & Echo de Bretagne 1924}}+Le conseil d'administration de la Société des Papeteries René Bolloré dut demander à l'évêque de Quimper son aval pour un dimanche sur deux, avec un aménagement des messes dominicales en la chapelle de l'usine. Dossier complet conservé aux Archives Diocésaines de Quimper.
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 +Autres lectures : {{Tpg|Yves Le Goff, vicaire, puis à Odet (1926-1939)}}{{Tpg|LE GOFF Yves - Kannadig Intron Varia Kerzevot}}{{Tpg|Krennlavarioù ar C'hannadig - Dictons dans le Kannadig}}{{Tpg|1929 - Groupe de pèlerins à Lourdes}}{{Tpg|Grève avortée à la papeterie de Cascadec, Union Agricole & Echo de Bretagne 1924}}{{Tpg|L'appel de la C.F.T.C. aux ouvriers de la papeterie d'Odet, Le Progrès du Finistère 1936}}{{Tpg|René Bolloré (1885-1935), entrepreneur}}{{Tpg|René Bolloré (1911-1999), résistant et entrepreneur}}
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==Présentation== ==Présentation==
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 +Dans sa lettre à Marie Amélie Thubé, veuve Bolloré, l'abbé Yves Le Goff, aumônier de l'usine à papier d'Odet, ne mâche pas ses mots : « <i>Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes</i> » ; « <i>Je puis affirmer que votre défunt mari ne l'aurait pas toléré, lui qui chassait à coups de pied les ouvriers qui travaillaient le dimanche</i> » ; « <i>Si vous voulez achever de déchristianiser vos usines, vous n'avez qu'à y installer le travail du dimanche ; dans quelques mois vous m'en direz des nouvelles</i> ».
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 +Son argumentation est simple : « <i>Il n'est question que de la fabrication de quelques dizaines de bobines supplémentaires. Le salut éternel de plusieurs centaines de familles chrétiennes vaut, vous l'avouerez, infiniment davantage.</i> » Et il met même sa démission dans la balance : « <i>Le jour où vous aurez supprimé le dimanche à Odet, je n'aurai plus rien à y faire</i> ».
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 +Le fils ainé Bolloré est carrément accusé par l'aumônier d'Odet d'avoir empêché l'arrivée d'un syndicat chrétien (la C.F.T.C.) dans l'entreprise : « <i>La C.G.T. qui a été prônée et imposée par votre fils, René Guillaume Bolloré, à l'exclusion de tout autre syndicat, a déjà commencé à produire ses funestes effets.</i> » Manifestement la C.G.T. s'est prononcée pour l'introduction du dimanche travaillé moyennant des indemnités pour les ouvriers. Par contre l'abbé présente Gaston Thubé, beau-frère de feu René Bolloré, comme plus réceptif à la défense du repos chrétien dominical : « <i>Il y a quinze jours, M. Gaston Thubé m'avait laissé prévoir cette décision. Je ne lui avais pas caché ma désapprobation ; car j'estime que ce serait là ruiner complètement la vie religieuse de tout le pays. </i> ».
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 +Après la prise de position musclée de l'abbé Le Goff, la Direction des Papeteries demanda officiellement à l'évêque de travailler un dimanche sur deux. Le corps ecclésiastique dut capituler : « <i>il n'a pas à juger de la solution donnée au sujet du travail du dimanche, et la chose étant décidée ...</i> ».
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 +Et on adapta le rythme des messes dominicales à la chapelle de l'usine d'Odet : 8H et 10H les dimanches non travaillés, 8H et 12H les dimanches travaillés. La messe de 8H est importante car elle permet « <i>à l'équipe venant prendre le travail le dimanche matin, d'y assister avant d'entrer à l'usine</i> ».
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 +|}
 +Après 13 années de service dans la paroisse, notamment auprès des jeunes et du bulletin paroissial « <i>Kannadig Intron Varia</i> », l'abbé Le Goff quittera Ergué-Gabéric et son poste d'aumônier papetier en 1939, soit environ un an après son acte d'opposition aux dimanches travaillés.
 +
 +Dans les textes de défense du projet du travail le dimanche par la Direction de la Société des Papeteries, on note aussi quelques informations intéressantes sur le développement du groupe Bolloré :
 +
