1860 - Enfance bafouée et abus sexuel dans un fossé de la Croix Rouge - GrandTerrier

1860 - Enfance bafouée et abus sexuel dans un fossé de la Croix Rouge

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-|width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>Une affaire de meurs détaillée par la transcription son dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4 U 168).</i>+|width=55% valign=top {{jtfy}}|__NUMBERHEADINGS____NOTOC__<i>L'affaire de mœurs d'un dénommé Mathurin H. détaillée par la transcription du dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4U2/168).</i>
-Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « <i>Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle</i> », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures dont celui de Mathurin X., âgé de 21 ans en 1860, maréchal-ferrant, condamné à « <i>la peine de deux années d'emprisonnement par corps</i> ».+Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « <i>Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle</i> », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures.
-En savoir plus : {{Tpg|1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - Violence au village}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - La peine de mort en Bretagne}}{{Tpg|Les institutrices et instituteurs en poste à Ergué-Gabéric}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - Crime et justice en Bretagne}}+Parmi celles-ci l'affaire de Mathurin H., âgé de 21 ans en 1860, maréchal-ferrant, violeur repentant, condamné à « <i>la peine de deux années d'emprisonnement par corps</i> ».
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 +En savoir plus : {{Tpg|LE BOULANGER Isabelle - Enfance bafouée}}{{Tpg|1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - Violence au village}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - La peine de mort en Bretagne}}{{Tpg|LE DOUGET Annick - Crime et justice en Bretagne}}{{Tpg|Croix Rouge, ar Groaz Ru}}{{Tpg|BOLLORÉ Jean-René - De la métrorrhagie après les accouchements}}
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==Présentation== ==Présentation==
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 +À la lecture du dossier de l'affaire « <i>Mathurin</i> », on a l'impression de découvrir une véritable pièce de théâtre d'une époque heureusement révolue où ce qu'on appelait « <i>attentat à la pudeur</i> » serait aujourd'hui qualifié de pédophilie. Pour protéger les éventuels descendants, nous n'avons pas transcrit les noms de la victime et de son violeur.
 +Les personnages de la scène de viol et du procès :
 +* La victime Marie Anne B. (prénommée aussi Marie Jeanne ou Marie Françoise dans certains actes), âgée de 7 ans, habitant chez ses parents à la Croix Rouge, sa mère étant cabaretière, et son père tailleur d'habit.
 +* Le jeune violeur Mathurin H. (prénommé Corentin sur l'acte d'accusation), âgé de 21 ans, travaillant à Kerdévot chez son père comme maréchal (ou « taillandier » <ref name=Taillandier>{{K-taillandier}}</ref> comme était déclaré ce dernier dans le recensement de 1836).
 +* Corentin Provost le commis maréchal-ferrant accompagnant le fils de son patron, cité comme témoin.
 +* Le maire, [[Michel Feunteun, maire (1855-1862)|Michel Feunteun]], habitant le village voisin de Congallic, immédiatement consulté après les faits.
 +* Le docteur en mèdecine [[Jean-René Bolloré (1818-1881), chirurgien et entrepreneur|René Bolloré]] (qui quelques années plus tard prendra la direction de la papeterie d'Odet) qui est appelé à « <i>visiter</i> » la petite fille et à faire son rapport pour le procès.
 +* Les agents publics de la gendarmerie et de la justice, notamment l'instituteur Jean-Marie Le Grignoux, « <i>interprète de la langue bretonne</i> » mandaté par le juge pour interviewer les acteurs et acteurs de l'agression.
 +
 +Le scénario et les circonstances relatées décrivent un univers un peu sombre et surprenant :
 +* <u>Ruralité</u> : la scène se passe dans un univers marqué par une activité agricole dominante et des métiers d'artisans (maréchal, tailleur d'habit, cabaretière). Ce mardi-là de fin octobre, la petite fille qui n'est pas à l'école (ses frères plus âgés y sont), surveille « <i>le blé noir qui est à sècher</i> » devant la maison familiale.
 +* <u>Langue</u> : la langue parlée est le breton et la population ne comprend, ni ne parle le français. Pour tous les interrogatoires la justice passe par un « <i>interprète de la langue bretonne, domicilié de Quimper, lequel a prêté entre nos mains le serment de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents</i> ».
 +* <u>Religion</u> : l'inculpé est occupé à faire la quête pour le compte de son père qui est « <i>bedeau </i> », c'est-à-dire fabricien <ref name=Fabrique>{{K-Fabrique}}</ref>, de la chapelle de Kerdévot. Lorsqu'il doit avouer son crime, il confesse sa faute : « <i>comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon !</i> ».
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 +[[Image:FemmesBretonnesCP.jpg|center|400px|thumb]]
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 +* <u>Protection maternelle</u> : comme l'a noté Isabelle Le Boulanger dans son livre, devant les pleurs de sa fille, sa mère est attentive aux effets psychologiques, mais ne cherche pas à savoir s'il y a eu pénétration et déchirure de l'hymen. Elle dit au gendarme « <i>n'avoir point visitée sa petite pour ne point éveiller chez elle des idées fâcheuses, que du reste elle n'avait parue de tien ressentir. </i> »
 +
 +* <u>Médecine</u> : un médecin est dépêché chez la victime sept jours après les faits. Il se trouve que ce docteur en mèdecine n'est autre que Jean-René Bolloré, qui n'a pas encore pris la succession de son oncle papetier à Odet. Il connait bien son sujet car il a présenté en 1850 une thèse intitulée « <i>De la métrorrhagie après les accouchements</i> ». En 1860 sa conclusion est la suivante : « <i>De ses observations on peut conclure qu'une tentative d'introduction d'un corps étranger (membre viril, doigt etc) dans la partie sexuelle de la fille B. ait eu lieu</i> ».
 +* <u>Justice</u> : on peut être surpris de la façon dont les interrogatoires insistent sur le fait que « <i>l'enfant répondit que l'individu ne lui avait pas fait mal. </i> », les faits étant par ailleurs : « <i>il me releva mes jupes, déboutonna son pantalon et en sortit ce avec quoi il pisse et enfin me le mit dans le corps</i> ». La sentence finale est une « <i>peine de deux années d'emprisonnement par corps</i> », avec dans le délibéré des jurés une mention de « <i>circonstances atténuantes</i> », sans doute pour son repenti.
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==Transcriptions== ==Transcriptions==
-<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995'></spoiler></i>+<i>Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : <spoiler all='991,992,993,994,995,996,997,998,999,9910'></spoiler></i>
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Cour impériale de Rennes. Département du Finistère. Arrondissement de Quimper. Cour impériale de Rennes. Département du Finistère. Arrondissement de Quimper.
-Le ministère public contre Mathurin X., prévenu d'Attentat à la Pudeur.+Le ministère public contre Mathurin H., prévenu d'Attentat à la Pudeur.
Chambre d'accusation. Chambre d'accusation.
