1902 - Témoignage de JM Déguignet sur la fermeture de l'école ND de Kerdévot - GrandTerrier

1902 - Témoignage de JM Déguignet sur la fermeture de l'école ND de Kerdévot

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§ E.D.F.

Sommaire


Les témoignages sur les fermetures d'écoles religieuses en France, et en Bretagne en particulier, proviennent généralement des partisans de la cause religieuse. Nous avons ici un exemple contraire, celui du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet qui relate cette période dans ses mémoires, moins de 3 ans avant son décès. Il défend dans ce texte une position anti-cléricale, laïque et républicaine.

[modifier] 1 Introduction

Par plusieurs circulaires et décrets publiés de juin à août 1902, le gouvernement d'Emile Combes ordonne et organise la fermeture des écoles privées de certaines congrégations religieuses. Cette décision va provoquer une résistance des autorités religieuses et des défenseurs de l'enseignement catholique.

 

Les établissements de la congrégation des Filles du Saint-Esprit, appelées aussi Soeurs Blanches, dont le siège est à St-Brieuc sont la cible principale en Bretagne du décret d'expulsion. Au total 64 écoles libres dont 38 tenus par les soeurs blanches seront supprimées dans le diocèse de Quimper, et notamment l'école des filles de Notre-Dame de Kerdévot au Bourg d'Ergué-Gabéric.

[modifier] 2 Un éclairage républicain

Pages 747-748 de l'édition "Histoire de ma vie. L'intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton". Page 95 du cahier manuscrit n° 22, seonde version de 1898-1905.

Été 1902.

Je suis allé à Pluguffan voir mon gérant de tabac. Les choses vont très mal dans cette malheureuse commune, presque entièrement entre les mains des nobles et cléricaux. Ceux-ci se sont révoltés contre le décret d'expulsion des sœurs du Saint-Esprit qui dirige l'école des filles, en poussant les fermiers et les journaliers à prendre les armes pour défendre ces bonnes sœurs. Cela mit une haine, une haine féroce entre tous ces malheureux ignorants. Mais les fanatiques qui défendent les sœurs étant les plus nombreux, les autres sont obligés de se taire et sont victimes du boycottage des cléricaux. Car on défend à ces derniers d'approcher de ces pauvres républicains pestiférés, de ne rien acheter chez eux s'ils sont commerçants, quoique là comme ailleurs ces bons cléricaux crient aussi "Vive la liberté !". Mon gérant me dit qu'il a perdu un grand nombre [de clients] depuis le commencement de cette révolte. Le maître d'école est injurié, insulté et lapidé par ces amis de la liberté. Et j'entends tous les jours des gens qui disent, même des républicains, que le gouvernement a tort de chasser ces religieux et religieuses qui ne font, disent-ils, de tort à personne. [... ]

 

Quoiqu'il en soit, l'exécution des décrets vient de commencer dans notre département après trois semaines de fiévreuses attentes. Elle a commencé par Quimper, Kerfeunteun et Ergué-Gabéric. Tout s'est passé sans accident, quoiqu'on avait mobilisé tous les gendarmes, policiers et quelques compagnies d'infanterie. On ne voyait guère que des femmes et des enfants devant les établissements des sœurs criant "Vive la liberté !", "Vive les sœurs !". Sur 38 établissements qui doivent être fermés, il reste encore 35 auprès desquels les habitants montent la garde, nuit et jour depuis trois semaines.

Et les sénateurs [1], députés [2], conseillers généraux [3] parcourent journellement ces communes, encourageant les pauvres paysans fanatisés à la résistance. Et ces abrutis abandonnent leurs fermes, leurs champs et leurs récoltes pour obéir à ces grands coquins qui rient et se moquent d'eux. Car pendant que ces idiots paysans perdent leur temps et souffrent la faim, la chaleur ou la pluie sur les places, les malins sénateurs, députés et consorts s'en vont fricoter et bedonner d'hôtel en hôtel. Mais pourquoi ces sénateurs, ces députés, ces conseillers généraux, conseillers d'arrondissement , nobles, curés, moines, bourgeois qui sont tous de fervents catholiques, ne se réunissent pas tous pour prononcer la séparation de la Bretagne de la France ? Ils trouveraient un populo d'ouvriers et de paysans encore plus ignorant, plus stupide et plus lâche que celui du temps des nobles. Car je ne crois pas que jamais, en aucun temps, ni en aucun pays, les prolétaires, paysans, esclaves ou serfs aient été aussi ignorants, aussi abrutis et aussi lâches que ceux que je vois aujourd'hui.

[modifier] 3 La position de l'évêché

L'évêché du diocèse de Quimper et Léon, dès le premier décret du 27 juin, exprime son inquiétude : "Les écoles communales - elles sont nombreuses dans notre diocèse - confiées jusqu'ici à des religieuses sont menacées de laïcisation". Les titres dans les chroniques de la Semaine Religieuse sont évocateurs : "la guerre à l'Enseignement religieux", "la défense de l'Enseignement chrétien". La liste des 64 écoles fermées est publiée sous forme d'un tableau, et l'école des filles d'Ergué-Gabéric y apparaît comme suit :

Paroisses Nombre de religieuses Nombre de classes Nombre d'élèves Date de la fondation Propriétaire de l'immeuble
Ergué-Gabéric 4 3 classes 130 1898 Société civile
 

Le 29 août les autorités religieuses ne s'avouent pas vaincues pour autant : "Pour la rentrée des classes. Tandis que des demandes d'autorisations [sont] faites pour plusieurs écoles congréganistes fermées dans notre diocèse, les Filles du Saint-Esprit réclament devant le Conseil d'État la réintégration pure et simple de leurs religieuses expulsées. En attendant le résultat de ces diverses démarches, les avis que nous avions donnés, au début, demeurent les plus pratiques : que les particuliers ou sociétés, propriétaires d'écoles libres, se pourvoient, au plus tôt, de directrices laïques, afin d'assurer la rentrée à l'époque ordinaire."

[modifier] 4 L'école ND de Kerdévot

L'école libre de ND de Kerdévot a été bâtie en 1898 et inaugurée le dimanche 25 septembre sous l'égide du recteur de l'époque Jean Hascoêt. Avec ses 3 classes en 1902, elle assurera un service de pensionnat pour les jeunes filles de la paroisse jusqu'en 1963. La sœur Félicienne en assurera la direction jusqu'en 1934.

 

En 1987, articles de Laurent Quevilly sur les retrouvailles d'anciennes élèves => Ecole Notre-Dame de Kerdévot, OF-LQ 1987

[modifier] 5 Annotations

  1. Il s'agit essentiellement du sénateur M. de Chamaillard qui, le 8 août 1902, fracture les scellés de l’école Saint-Anne, rue des Douves. Il sera déféré au parquet et poursuivi en police correctionnelle. Source : « La dépêche du Finistère ». [Ref.↑]
  2. Georges Le Bail est député de la 2e circonscription, mais, radical de gauche et anticlérical, est un des rares députés finistériens à voter pour la séparation de l'Eglise et de l'Etat (cf. Article de Pierre Chuto "Un combat fratricide entre deux cousins à Penhars". Un autre député, Louis Hémon (républicain modéré), bien qu'hostile à la religion, est plus proche des défenseurs des congrégations et vota notamment contre la loi de la Séparation. [Ref.↑]
  3. Les conseillers généraux sont M. Servigny et Ménard. [Ref.↑]


Thème de l'article : Etude et transcriptions d'actes anciens

Date de création : Décembre 2008    Dernière modification : 26.08.2015    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]