 +* Dès 1937, les Papeteries Bolloré sont en négociation pour construire une immense usine de papier à cigarettes à Ecusta <ref>[http://www.wordola.com/wusage/papeteries/f1940-t1949.html www.wordola.com] : Ecusta Paper Corporation jumped from scratch to No. 1 position in the U. S. because Mr. Straus was able to pour around $4,000,000 into it. Part of the capital came from his own well-lined purse, part from his two French companies (Société Nouvelle des Papeteries de Champagne and Papeteries R. Bollore).</ref> <ref>[http://www.tc150.com/history www.tc150.com] : During the 1920s a young German immigrant named Hans Straus, living in New York, changed his name to “Harry” Hans Straus and embarked on establishing a rich array of business ventures. The most important was the Champagne Paper Corporation in 1930. At this date the depression was affecting almost every household in North Carolina. More than 100,000 were unemployed and the same number scrambled for part-time jobs. In 1932 one sixth of all workers were on relief. Conditions were even more depressing in rural Transylvania County. It was said that a “Deep and lasting depression had settled over the coves;” a local lawyer explained that “We were laid out: the undertaker had been called.” Harry Straus was experimenting with flax and fiber and searching for the best location to establish a paper mill. He settled on the dependable pure water of the Davidson River and in the late thirties started construction of the plant for the Ecusta Paper Corporation.</ref>, près de Greenville en Caroline du Nord (USA), pour approvisionner les besoins américains. Ce projet est un argument pour l'introduction de « <i>la marche continue</i> » le dimanche dans les usines d'Odet et Cascadec. En fin d'année 1937, le planning du projet américain est indiqué ainsi : « <i>la construction de cette usine ne sera pas achevée avant 18 mois</i> ».
 +
 +* L'exemple de la papeterie de Troyes est également évoqué : « <i>la mise en marche continue a été organisée à Troyes dans une usine filiale des Papeteries Bolloré</i> » <ref>Avant le rachat de l'usine de papiers de Troyes par le groupe Bolloré en 1949 l'entreprise était dénommée SNPC « <i>Société Nationale des Papeteries de Champagne</i> » laquelle investira en 1938 dans l'usine américaine d'Ecusta en appui de l'entreprise R. Bolloré et de l'industriel Hans Straus.</ref>. La prise de participation Bolloré dans cet établissement date de 1929, et l'usine sera rachetée par le groupe en 1949.
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En ce jour anniversaire de la mort de M. Bolloré, je suis profondément navré de ce que vient de m'apprendre Mr Cata. Le Conseil d'administration a, paraît-il, décidé le travail du dimanche à Odet et Cascadec. Il y a quinze jours, M. Gaston Thubé m'avait laissé prévoir cette décision. Je ne lui avais pas caché ma désapprobation ; car j'estime que ce serait là ruiner complètement la vie religieuse de tout le pays. En ce jour anniversaire de la mort de M. Bolloré, je suis profondément navré de ce que vient de m'apprendre Mr Cata. Le Conseil d'administration a, paraît-il, décidé le travail du dimanche à Odet et Cascadec. Il y a quinze jours, M. Gaston Thubé m'avait laissé prévoir cette décision. Je ne lui avais pas caché ma désapprobation ; car j'estime que ce serait là ruiner complètement la vie religieuse de tout le pays.
-Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes. En tout cas, je puis affirmer +Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes. En tout cas, je puis affirmer que votre défunt mari ne l'aurait pas toléré, lui qui chassait à coups de pied les ouvriers qui travaillaient le dimanche. Il aurait plutôt fermé ses usines ; mais il ne s'agit pas de la fermeture des usines ; il n'est question que de la fabrication de quelques dizaines de bobines supplémentaires. Le salut éternel de plusieurs centaines de familles chrétiennes vaut, vous l'avouerez, infiniment davantage.
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 +La C.G.T. qui a été prônée et imposée par votre fils, René Guillaume Bolloré, à l'exclusion de tout autre syndicat, a déjà commencé à produire ses funestes effets. Si vous voulez achever de déchristianiser vos usines, vous n'avez qu'à y installer le travail du dimanche ; dans quelques mois vous m'en direz des nouvelles.