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5e légion. Compagnie du Finistère. Arrondissement de Quimper. No de la brigade : 276. Du 5 novembre 1860. 5e légion. Compagnie du Finistère. Arrondissement de Quimper. No de la brigade : 276. Du 5 novembre 1860.
-Procès-verbal constatant tentative de viol commis sur la nommée B. Marie Anne âgée de 7 ans, demeurant à la Croix Rouge commune d'Ergué-Gabéric par le ... X. Mathurin né et domicilié du même lieu. +Procès-verbal constatant tentative de viol commis sur la nommée B. Marie Anne âgée de 7 ans, demeurant à la Croix Rouge commune d'Ergué-Gabéric par le ... H. Mathurin né et domicilié du même lieu.
-X. Mathurin âgé de 21 né à Ergué-Gabéric le 16 avril 1839, célibataire, fils de Mathurin et de Marie Jeanne Tarridec.+H. Mathurin âgé de 21 né à Ergué-Gabéric le 16 avril 1839, célibataire, fils de Mathurin et de Marie Jeanne Tarridec.
Gendarmerie impériale Gendarmerie impériale
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Nous soussignés Michaut Nicolas, maréchal des logis chef de gendarmerie et Nédélec Pierre Jean, gendarme à cheval à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtu de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs, informés qu'une petite fille nommée Marie Anne B. demeurant chez ses parents à la Croix Rouge en la commune d'Ergué Gabéric, avait été l'objet d'un attentat mardi 30 octobre dernier, nous nous sommes transportés au domicile des époux B. père et mère de l'enfant dont il s'agit. Nous avons questionné ce malheureux enfant en y mettant autant que possible la réserve qu'il faut surtout avec un être aussi jeune, elle nous a dit être âgée de 7 ans seulement, puis elle nous a déclaré ce qu'il suit : Nous soussignés Michaut Nicolas, maréchal des logis chef de gendarmerie et Nédélec Pierre Jean, gendarme à cheval à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtu de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs, informés qu'une petite fille nommée Marie Anne B. demeurant chez ses parents à la Croix Rouge en la commune d'Ergué Gabéric, avait été l'objet d'un attentat mardi 30 octobre dernier, nous nous sommes transportés au domicile des époux B. père et mère de l'enfant dont il s'agit. Nous avons questionné ce malheureux enfant en y mettant autant que possible la réserve qu'il faut surtout avec un être aussi jeune, elle nous a dit être âgée de 7 ans seulement, puis elle nous a déclaré ce qu'il suit :
-<spoiler id="991" text="Mardi 30 octobre dernier vers 11 heures 1/2 du matin ...">Mardi 30 octobre dernier vers 11 heures 1/2 du matin j'étais à jouer sur le chemin à peu de distance d'ici, lorsque j'aperçus venant à moi, le ... X. Mathurin qui sortait d'un champ, à son arrivée il me demanda si je voulais aller avec lui dans le champ d'où il sortait. Je lui dis que je ne voulais pas, il me prit dans ses bras, traversa le chemin et me coucha sur le dos contre le talus du fossé, côté du champ, là il me releva mes jupes, déboutonna son pantalon et en sortit ce avec quoi il pisse et enfin me le mit dans le corps. Je voulais crier mais il m'avait mis dans l'impossibilité en me plaçant une de ses mains sur la bouche, après qu'il se fut retirer je me sentis mouillée, en s'en allant il me recommanda de ne parler à personne de ce qui venait de se passer.+<spoiler id="991" text="Mardi 30 octobre dernier vers 11 heures 1/2 du matin ...">Mardi 30 octobre dernier vers 11 heures 1/2 du matin j'étais à jouer sur le chemin à peu de distance d'ici, lorsque j'aperçus venant à moi, le dénommé H. Mathurin qui sortait d'un champ, à son arrivée il me demanda si je voulais aller avec lui dans le champ d'où il sortait. Je lui dis que je ne voulais pas, il me prit dans ses bras, traversa le chemin et me coucha sur le dos contre le talus du fossé, côté du champ, là il me releva mes jupes, déboutonna son pantalon et en sortit ce avec quoi il pisse et enfin me le mit dans le corps. Je voulais crier mais il m'avait mis dans l'impossibilité en me plaçant une de ses mains sur la bouche, après qu'il se fut retirer je me sentis mouillée, en s'en allant il me recommanda de ne parler à personne de ce qui venait de se passer.
Sur interpellation l'enfant répondit que l'individu ne lui avait pas fait mal. Sur interpellation l'enfant répondit que l'individu ne lui avait pas fait mal.
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Sur interpellation cette femme nous dit n'avoir point visitée sa petite pour ne point éveiller chez elle des idées fâcheuses, que du reste elle n'avait parue de tien ressentir. Sur notre demande elle nous a remise la chemise de l'enfant qu'elle portait au moment de l'attentat sur sa personne pour être déposée au greffe du tribunal pour servir de pièce de conviction. Sur interpellation cette femme nous dit n'avoir point visitée sa petite pour ne point éveiller chez elle des idées fâcheuses, que du reste elle n'avait parue de tien ressentir. Sur notre demande elle nous a remise la chemise de l'enfant qu'elle portait au moment de l'attentat sur sa personne pour être déposée au greffe du tribunal pour servir de pièce de conviction.
-Nous nous sommes alors rendus près de Mathurin X. demeurant au village de Penarmenez également en la commune d'Ergué-Gabéric, il nous a dit se nommer comme il est écrit ci-dessus, être âgé de 21 ans, né en cette dite commune, puis après quelques pourparlers au sujet du fait qu'on lui reproche, il nous a déclaré avec beaucoup de naïveté qu'il reconnaissait vraie la déclaration de la jeune Marie Anne B., le passage où elle dit <u>Et me le mit dans le corps</u>, ajoutant que le trou (expression qu'il a employée) était trop petit.+Nous nous sommes alors rendus près de Mathurin H. demeurant au village de Penarmenez également en la commune d'Ergué-Gabéric, il nous a dit se nommer comme il est écrit ci-dessus, être âgé de 21 ans, né en cette dite commune, puis après quelques pourparlers au sujet du fait qu'on lui reproche, il nous a déclaré avec beaucoup de naïveté qu'il reconnaissait vraie la déclaration de la jeune Marie Anne B., le passage où elle dit <u>Et me le mit dans le corps</u>, ajoutant que le trou (expression qu'il a employée) était trop petit.
-Des renseignements recueillis il résulte que jusqu'à ce jour X. s'est toujours bien comporté, aucune plainte n'est parvenue à notre connaissance.+Des renseignements recueillis il résulte que jusqu'à ce jour H. s'est toujours bien comporté, aucune plainte n'est parvenue à notre connaissance.
En foi de quoi nous avons rédigé le présent procès verbal en double expédition pour être adressé à M. le Procureur Impérial de Quimper et copie transmise à M. le chef d'escadron commandant la gendarmerie du finistère. En foi de quoi nous avons rédigé le présent procès verbal en double expédition pour être adressé à M. le Procureur Impérial de Quimper et copie transmise à M. le chef d'escadron commandant la gendarmerie du finistère.
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<big>Document du 7 novembre 1860</big> <big>Document du 7 novembre 1860</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-Du 7 septembre 1860. Interrogatoire de Mathurin X. inculpé de viol+Du 7 septembre 1860. Interrogatoire de Mathurin H. inculpé de viol
Le sept novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi. Le sept novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi.
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D. - Quels sont vos noms, prénoms, âge, profession, lieux de naissance et de domicile ? D. - Quels sont vos noms, prénoms, âge, profession, lieux de naissance et de domicile ?
