Mots-clefs : Louage. - Propriété Commerciale. - Refus du propriétaire. - Droit de reprise sans indemnité pour reconstruction. - Agrandissement des locaux où s'exerce le commerce. - Indemnité d'éviction. - Charge de la preuve de l'agrandissement. - Acquisition plus de cinq années avant la fin de bail. - Interprétation des mots « Locaux où s'exerce le commerce ». - Faculté d'exercice du droit aux eaux d'une rivière.
1re Chambre. - 12 Décembre 1927. Bolloré contre Rospape.
SOMMAIRE :
Si en vertu de l'article 5 de la loi du 30 juin 1926, le propriétaire peut, en principe, se refuser au renouvellement sans indemnité pour reconstruire et affecter au commerce ou à l'industrie le nouvel immeuble, il doit cependant l'indemnité d'éviction, lorsque l'acquisition a eu lieu dans le but d'agrandir les locaux où s'exerce le commerce ou de fonder une succursale, et la charge de la preuve incombe au locataire quand l'acquisition a eu lieu plus de 5 ans avant la fin du bail.
§ En conséquence, ne peut donner droit à l'indemnité d'éviction ...
En conséquence, ne peut donner droit à l'indemnité d'éviction faite plus de 5 ans avant la fin du bail suivie de l'exercice du droit de reprise pour reconstruire alors - d'une part que le résultat d'ores et déjà certain de la reprise est de donner au propriétaire plus de facultés dans l'exercice d'un droit aux eaux d'une rivière, cas ne rentrant pas dans l'expression « Locaux où s'exerce le commerce », employé par la loi - et que, d'autre part, le propriétaire déclare vouloir reconstruire pour installer une exploitation industrielle ou agricole nouvelle, mais différente, le locataire évincé ne pouvant prouver l'inexactitude de cette intention.
ARRÊT :
Considérant que Bolloré a régulièrement interjeté appel d'un jugement du Tribunal civil départemental du Finistère, section de Quimper, du 18 mars 1927 ;
Considérant que Bolloré prétend exercer son droit de reprise des immeubles loués à Rospape, sans indemnité, en vue de leur reconstruction pour une affectation à la fois industrielle et agricole, que Rospape, au contraire, réclame l'indemnité prévue à l'article 4 de la loi du 30 juin 1926 ;
§ Considérant que Bolloré, dont le contrat d'achat remonte à plus de cinq ans ...
Considérant que Bolloré, dont le contrat d'achat remonte à plus de cinq ans, ne peut se voir opposer par son adversaire, dont la jouissance
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§ Considérant que Bolloré était, depuis longtemps, propriétaire d'un important établissement industriel dit « Papeteries de l'Odet » ...
Considérant que Bolloré était, depuis longtemps, propriétaire d'un important établissement industriel dit « Papeteries de l'Odet », comprenant une agglomération non seulement de bâtiments à usage industriel et commercial, mais d'habitations et logements pour le personnel, cours, jardins et bois, situés commune d'Ergué-Gabéric, sur la rive gauche de l'Odet, bois et jardin d'agrément sur la rive droite ;
§ Considérant que, par acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape ...
Considérant que, par acte du 3 septembre 1917, transcrit le 17 septembre de la même année, il a acquis des époux Rannou, bailleurs de Rospape, la propriété située commune de Briec
§ Considérant qu'en faisant cette acquisition, objet de son droit actuel de reprise ...
Considérant qu'en faisant cette acquisition, objet de son droit actuel de reprise, Bolloré augmentait la surface de son domaine et faisait, en outre disparaître les inconvénients résultant pour lui, tant au point de vue industriel qu'au point de vue de son agrément personnel, du voisinage du Moulin et de ses occupants.
Considérant également ...
§ Considérant, d'autre part, que Bolloré exprime l'intention de faire démolir le moulin de Moguéric ...
Considérant, d'autre part, que Bolloré exprime l'intention de faire démolir le moulin de Moguéric pour y reconstruire des bâtiments à usage industriel ou agricole, complètement distincts de la fabrication du papier ; que cette explication est tout aussi admissible que l'hypothèse de l'extension de son usine sue des terrains éloignés de plus de cent mètres de cette dernière, sur la rive opposée de la rivière ; que les considérations retenues par les premiers juges sont donc insuffisantes pour constituer la preuve certaine de la volonté de Bollorén à l'époque de son acquisition, de profiter de celle-ci pour agrandir les locaux industriels de la Papeterie de l'Odet ;
Que, sans avoir égard comme inutile à la demande d'expertise supplémentaire formulée par Rospape, le jugement doit être réformé ;
Par ces motifs :
La Cour,
Réformant le jugement dont est appel ;
Dit et juge que Rospape n'a pas apporté la preuve dont il avait la charge que Bolloré avait acquis le 3 septembre 1917, le Moulin de Moguéric et ses dépendances pour agrandir les locaux de son industrie ou fonder une succursale ;
Dit que Bolloré est fondé à reprendre les locaux loués à Rospape sans indemnité ;
Rejette, en conséquence, la demande d'indemnité formée par ce dernier ;
Rejette toutes autres conclusions des parties ;
Condamne Rospape en tous les dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à perception de l'amende de fol appel [1] ;
Ainsi jugé, etc ...
MM. Cordier, 1er président ; Guillot, avocat général.
Mes Alizon et Le Bail (du Barreau de Quimper), avocats
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