 + 
 +Libre à vous d'assumer une telle responsabilité. Quant à moi, je ne veux y prendre aucune part ; le jour où vous aurez supprimé le dimanche à Odet, je n'aurai plus rien à y faire : mes sermons sur le troisième commandement de Dieu seraient vraiment trop déplacés, et nos paroissiens pourraient me rire au nez.
 + 
 +Excusez, chère Madame Bolloré, cette lettre peut-être trop emprunte d'amertume ; mas je suis sous l'effet de ce coup auquel je ne m'attendais pas et que, me semble-t-il, je ne méritais pas après les huit années de dévouement que j'ai consacrées à vos ouvriers et à votre famille. Je suis persuadé que votre conscience vous dictera la conduite que vous avez à tenir dans cette affaire dont vous êtes l'arbitre souverain, puisque les clefs des usines vous appartiennent.
 + 
 +C'est avez cet espoir que je vous prie de croire, chère madame Bolloré, à mes sentiments religieusement dévoués.
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 +Abbé Le Goff
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Les Représentants de la Société avaient, jusqu'à présent, repoussé cette idée, alors qu'elle avait été appliquée à plusieurs reprises dans l'industrie de la papeterie, considérée, même avant la loi sur la semaine de 40 heures, comme une industrie pouvant appliquer le régime dit de « la marche continue ». Les Représentants de la Société avaient, jusqu'à présent, repoussé cette idée, alors qu'elle avait été appliquée à plusieurs reprises dans l'industrie de la papeterie, considérée, même avant la loi sur la semaine de 40 heures, comme une industrie pouvant appliquer le régime dit de « la marche continue ».
 +
 +Lors de la mise en application de cette loi au début de Mai 1937, les Papeteries Bolloré se refusèrent à adopter ce régime, qui fut au contraire mis en application immédiatement dans la plupart des papeteries et particulièrement dans d'importantes usines de papier à cigarettes.
 +
 +<spoiler text="Un système intermédiaire avait été adopté dans les usines ...">Un système intermédiaire avait été adopté dans les usines d'Odet et de Cascadec et qui consistait à arrêter le dimanche matin pour reprendre le dimanche soir à 9 heures.
 +
 +Bien que ce système ne fût pas conforme à la loi, nous croyions pouvoir nous y tenir, mais des raisons impérieuses nous ont amenés à envisager de mettre nos usines en marche continue comme la plupart de nos collègues.
 +
 +L'industrie Française est actuellement dans l'impossibilité de fournir les quantités dont cette clientèle a besoins.
 +
 +Si satisfaction ne lui est pas données, des commandes seront passées à l'étranger ; déjà ce mouvement est amorcé et s'il s'accentue, ce pourrait être à bref délai, la perte de notre clientèle qui s'était habituées à passer des commandes ailleurs qu'en France, abandonnerait vite ses fournisseurs français au fur et à mesure que les concurrents étrangers lui auraient donné satisfaction.
 +
 +Or, si la clientèle américaine nous abandonnait ce serait à bref délai la ruine de notre entreprise. En effet, le marché français ne peut suffire à alimenter nos usines. La Régie Française fournirait à peine de quoi alimenter une machine sur les sept qui sont actuellement en marche dans les usines d'Odet et de Cascadec et il nous serait très difficile de trouver sur les autres marchés, de quoi alimenter ces machines.
 +
 +La situation est tellement grave que nous avons été amenés à admettre une participation dans le projet d'une construction d'une usine franco-américaine afin de donner par là, une certaine satisfaction aux préoccupations de notre clientèle.
 +
 +En effet, cette nouvelle usine donnerait une assurance pour l'avenir à notre clientèle en cas de difficultés d'approvisionnement sur le marché Français. Mais la construction de cette usine ne sera pas achevée avant 18 mois. En attendant, il est nécessaire que nous fassions tous nos efforts pour conserver notre situation, en donnant à nos clients, satisfaction quant aux quantités qu'ils exigent.
 +
 +Ce n'est donc pas pour nous une question d'augmentation de bénéfices, c'est une question de sauvegarde pour l'avenir très prochain de notre affaire.
 +</spoiler>