-R. - Mathurin X., 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant à Pen-à Menez, en Ergué-Gabéric, célibataire, fils de Mathurin X. et de Marie Jeanne Tarredec, ne sachant ni lire ni écrire, ne possédant aucun bien, non repris de justice.+R. - Mathurin H., 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant à Pen-à Menez, en Ergué-Gabéric, célibataire, fils de Mathurin H et de Marie Jeanne Tarredec, ne sachant ni lire ni écrire, ne possédant aucun bien, non repris de justice.
D. - Le mardi trente octobre dernier, vers onze heures et demie du matin, à peu de distance du lieu de la Croix Rouge, en Ergué-Gabéric, avez-vous commis un viol, sur la personne de Marie Anne B., âgée de moins de onze ans ? D. - Le mardi trente octobre dernier, vers onze heures et demie du matin, à peu de distance du lieu de la Croix Rouge, en Ergué-Gabéric, avez-vous commis un viol, sur la personne de Marie Anne B., âgée de moins de onze ans ?
-<spoiler id="992" text="R. - Le jour dont il s'agit, j'ai été en effet près du fossé ...">R. - Le jour dont il s'agit, j'ai été en effet près du fossé qui borde la route de Kerdévot, pendant que mon domestique, Corentin Prévost, était allé boire au cabaret de la Croix Rouge, à deux cents pas environ, lorsque la jeune B. vint me trouver et se mit à jouer avec moi, et comme elle m'agaçait, je la pris dans mes bras, et la portai dans le champ voisin, où l'ayant mise sur le dos dans la douve du fossé, je lui relevai les juppes, me mis sur elle et j'approchai mon membre viril de sa partie sexuelle, mais sans l'introduire, car l'introduction n'était pas possible pour un enfant de son âge. J'ai été sur elle pendant environ cinq minutes. Elle sortit du champ avant moi, puis je suis allé au cabaret de sa mère chercher mon domestique que j'ai emmené aussitôt. Cette enfant n'a pas pleuré pendant les attouchements et que j'ai ..; sur sa personne et elle ne pleurait pas non plus quand elle est rentrée chez sa mère.+<spoiler id="992" text="R. - Le jour dont il s'agit, j'ai été en effet près du fossé ...">R. - Le jour dont il s'agit, j'ai été en effet près du fossé qui borde la route de Kerdévot, pendant que mon domestique, Corentin Prévost, était allé boire au cabaret de la Croix Rouge, à deux cents pas environ, lorsque la jeune B. vint me trouver et se mit à jouer avec moi, et comme elle m'agaçait, je la pris dans mes bras, et la portai dans le champ voisin, où l'ayant mise sur le dos dans la douve du fossé, je lui relevai les juppes, me mis sur elle et j'approchai mon membre viril de sa partie sexuelle, mais sans l'introduire, car l'introduction n'était pas possible pour un enfant de son âge. J'ai été sur elle pendant environ cinq minutes. Elle sortit du champ avant moi, puis je suis allé au cabaret de sa mère chercher mon domestique que j'ai emmené aussitôt. Cette enfant n'a pas pleuré pendant les attouchements et que j'ai commis sur sa personne et elle ne pleurait pas non plus quand elle est rentrée chez sa mère.
D. - Avant de transporter l'enfant dans le champ, n'avait-elle pas refusé d'y aller avec vous ? D. - Avant de transporter l'enfant dans le champ, n'avait-elle pas refusé d'y aller avec vous ?
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<big>Document du 9 novembre 1860 - 1er témoin</big> <big>Document du 9 novembre 1860 - 1er témoin</big>
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-9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin X. inculpé de viol. 1e témoin, Anne Kernévez femme B.+9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H. inculpé de viol. 1e témoin, Anne Kernévez femme B.
Le neuf novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après avoir prêté serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, a par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Anne Kernevez, femme B., 39 ans, aubergiste à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit : Le neuf novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après avoir prêté serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, a par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Anne Kernevez, femme B., 39 ans, aubergiste à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit :
-<spoiler id="994" text="Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin X., fils, ...">+<spoiler id="994" text="Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, ...">
-Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin X., fils, et Corentin Provost, garçon maréchal de X., père ... de la chapelle de Kerdévot, en cette comme d'Ergué-Gabéric, vers onze heures 1/2 du matin, ces deux hommes, en passant près de mon cabaret, se séparèrent, Provost rentra chez moi, malgré l'observation que lui fit X., fils, de ne pas s'arrêter, parce qu'ils avaient encore beaucoup de chemin à faire, X. passa outre, Provos se fit servir pour 10 centimes d'eau-de-vie, puis ensuite alluma sa pipe. Dans cet intervale j'avais envoyé mes deux plus petites filles dire à mon mari et à mon domestique qui tissaient dans une maison contigüe, de venir diner. Ceux-ci étant entrés avec les deux petites filles, je leur demandais ce qu'était devenue ma fille ainée ? Ils me répondirent : il n'y a qu'un instant qu'elle était là, sur la route, à surveiller le blé noir qui est à sècher, nous ne savons pas ce qu'elle est devenue. Je sortis aussitôt et l'appelai ; mais elle ne me répondit pas, après être revenue dans ma maison je ressortis presqu'aussitôt et je vis ma fille à une vingtaine de pas de ma maison, qui s'en revenait en pleurant. Je la rejoignis ... par quel pressentiment je lui ... aussitôt les vêtements ... sur la partie ..., à l'intérieur des taches de sperme, je lui demandais ce qui lui était arrivée, elle me répondit que le petit Mathurin l'avait emportée, de la route, dans le champ et s'était mis sur elle dans le fossé, je ne voulais pas faire d'autres questions à ma fille, et lui enjoignis de rentrer aussitôt. Je quittais mon tabac en courant à la recherche de Mathurin X. et au bout de quelques temps ne l'ayant pas trouvé, et pensant que peut-être il était allé chez moi chercher son domestique, je revins chez mon ..., comme je rentrai chez moi Mathurin X. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon ! (aussitôt qu'X était rentré chez moi il essuya de vifs reproches de la part de mon mari et d'autres hommes qui étaient à la maison parce que ma fille avait raconté ce qui lui était arrivée). Je dis à X. : vous allez venir avec moi chez le maire. Il me répondit : je n'irai pas, je n'oserai pas paraitre devant M. le maire, cependant j'insistai de ... avec moi et ma fille trouver ce magistrat, devant lequel il avoua de nouveau son crime et demanda pardon. M. le maire lui dit que je lui pardonnai, mais que la justice aurait son cours et je revins chez moi avec ma fille.+Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, et Corentin Provost, garçon maréchal de H., père, quettaient pour celui-ci, qui est bedeau de la chapelle de Kerdévot, en cette comme d'Ergué-Gabéric, vers onze heures 1/2 du matin, ces deux hommes, en passant près de mon cabaret, se séparèrent, Provost rentra chez moi, malgré l'observation que lui fit H., fils, de ne pas s'arrêter, parce qu'ils avaient encore beaucoup de chemin à faire, H. passa outre, Provost se fit servir pour 10 centimes d'eau-de-vie, puis ensuite alluma sa pipe. Dans cet intervale j'avais envoyé mes deux plus petites filles dire à mon mari et à mon domestique qui tissaient dans une maison contigüe, de venir diner. Ceux-ci étant entrés avec les deux petites filles, je leur demandais ce qu'était devenue ma fille ainée ? Ils me répondirent : il n'y a qu'un instant qu'elle était là, sur la route, à surveiller le blé noir qui est à sècher, nous ne savons pas ce qu'elle est devenue. Je sortis aussitôt et l'appelai ; mais elle ne me répondit pas, après être revenue dans ma maison je ressortis presqu'aussitôt et je vis ma fille à une vingtaine de pas de ma maison, qui s'en revenait en pleurant. Je la rejoignis ... par quel pressentiment je lui ... aussitôt les vêtements ... sur la partie ..., à l'intérieur des taches de sperme, je lui demandais ce qui lui était arrivée, elle me répondit que le petit Mathurin l'avait emportée, de la route, dans le champ et s'était mis sur elle dans le fossé, je ne voulais pas faire d'autres questions à ma fille, et lui enjoignis de rentrer aussitôt. Je quittais mon cabaret en courant à la recherche de Mathurin H. et au bout de quelques temps ne l'ayant pas trouvé, et pensant que peut-être il était allé chez moi chercher son domestique, je revins ..., comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon ! (aussitôt qu'H. était rentré chez moi il essuya de vifs reproches de la part de mon mari et d'autres hommes qui étaient à la maison parce que ma fille avait raconté ce qui lui était arrivée). Je dis à H. : vous allez venir avec moi chez le maire. Il me répondit : je n'irai pas, je n'oserai pas paraitre devant M. le maire, cependant j'insistai de ... avec moi et ma fille trouver ce magistrat, devant lequel il avoua de nouveau son crime et demanda pardon. M. le maire lui dit que je lui pardonnai, mais que la justice aurait son cours et je revins chez moi avec ma fille.
D. - Votre fille pleurait-elle réellement lorsque vous l'avez trouvée sur la route près de l'attentat ? D. - Votre fille pleurait-elle réellement lorsque vous l'avez trouvée sur la route près de l'attentat ?
-R. - Oui elle pleurait certainement quand je l'ai trouvée et qu'elle est rentrée dans la maison. Il est possible qu'en quittant le champ ma fille ne pleurait pas, par suite des menaces que lui avait faites X. en lui recommandant de n'en parler ni à son père, ni à sa mère.+R. - Oui elle pleurait certainement quand je l'ai trouvée et qu'elle est rentrée dans la maison. Il est possible qu'en quittant le champ ma fille ne pleurait pas, par suite des menaces que lui avait faites H. en lui recommandant de n'en parler ni à son père, ni à sa mère.
-Sur interpellation le témoin répondit que sa fille lui a dit que X. l'avait portée d'un côté de la route à l'autre, ... dessus la fille dans le champ, dans le fossé bord de la route à son à cet endroit est à cent pas environ de ceux ... son ... ma fille. +Sur interpellation le témoin répondit que sa fille lui a dit que H. l'avait portée d'un côté de la route à l'autre, ... dessus la fille dans le champ, dans le fossé bord de la route à son à cet endroit est à cent pas environ de ceux ... d'habitation, ma fille se nomme Marie Jeanne B..
(signatures) (signatures)
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<big>Document du 9 novembre 1860 - 2e témoin</big> <big>Document du 9 novembre 1860 - 2e témoin</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin X. inculpé de viol. 2e témoin, Marie Jeanne B.+9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H., inculpé de viol. 2e témoin, Marie Jeanne B.
Le neuf novembre mil huit cent soixante à 2 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Marie Jeanne B., 7 ans, sans profession, demeurant à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... ni domestique ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit sans prestation de serment : Le neuf novembre mil huit cent soixante à 2 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Marie Jeanne B., 7 ans, sans profession, demeurant à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... ni domestique ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit sans prestation de serment :
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Après lecture, a persisté, dit ne signer, nous signons avec l’interprète et le commis greffier, comme requis ... (trois signatures)</spoiler> Après lecture, a persisté, dit ne signer, nous signons avec l’interprète et le commis greffier, comme requis ... (trois signatures)</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
- +|width=4% valign=top align=justify|&nbsp;
 +|width=48% valign=top align=justify|
<big>Document du 9 novembre 1860 - 3e témoin</big> <big>Document du 9 novembre 1860 - 3e témoin</big>
{{Citation}} {{Citation}}
-9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin X. inculpé de viol. 3e témoin, Corentin Provost.+9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H. inculpé de viol. 3e témoin, Corentin Provost.
Le neuf novembre mil huit cent soixante à 3 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Corentin Provost, 7 45 ans, garçon maréchal à Penamenez en Ergué-Gabéric, au service du père de l'inculpé ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit : Le neuf novembre mil huit cent soixante à 3 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Corentin Provost, 7 45 ans, garçon maréchal à Penamenez en Ergué-Gabéric, au service du père de l'inculpé ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit :
-<spoiler id="996" text="Il y a huit jours, mardi dernier ...">Il y a huit jours, mardi dernier que je quetai avec Mathurin X., fils, pour son père, mon maitre, bedeau de la chapelle de Kerdévot, j'étais entré au cabaret de la Croix Rouge où X. avait refusé d'entrer avec moi, environ une demi-heure après la cabaretière, femme B., et sa fille arrivèrent pleurant l'une et l'autre, je n'ai point entendu sa fille dire ce qui lui était arrivée, ... effrayèrent , la femme B., quittant ses sabots à la porte me dit d'aller chercher Mathurin ; elle partit elle-même et comme j'allais par la route, Mzthurin arriva en pleurant, là la cabaretière le somme d'aller avec elle trouver le maire, elle fut avec sa fille et Mathurin chez le maire et je ne sais pas autre chose, si ce ... délegué ... du maire, qui n'est pas éloigné de la Croix Rouge, et ce magistrat était venu sur la route, je l'entendais faire des remontrances à Mathurin d'où je ... qu'il avait fait quelque chose de mal avec la petite fille, mais je ne sais pas ce qu'il avait fait.+<spoiler id="996" text="Il y a huit jours, mardi dernier ...">Il y a huit jours, mardi dernier que je quetai avec Mathurin H., fils, pour son père, mon maitre, bedeau de la chapelle de Kerdévot, j'étais entré au cabaret de la Croix Rouge où H. avait refusé d'entrer avec moi, environ une demi-heure après la cabaretière, femme B., et sa fille arrivèrent pleurant l'une et l'autre, je n'ai point entendu sa fille dire ce qui lui était arrivée, ... effrayèrent , la femme B., quittant ses sabots à la porte me dit d'aller chercher Mathurin ; elle partit elle-même et comme j'allais par la route, Mathurin arriva en pleurant, là la cabaretière le somme d'aller avec elle trouver le maire, elle fut avec sa fille et Mathurin chez le maire et je ne sais pas autre chose, si ce ... délegué ... du maire, qui n'est pas éloigné de la Croix Rouge, et ce magistrat était venu sur la route, je l'entendais faire des remontrances à Mathurin d'où je ... qu'il avait fait quelque chose de mal avec la petite fille, mais je ne sais pas ce qu'il avait fait.