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 +<spoiler text="Le système envisagé sous le nom de « marche continue » ...">Le système envisagé sous le nom de « marche continue » consiste à faire travailler l'usine 1 dimanche sur 2.
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 +Le personnel obligé de venir travailler à l'usine ne représente pas la totalité des ouvriers et ouvrières, mais seulement les équipes dites de « faction ». Il y a 4 équipes de faction, représentant chacune :
 +
 +Pour l'usine d'Odet, 22 Hommes.
 +<br>Pour l'usine de Cascadec, 60 Hommes.
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 +Chacune de ces équipes sera appelée à travailler le dimanche, par roulement : 1 dimanche sur 4.
 +
 +Il y aura à travailler le dimanche, 2 équipes, soit 44 hommes à Odet sur un personnel de 279, et 180 hommes à Cascadec, pour un personnel total de 787.
 +
 +Pour les femmes, il y aurait 4 ouvrières à Odet et 7 à Cascadec, mais seulement 1 dimanche sur 6.
 +
 +Nous envisagerions de faire célébrer dans les chapelles des usines d'Odet et de Cascadec, une messe matinale permettant à l'équipe venant prendre le travail le dimanche matin, d'y assister avant d'entrer à l'usine.
 +</spoiler>
 +<center>* * *</center>
 +
 +<spoiler text="L'autorisation est sollicitée, non pas à titre permanent ...">L'autorisation est sollicitée, non pas à titre permanent" pour une durée illimitée, mais seulement pour jusqu'à la fin de l'année 1938.
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 +Nous espérons qu'à ce moment, il nous sera possible de revenir au régime antérieur, en tous cas, la situation sera reconsidérée à nouveau.
 +
 +Il s'agit seulement pour le moment, de franchir une période particulièrement critique en donnant satisfaction à la demande de notre clientèle étrangère, qui se trouve dans l'impossibilité absolue d'obtenir des usines françaises, les quantités qui lui sont nécessaires.
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 +À titre de renseignements, la mise en marche continue a été organisée à Troyes dans une usine filiale des Papeteries Bolloré, dans des conditions analogues à celles que nous envisageons pour Odet et de Cascadec, d'accord avec Monseigneur l'Evêque de Troyes, avec création d'une messe particulière dans l'église paroissiale dont dépend cette usine.
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Usines d'Odet et Cascadec Usines d'Odet et Cascadec
-A Cascadec la messe sera assurée par le Clergé de Scaër. Le service du dimanche est chargé à cause des messes de chapelles et des catéchismes qui les ...+A Cascadec la messe sera assurée par le Clergé de Scaër. Le service du dimanche est chargé à cause des messes de chapelles et des catéchismes qui les crèvent, des services à chanter à peu près tous les Dimanches, des réunions diverses est [...] - il y mettra bonne volonté et avec de la [...] tout sera mené de front.
 + 
 +À Odet, il avait été convenu avec M. Catta et Féronnière que les 2 messes se [...] 8 et 10h seraient maintenus et que si c'était nécessaire ou s'assurerait le concours d'un prêtre de Quimper pour la messe de midi tous les 2 dimanches.
 + 
 +M. le Recteur d'Ergué-Gabéric <ref>[[Pierre Néildé, recteur (1938-1941)|Pierre Néildé]] est recteur d'Ergué-Gabéric de juillet 1938 à 1941, successeur de [[Louis Pennec, recteur (1914-1938)|Louis Pennec]].</ref> est venu hier traiter cette question. Il a toujours protesté contre l'organisation du service à Odet ; la grand messe à Odet à 10 h nuit terriblement à la grand messe paroissiale et tend à créer une 2e paroisse à Odet. La messe à Odet, c'était nécessaire, une 2e messe pas guère et en tous cas pas à l'heure de la grand messe paroissiale.
 + 
 +Dans la circonstance actuelle il n'a pas à juger de la solution donnée au sujet du travail du dimanche, et la chose étant décidée, ne serait-il opportun, et ceci faciliterait la solution de n'avoir que 2 messes le dimanche. 8 et midi, les dimanches quand les usines travailleraient et 8h et 10h les autres dimanches.
 + 
 +Il en a été décidé ainsi au Conseil de samedi 27 novembre. (1937)
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Version du 30 décembre ~ kerzu 2014 à 08:52