Après ... sans requète de 2 francs. (trois signatures) Après ... sans requète de 2 francs. (trois signatures)
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Parquet. Cour Impériale de Rennes. Acte d'accusation. Parquet. Cour Impériale de Rennes. Acte d'accusation.
-Le Procureur Général près la Cour impériale de Rennes expose que, par arrêt en date du 22 novembre 1860, la Cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la Cour d'Assises du département du finistère pour y être jugé suivant la loi de Mathurin Laurent X. âgé de 21 ans, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant au même lieu arrondissement de Quimper, accusé d'attentat à la pudeur, crime prévu par l'article 332 du Code pénal. Déclare le Procureur Général que des pièces de l'instruction résultent les faits suivants :+Le Procureur Général près la Cour impériale de Rennes expose que, par arrêt en date du 22 novembre 1860, la Cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la Cour d'Assises du département du finistère pour y être jugé suivant la loi de Mathurin Laurent H. âgé de 21 ans, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant au même lieu arrondissement de Quimper, accusé d'attentat à la pudeur, crime prévu par l'article 332 du Code pénal. Déclare le Procureur Général que des pièces de l'instruction résultent les faits suivants :
<spoiler id="997" text="Le 30 octobre dernier, vers onze heures du matin ...">Le 30 octobre dernier, vers onze heures du matin, Marie Jeanne B., âgée de 7 ans, se trouvais à peu de distance du domicile de ses parents, lorsque l'inculpé l'aborda et, après lui avoir adressé quelques paroles, l'entraina malgré sa résistance dans un fossé, et se livra sur elle ... <spoiler id="997" text="Le 30 octobre dernier, vers onze heures du matin ...">Le 30 octobre dernier, vers onze heures du matin, Marie Jeanne B., âgée de 7 ans, se trouvais à peu de distance du domicile de ses parents, lorsque l'inculpé l'aborda et, après lui avoir adressé quelques paroles, l'entraina malgré sa résistance dans un fossé, et se livra sur elle ...
-L'enfant, dont les cris avaient été étouffés par la main de Mathurin X., s'empressa d'aller retrouver sa mère, et, sans ... en pleurant, l'attentat dont elle avait été victime et qu'attestaient l'état de son organe et les ... de sa chemise.+L'enfant, dont les cris avaient été étouffés par la main de Mathurin H, s'empressa d'aller retrouver sa mère, et, sans ... en pleurant, l'attentat dont elle avait été victime et qu'attestaient l'état de son organe et les ... de sa chemise.
-X. a, du reste, avoué son crime tout en prétextant qu'il n'avait pas eu recours à la violence.+H. a, du reste, avoué son crime tout en prétextant qu'il n'avait pas eu recours à la violence.
-En conséquence Mathurin Laurent X. est accusé d'avoir, le 30 octobre 1860, commis un attentat à la pudeur ... avec violence sur Marie Jeanne B., âgée de moins de 15 ans accomplis.+En conséquence Mathurin Laurent H. est accusé d'avoir, le 30 octobre 1860, commis un attentat à la pudeur ... avec violence sur Marie Jeanne B., âgée de moins de 15 ans accomplis.
Au Parquet 25 novembre 1860, le Procureur général impérial. (signature)</spoiler> Au Parquet 25 novembre 1860, le Procureur général impérial. (signature)</spoiler>
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<big>Document du 26 décembre 1860</big> <big>Document du 26 décembre 1860</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +Aujourd'hui vingt six du mois de décembre mil huit cent soixante.
 +
 +Nous Louis Eugène Voyer, chevalier de la légion d'honneur, président du tribunal civil de Quimper en l'absence du président de la Cour d'Assises du Finistère, averti que Mathurin H. mis en accusation par Arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour Impériale de Rennes ... et de suite nous avons fait amener devant nous, en la Chambre du Conseil dudit Tribunal de première Instance, 0 Quimper, le dit accusé, et l'avons interrogé ainsi qu'il suit, assisté de Me Auguste Cloarec, commis Greffier soussigné, et par l'organe du Sieur Jean-Marie Le Grignoux, instituteur, âgé de 40 ans, interprète de la langue bretonne, domicilié de Quimper, lequel a prêté entre nos mains le serment de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents.
 +
 +D. Quels sont les vos noms, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et demeure ?
 +
 +<spoiler id="998" text="Mathurin H., âgé de 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric ...">Mathurin H., âgé de 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric et y demeurant.
 +
 +D. - Avez-vous quelque chose à ajouter ou à changer aux explications que vous avez données à Mr le Juge d'Instruction de Quimper relativement au crime dont vous êtes accusé ?
 +
 +R. - Non.
 +
 +D. - Avez vous fait choix d'un conseil ?
 +
 +R. - Oui, j'ai choisi Mr Durest Le Bris, avocat à Quimper.
 +
 +... De tout quoi, nous avons dressé le présent Procès-Verbal duquel il a été donne lecture et explication, en breton, par l'Interprète au susdit accusé qui a dit persister dans ses Réponses à nos demandes et a déclaré ne savoir signer et avons signé avec le commis greffier et l'Interprète, lesdits jour, mois et an. Un mot rayé et nul (trois signatures).</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
<big>Document n° 1 du 9 janvier 1861</big> <big>Document n° 1 du 9 janvier 1861</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +Cour impériale de Rennes. Cours d'assises du département du Finistère. Audience du 9 janvier 1861. Déclaration du jury dans le procès criminel instruit contre H. Mathurin Laurent.
 +
 +1ère Question.
 +
 +H. Mathurin Laurent, accusé, est-il coupable d'avoir le 30 octobre 1860 commis un attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violence sur la personne de Marie Françoise B. ?
 +
 +Réponse. Oui à la majorité.
 +
 +<spoiler id="999" text="Question aggravante. 2eme Question ...">Question aggravante. 2eme Question.
 +
 +Lors de cet attentat, Marie Françoise B. était-elle âgée de moins de quinze ans accomplis
 +
 +Réponse. Oui à la majorité.
 +
 +Question subsidiaire posée d'office par le Président comme résultant des débats. 3eme Question.
 +
 +En tous cas, H. Mathurin Laurent, accusé, est-il coupable d'avoir le 30 octobre 1860 commis un attentat à la pudeur tenté ou consommé sans violence sur la personne de Marie Françoise B. alors âgée de moins de onze ans.
 +
 +Réponse. Oui à la majorité. Il y a des circonstance atténuantes.
 +
 +Un mot rayé nul. Quimper le 9 janvier 1861. Le chef du jury. (Signatures)
 +</spoiler>
{{FinCitation}} {{FinCitation}}
<big>Document n° 2 du 9 janvier 1861</big> <big>Document n° 2 du 9 janvier 1861</big>
{{Citation}} {{Citation}}
 +9 janvier 1861. L'an mil huit cent soixante et un, le 9 janvier à dix heures du matin.
 +
 +Monsieur Céran-Joseph Dupue, conseiller à la cour Impériale de Rennes, chevalier de la légion d'honneur, président de la cour d'assises du département du finistère, séant à Quimper, Monsieur Dévasten, juge suppléant faisant fonction de Procureur Impérial, et maitre Auguste Cloarec, commis greffier, se sont réunis dans l'une des salles du palais de justice à l'effet de procéder au tirage des jurés appelés à prononcer dans le procès criminel du nommé Corentin H. accusé d'attentat à la pudeur.
 +