Catégorie : Archives    
Site : GrandTerrier

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§ E.D.F.

L'introduction du travail de fabrication le dimanche aux usines Bolloré d'Odet et de Cascadec ne se fit sans heurts : l'abbé Yves Le Goff, vicaire aumônier à Odet, fit une tentative d'intercession auprès de Mme Veuve Bolloré.

Le conseil d'administration de la Société des Papeteries René Bolloré dut demander à l'évêque de Quimper son aval pour un dimanche sur deux, avec un aménagement des messes dominicales en la chapelle de l'usine. Dossier complet conservé aux Archives Diocésaines de Quimper.

Autres lectures : « Yves Le Goff, vicaire, puis à Odet (1926-1939) » ¤ « LE GOFF Yves - Kannadig Intron Varia Kerzevot » ¤ « Krennlavarioù ar C'hannadig - Dictons dans le Kannadig » ¤ « 1929 - Groupe de pèlerins à Lourdes » ¤ « Grève avortée à la papeterie de Cascadec, Union Agricole & Echo de Bretagne 1924 » ¤ « L'appel de la C.F.T.C. aux ouvriers de la papeterie d'Odet, Le Progrès du Finistère 1936 » ¤ « René Bolloré (1885-1935), entrepreneur » ¤ « René Bolloré (1911-1999), résistant et entrepreneur » ¤ 

1 Présentation

Dans sa lettre à Marie Amélie Thubé, veuve Bolloré, l'abbé Yves Le Goff, aumônier de l'usine à papier d'Odet, ne mâche pas ses mots : « Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes » ; « Je puis affirmer que votre défunt mari ne l'aurait pas toléré, lui qui chassait à coups de pied les ouvriers qui travaillaient le dimanche » ; « Si vous voulez achever de déchristianiser vos usines, vous n'avez qu'à y installer le travail du dimanche ; dans quelques mois vous m'en direz des nouvelles ».

Son argumentation est simple : « Il n'est question que de la fabrication de quelques dizaines de bobines supplémentaires. Le salut éternel de plusieurs centaines de familles chrétiennes vaut, vous l'avouerez, infiniment davantage. » Et il met même sa démission dans la balance : « Le jour où vous aurez supprimé le dimanche à Odet, je n'aurai plus rien à y faire ».

Le fils ainé Bolloré est carrément accusé par l'aumônier d'Odet d'avoir empêché l'arrivée d'un syndicat chrétien (la C.F.T.C.) dans l'entreprise : « La C.G.T. qui a été prônée et imposée par votre fils, René Guillaume Bolloré, à l'exclusion de tout autre syndicat, a déjà commencé à produire ses funestes effets. » Manifestement la C.G.T. s'est prononcée pour l'introduction du dimanche travaillé moyennant des indemnités pour les ouvriers. Par contre l'abbé présente Gaston Thubé, beau-frère de feu René Bolloré, comme plus réceptif à la défense du repos chrétien dominical : « Il y a quinze jours, M. Gaston Thubé m'avait laissé prévoir cette décision. Je ne lui avais pas caché ma désapprobation ; car j'estime que ce serait là ruiner complètement la vie religieuse de tout le pays.  ».

Après la prise de position musclée de l'abbé Le Goff, la Direction des Papeteries demanda officiellement à l'évêque de travailler un dimanche sur deux. Le corps ecclésiastique dut capituler : « il n'a pas à juger de la solution donnée au sujet du travail du dimanche, et la chose étant décidée ... ».

Et on adapta le rythme des messes dominicales à la chapelle de l'usine d'Odet : 8H et 10H les dimanches non travaillés, 8H et 12H les dimanches travaillés. La messe de 8H est importante car elle permet « à l'équipe venant prendre le travail le dimanche matin, d'y assister avant d'entrer à l'usine ».

 
Y. Le Goff en 1929
Y. Le Goff en 1929
Mme Bolloré en 1922
Mme Bolloré en 1922

Après 13 années de service dans la paroisse, notamment auprès des jeunes et du bulletin paroissial « Kannadig Intron Varia », l'abbé Le Goff quittera Ergué-Gabéric et son poste d'aumônier papetier en 1939, soit environ un an après son acte d'opposition aux dimanches travaillés.

Dans les textes de défense du projet du travail le dimanche par la Direction de la Société des Papeteries, on note aussi quelques informations intéressantes sur le développement du groupe Bolloré :

  • Dès 1937, les Papeteries Bolloré sont en négociation pour construire une immense usine de papier à cigarettes à Ecusta [1] [2], près de Greenville en Caroline du Nord (USA), pour approvisionner les besoins américains. Ce projet est un argument pour l'introduction de « la marche continue » le dimanche dans les usines d'Odet et Cascadec. En fin d'année 1937, le planning du projet américain est indiqué ainsi : « la construction de cette usine ne sera pas achevée avant 18 mois ».
  • L'exemple de la papeterie de Troyes est également évoqué : « la mise en marche continue a été organisée à Troyes dans une usine filiale des Papeteries Bolloré » [3]. La prise de participation Bolloré dans cet établissement date de 1929, et l'usine sera rachetée par le groupe en 1949.

2 Transcriptions

Lettre de l'abbé Le Goff à l'évêque

A.R.J.

Odet 17.11.37

Excellence

Je me permets de vous envoyer copie de la lettre que je viens d'expédier à Madame Bolloré. C'était mon devoir, je le crois, de la mettre en garde contre une décision si préjudiciable à la vie religieuse ; car je crains fort que son Conseil d'Administration ne la tienne pas assez au courant sure ce point. L'application du travail du dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec doit entrer en vigueur le 1er dimanche de janvier. Je crois savoir que la Direction doit vous députer M. Tonny Cata pour régler cette question.

Veuillez agréer, monseigneur, l'expression de mes sentiments filialement respectueux.

Abbé Le Goff

Lettre de l'abbé Le Goff à Mme Bolloré

A.R.J.

Odet 16.11.37

Chère Madame Bolloré.

En ce jour anniversaire de la mort de M. Bolloré, je suis profondément navré de ce que vient de m'apprendre Mr Cata. Le Conseil d'administration a, paraît-il, décidé le travail du dimanche à Odet et Cascadec. Il y a quinze jours, M. Gaston Thubé m'avait laissé prévoir cette décision. Je ne lui avais pas caché ma désapprobation ; car j'estime que ce serait là ruiner complètement la vie religieuse de tout le pays.

Je ne puis croire que vous ayez approuvé sciemment cette décision, vous dont les convictions religieuses sont si profondes. En tout cas, je puis affirmer que votre défunt mari ne l'aurait pas toléré, lui qui chassait à coups de pied les ouvriers qui travaillaient le dimanche. Il aurait plutôt fermé ses usines ; mais il ne s'agit pas de la fermeture des usines ; il n'est question que de la fabrication de quelques dizaines de bobines supplémentaires. Le salut éternel de plusieurs centaines de familles chrétiennes vaut, vous l'avouerez, infiniment davantage.

La C.G.T. qui a été prônée et imposée par votre fils, René Guillaume Bolloré, à l'exclusion de tout autre syndicat, a déjà commencé à produire ses funestes effets. Si vous voulez achever de déchristianiser vos usines, vous n'avez qu'à y installer le travail du dimanche ; dans quelques mois vous m'en direz des nouvelles.

Libre à vous d'assumer une telle responsabilité. Quant à moi, je ne veux y prendre aucune part ; le jour où vous aurez supprimé le dimanche à Odet, je n'aurai plus rien à y faire : mes sermons sur le troisième commandement de Dieu seraient vraiment trop déplacés, et nos paroissiens pourraient me rire au nez.

Excusez, chère Madame Bolloré, cette lettre peut-être trop emprunte d'amertume ; mas je suis sous l'effet de ce coup auquel je ne m'attendais pas et que, me semble-t-il, je ne méritais pas après les huit années de dévouement que j'ai consacrées à vos ouvriers et à votre famille. Je suis persuadé que votre conscience vous dictera la conduite que vous avez à tenir dans cette affaire dont vous êtes l'arbitre souverain, puisque les clefs des usines vous appartiennent.

C'est avez cet espoir que je vous prie de croire, chère madame Bolloré, à mes sentiments religieusement dévoués.

Abbé Le Goff

 

Demande d'autorisation à l'Evêque

Papeteries René Bolloré. Odet près Quimper. R.C. Quimper n° 8377

La Direction de la Société des Papeteries René Bolloré, a reçu mandat de Madame Bolloré, gérante de cette Société, de solliciter respectueusement de son Excellence Monseigneur l’Évêque de Quimper, l'autorisation de faire travailler les usines d'Odet et de Cascadec un dimanche sur deux, dans les termes de l'alinéa 7 de l'article 2 du décret en date du 31 Mars 1937, concernant l'application de la loi du 21 Juin 1936 sur la semaine de 40 heures, dans les industries du papier.