 +<spoiler id="9910" text="Les jurés de la session ont été introduits dans la dite salle ...">Les jurés de la session ont été introduits dans la dite salle, ainsi que l'accusé libre assisté de maître Durest avocat conseil.
 +
 +Monsieur le Président a constaté l'identité de l'accusé.
 +
 +Le Greffier a fait l'appel des jurés non accusés et non dispensés. Le nom de chaque juré répondant à l'appel a été mis dans une urne et Monsieur le Président a fait connaître à l'accusé des droits de récusation qui lui étaient conférés, ainsi qu'au ministère public par les articles 399, 400 et 401 du code d'instruction criminelle. Aucune observation n'ayant eu lieu, Monsieur le Président a agité dans l'urne les trente quatre bulletins portant les noms des jurés présents, il a tiré au sort les noms des douze jurés devant former le jury de jugement.
 +
 +Par l'évènement du tirage, le jury a été composé de Messieurs :
 +{|width=100%
 +|width=50% valign=top|
 +1° Briot de la Maillerie
 +<br>2° Férigan
 +<br>3° Berthélémé
 +<br>4° Dundurand
 +<br>5° Pascal
 +<br>6° Treuttel
 +|width=50% valign=top|
 +7° Kersauson
 +<br>8°Stos
 +<br>9° Verrye
 +<br>10° Hignard
 +<br>11° De Parcevaux
 +<br>12° De Coatgourédan
 +|}
 +
 +Le tableau du jury étant ainsi fermé, Monsieur le Président a ordonné que les débats de cette affaire commenceront immédiatement.
 +
 +Etant signé, Monsieur le Président, Monsieur Perrotin juge suppléant faisant fonction de Procureur Impérial et le Greffier (signatures).
 +
 +Et le dit jour
 +
 +Monsieur Céran-Joseph Dupuy, conseiller à la Cour Impériale de Rennes, Chevalier de la légion d'honneur, président de la dite Cour d'Assises, Messieurs Turin et Dorn juges au tribunal de première instance, séant à Quimper, Monsieur Perrotin juge suppléant faisant fonction de Procureur Impérial et Maitre Auguste Cloarec, commis greffier ... dans la salle d'audience de la cour d'Asssises, où était présent l'accusé libre et assisté de son avocat, les douze jurés dénommés d'autre part, se sont placés dans l'ordre désigné par le sort, sur des sièges séparés du public, des témoins du Ministère public et en face de l'accusé, l'audience étant publique et les portes de l'auditoire étant ouvertes, il a été procédé comme suit :
 +
 +Sur les interpellations à lui faites par Monsieur le Président, l'accusé a répondu se nommer Mathurin Laurent H. , âgé de vingt deux ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric et y demeurant.
 +
 +Monsieur le Président a rappelé au défenseur les dispositions de l'article 311 du code d'instruction criminelle, il lu aux jurésdebout t découverts sa formule du serment contenu dans l'article 312 du même code, chacun des douze jurés successivement individuellement appelé par Monsieur le Président, a répondu en levant la main : Je le jure.
 +
 +Monsieur le Président a prévenu l'accusé d'être attentif à ce qu'il aller entendre lire et le greffier a lu à haute voix l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation.
 +
 +Après cette lecture Monsieur le Président a rapporté à l'accusé ce qui est contenu dans cet acte d'accusation et lui a dit : voilà ce quoi vous êtes accusé pour aller entendre les charges qui seront produites contre vous.
 +
 +Le greffier a lu à haute voix la liste des témoins assignés qui sont au nombre de quatre, et ils ont été conduits dans une chambre séparée de l'auditoire.
 +
 +Ayant été ensuite successivement appelés à leur chambre, ils ont été introduits dans l'auditoire, où ils ont été entendus oralement et séparément l'un de l'autre après avoir prêté le serment ordonné par l'article 317 du code d'instruction criminelle et actes faits aux autres conditions prescrites par le dit article.
 +
 +Après chaque déposition de témoin, Monsieur le Président a exécuté à son égard, ainsi qu'à celui de l'accusé et de son conseil, les dispositions de l'article 319 du même code.
 +
 +Tous les premiers ..., Monsieur Perrotin juge suppléant faisant fonction de Procureur Impérial a développé ces échanges qui appuient l'accusation et le défenseur présenté les moyens de défense de l'accusé. Celui-ci sur les interpellations à lui faite par Monsieur le Président a aussi été entendu et le dernier.
 +
 +Monsieur le Président a prononcé que les débats étaient terminés, il a résumé l'affaire, conformément au vœu de l'article 336 du code d'instruction criminelle, et a posé les questions conformes aux ... l'acte d'accusation, il lui a lues à haute voix et les a remises aux jurés avec le dit acte d'accusation, il les a lus à hautes voix et les a remises aux jurés avec le dit acte d'accusation et les autres pièces du procès autres que les déclarations écrites des témoins, il a rappelé aux jurés et leur a expliqué toutes les dispositions des articles 341, 34 du code d'instruction criminelle, modifiés par la loi du 9 juin 1853.
 +
 +Les douze jurés sont entrés dans leur chambre et Monsieur le Président après avoir donné l'ordre prescrit par l'article 343 du code d'instruction criminelle a fait retirer l'accusé de l'auditoire.
 +
 +Les douze jurés étant rentrés dans l'auditoire y ayant repris leur place et l'audience étant toujours publique, le chef du jury sur la demande à lui faite par Monsieur le Président et après avoir rempli les formalités exigées par l'article 348 du dit code a lu les déclarations du jury, cette déclaration signée par le chef du jury et par lui remise à Monsieur le Président en présence des onze autres jurés. De suite été signée par Monsieur le Président et par le greffier.
 +
 +Monsieur le Président a fait comparaître l'accusé et le greffier a lu à haute voix, en sa présence, la déclaration du jury.
 +
 +Monsieur Perrotin juge suppléant faisant office de Procureur Impérial, a requis l'application de la loi pénale.
 +
 +Monsieur le Président a demandé à l'accusé et à son conseil, s'ils avaient quelques observations à ajouter sur les dites réquisitions.</spoiler>
 +La cour, après avoir délibéré, Monsieur le Président a lu le texte de la loi, il a prononcé à H. Corentin qu'il est condamné à la peine de deux années d'emprisonnement par corps aux frais de la procédure et immédiatement il a prévenu le condamné qu'il avait trois jours francs à partir du présent pour se pourvoir en cassation de l'arrêt.
 +
 +Pendant le tirage du jury et le cours des débats, le sieur Jean-Marie Le Grignoux, âgé de quarante ans, demeurant à Quimper, que Monsieur le Président a nommé d'office pour interprète de la langue bretonne, après avoir prêté le serment voulu par la loi, a prêté son ministère toutes les fois qu'il a été utile.
 +
 +De tout ce que dessus, il a été dressé le présent procès-verbal.
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|width=48% valign=top|Lieu de conservation : |width=48% valign=top|Lieu de conservation :
*Archives Départementales du Finistère *Archives Départementales du Finistère
-*Série 4U, Quimper+*Série 4U2, Quimper
<gallery caption="Premiers documents - Nov. 1860" perrow=3> <gallery caption="Premiers documents - Nov. 1860" perrow=3>
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Reférence, droit d'image : Reférence, droit d'image :
-*Cote 4 U 168+*Cote 4 U 2 / 168
*Usage privé et restreint. *Usage privé et restreint.
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§ E.D.F.
L'affaire de mœurs d'un dénommé Mathurin H. détaillée par la transcription du dossier de procès de cours d'assises conservé aux Archives Départementales du Finistère (4U2/168).