Cette demande est formulée sous l'empire des raisons les plus sérieuses.

Les Papeteries René Bolloré se sont toujours refusées jusqu'à présent, à faire travailler leurs usines le dimanche.

Les Représentants de la Société avaient, jusqu'à présent, repoussé cette idée, alors qu'elle avait été appliquée à plusieurs reprises dans l'industrie de la papeterie, considérée, même avant la loi sur la semaine de 40 heures, comme une industrie pouvant appliquer le régime dit de « la marche continue ».

Lors de la mise en application de cette loi au début de Mai 1937, les Papeteries Bolloré se refusèrent à adopter ce régime, qui fut au contraire mis en application immédiatement dans la plupart des papeteries et particulièrement dans d'importantes usines de papier à cigarettes.

§ Un système intermédiaire avait été adopté dans les usines ...

* * *

§ Le système envisagé sous le nom de « marche continue » ...

* * *

§ L'autorisation est sollicitée, non pas à titre permanent ...

Position du conseil paroissial sur les messes

Usines d'Odet et Cascadec

A Cascadec la messe sera assurée par le Clergé de Scaër. Le service du dimanche est chargé à cause des messes de chapelles et des catéchismes qui les crèvent, des services à chanter à peu près tous les Dimanches, des réunions diverses est [...] - il y mettra bonne volonté et avec de la [...] tout sera mené de front.

À Odet, il avait été convenu avec M. Catta et Féronnière que les 2 messes se [...] 8 et 10h seraient maintenus et que si c'était nécessaire ou s'assurerait le concours d'un prêtre de Quimper pour la messe de midi tous les 2 dimanches.

M. le Recteur d'Ergué-Gabéric [4] est venu hier traiter cette question. Il a toujours protesté contre l'organisation du service à Odet ; la grand messe à Odet à 10 h nuit terriblement à la grand messe paroissiale et tend à créer une 2e paroisse à Odet. La messe à Odet, c'était nécessaire, une 2e messe pas guère et en tous cas pas à l'heure de la grand messe paroissiale.

Dans la circonstance actuelle il n'a pas à juger de la solution donnée au sujet du travail du dimanche, et la chose étant décidée, ne serait-il opportun, et ceci faciliterait la solution de n'avoir que 2 messes le dimanche. 8 et midi, les dimanches quand les usines travailleraient et 8h et 10h les autres dimanches.

Il en a été décidé ainsi au Conseil de samedi 27 novembre. (1937)

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  1. www.wordola.com : Ecusta Paper Corporation jumped from scratch to No. 1 position in the U. S. because Mr. Straus was able to pour around $4,000,000 into it. Part of the capital came from his own well-lined purse, part from his two French companies (Société Nouvelle des Papeteries de Champagne and Papeteries R. Bollore). [Ref.↑]
  2. www.tc150.com : During the 1920s a young German immigrant named Hans Straus, living in New York, changed his name to “Harry” Hans Straus and embarked on establishing a rich array of business ventures. The most important was the Champagne Paper Corporation in 1930. At this date the depression was affecting almost every household in North Carolina. More than 100,000 were unemployed and the same number scrambled for part-time jobs. In 1932 one sixth of all workers were on relief. Conditions were even more depressing in rural Transylvania County. It was said that a “Deep and lasting depression had settled over the coves;” a local lawyer explained that “We were laid out: the undertaker had been called.” Harry Straus was experimenting with flax and fiber and searching for the best location to establish a paper mill. He settled on the dependable pure water of the Davidson River and in the late thirties started construction of the plant for the Ecusta Paper Corporation. [Ref.↑]
  3. Avant le rachat de l'usine de papiers de Troyes par le groupe Bolloré en 1949 l'entreprise était dénommée SNPC « Société Nationale des Papeteries de Champagne » laquelle investira en 1938 dans l'usine américaine d'Ecusta en appui de l'entreprise R. Bolloré et de l'industriel Hans Straus. [Ref.↑]
  4. Pierre Néildé est recteur d'Ergué-Gabéric de juillet 1938 à 1941, successeur de Louis Pennec. [Ref.↑]


Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Novembre 2014    Dernière modification : 30.12.2014    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]