Le titre de l'article est inspiré de l'ouvrage inédit de recherche d'Isabelle Le Boulanger publié en avril 2015 aux Presses Universitaires de Rennes : « Enfance bafouée. La société rurale bretonne face aux abus sexuels du XIXe siècle », dans lequel sont passés au peigne fin 349 dossiers de procédures.

Parmi celles-ci l'affaire de Mathurin H., âgé de 21 ans en 1860, maréchal-ferrant, violeur repentant, condamné à « la peine de deux années d'emprisonnement par corps ».

En savoir plus : « LE BOULANGER Isabelle - Enfance bafouée » ¤ « 1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre » ¤ « LE DOUGET Annick - Violence au village » ¤ « LE DOUGET Annick - La peine de mort en Bretagne » ¤ « LE DOUGET Annick - Crime et justice en Bretagne » ¤ « Croix Rouge, ar Groaz Ru » ¤ « BOLLORÉ Jean-René - De la métrorrhagie après les accouchements » ¤ 

[modifier] 1 Présentation

À la lecture du dossier de l'affaire « Mathurin », on a l'impression de découvrir une véritable pièce de théâtre d'une époque heureusement révolue où ce qu'on appelait « attentat à la pudeur » serait aujourd'hui qualifié de pédophilie. Pour protéger les éventuels descendants, nous n'avons pas transcrit les noms de la victime et de son violeur.

Les personnages de la scène de viol et du procès :

  • La victime Marie Anne B. (prénommée aussi Marie Jeanne ou Marie Françoise dans certains actes), âgée de 7 ans, habitant chez ses parents à la Croix Rouge, sa mère étant cabaretière, et son père tailleur d'habit.
  • Le jeune violeur Mathurin H. (prénommé Corentin sur l'acte d'accusation), âgé de 21 ans, travaillant à Kerdévot chez son père comme maréchal (ou « taillandier » [1] comme était déclaré ce dernier dans le recensement de 1836).
  • Corentin Provost le commis maréchal-ferrant accompagnant le fils de son patron, cité comme témoin.
  • Le maire, Michel Feunteun, habitant le village voisin de Congallic, immédiatement consulté après les faits.
  • Le docteur en mèdecine René Bolloré (qui quelques années plus tard prendra la direction de la papeterie d'Odet) qui est appelé à « visiter » la petite fille et à faire son rapport pour le procès.
  • Les agents publics de la gendarmerie et de la justice, notamment l'instituteur Jean-Marie Le Grignoux, « interprète de la langue bretonne » mandaté par le juge pour interviewer les acteurs et acteurs de l'agression.

Le scénario et les circonstances relatées décrivent un univers un peu sombre et surprenant :

  • Ruralité : la scène se passe dans un univers marqué par une activité agricole dominante et des métiers d'artisans (maréchal, tailleur d'habit, cabaretière). Ce mardi-là de fin octobre, la petite fille qui n'est pas à l'école (ses frères plus âgés y sont), surveille « le blé noir qui est à sècher » devant la maison familiale.
  • Langue : la langue parlée est le breton et la population ne comprend, ni ne parle le français. Pour tous les interrogatoires la justice passe par un « interprète de la langue bretonne, domicilié de Quimper, lequel a prêté entre nos mains le serment de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents ».
  • Religion : l'inculpé est occupé à faire la quête pour le compte de son père qui est « bedeau  », c'est-à-dire fabricien [2], de la chapelle de Kerdévot. Lorsqu'il doit avouer son crime, il confesse sa faute  : « comme je rentrai chez moi Mathurin H. en sortait, pleurant et se lamentant. Je lui ai dit : qu'avez-vous fait ? Il me répondit par ces mots : pardon ! pardon ! ».
 
  • Protection maternelle : comme l'a noté Isabelle Le Boulanger dans son livre, devant les pleurs de sa fille, sa mère est attentive aux effets psychologiques, mais ne cherche pas à savoir s'il y a eu pénétration et déchirure de l'hymen. Elle dit au gendarme « n'avoir point visitée sa petite pour ne point éveiller chez elle des idées fâcheuses, que du reste elle n'avait parue de tien ressentir.  »
  • Médecine : un médecin est dépêché chez la victime sept jours après les faits. Il se trouve que ce docteur en mèdecine n'est autre que Jean-René Bolloré, qui n'a pas encore pris la succession de son oncle papetier à Odet. Il connait bien son sujet car il a présenté en 1850 une thèse intitulée « De la métrorrhagie après les accouchements ». En 1860 sa conclusion est la suivante : « De ses observations on peut conclure qu'une tentative d'introduction d'un corps étranger (membre viril, doigt etc) dans la partie sexuelle de la fille B. ait eu lieu ».
  • Justice : on peut être surpris de la façon dont les interrogatoires insistent sur le fait que « l'enfant répondit que l'individu ne lui avait pas fait mal.  », les faits étant par ailleurs : « il me releva mes jupes, déboutonna son pantalon et en sortit ce avec quoi il pisse et enfin me le mit dans le corps ». La sentence finale est une «  peine de deux années d'emprisonnement par corps », avec dans le délibéré des jurés une mention de « circonstances atténuantes », sans doute pour son repenti.

[modifier] 2 Transcriptions

Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher

Dossier

Cour impériale de Rennes. Département du Finistère. Arrondissement de Quimper. Le ministère public contre Mathurin H., prévenu d'Attentat à la Pudeur.

Chambre d'accusation.
Entré au Parquet du 19 novembre 1860.
Substitut-Rapporteur M. dle Kerbertin
Arrêt de la Cour du 22 septembre

Cour d'Assises.
Président des Assises, M. le Conseiller J.D.Y.
Ministère public, M. Georges Jehuléant, et Perrotin (Y)

Document du 5 novembre 1860

5e légion. Compagnie du Finistère. Arrondissement de Quimper. No de la brigade : 276. Du 5 novembre 1860.

Procès-verbal constatant tentative de viol commis sur la nommée B. Marie Anne âgée de 7 ans, demeurant à la Croix Rouge commune d'Ergué-Gabéric par le ... H. Mathurin né et domicilié du même lieu.

H. Mathurin âgé de 21 né à Ergué-Gabéric le 16 avril 1839, célibataire, fils de Mathurin et de Marie Jeanne Tarridec.

Gendarmerie impériale

Ce jourd'hui cinq novembre mil huit cent soixante à une heure et demie de soir.

Nous soussignés Michaut Nicolas, maréchal des logis chef de gendarmerie et Nédélec Pierre Jean, gendarme à cheval à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtu de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs, informés qu'une petite fille nommée Marie Anne B. demeurant chez ses parents à la Croix Rouge en la commune d'Ergué Gabéric, avait été l'objet d'un attentat mardi 30 octobre dernier, nous nous sommes transportés au domicile des époux B. père et mère de l'enfant dont il s'agit. Nous avons questionné ce malheureux enfant en y mettant autant que possible la réserve qu'il faut surtout avec un être aussi jeune, elle nous a dit être âgée de 7 ans seulement, puis elle nous a déclaré ce qu'il suit :

§ Mardi 30 octobre dernier vers 11 heures 1/2 du matin ...

Document du 7 novembre 1860

Du 7 septembre 1860. Interrogatoire de Mathurin H. inculpé de viol

Le sept novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi. Devant nous Juge d'Instruction de première instance de Quimper (Quimper) assisté de Me Eugène Deplanqué, commis greffier,

Est présent en notre chambre d'instruction volontairement l'individu ci-après désigné, à l'interrogatoire duquel nous avons procédé comme suit, par l'organe du sieur Jean Le Grignoux, âgé de 40 ans, interprète de la langue bretonne, demeurant à Quimper, lequel a prêté le serment voulu par la loi :

D. - Quels sont vos noms, prénoms, âge, profession, lieux de naissance et de domicile ?

R. - Mathurin H., 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant à Pen-à Menez, en Ergué-Gabéric, célibataire, fils de Mathurin H et de Marie Jeanne Tarredec, ne sachant ni lire ni écrire, ne possédant aucun bien, non repris de justice.

D. - Le mardi trente octobre dernier, vers onze heures et demie du matin, à peu de distance du lieu de la Croix Rouge, en Ergué-Gabéric, avez-vous commis un viol, sur la personne de Marie Anne B., âgée de moins de onze ans ?

§ R. - Le jour dont il s'agit, j'ai été en effet près du fossé ...

Document du 7 novembre 1860

Nous soussigné, docteur en médecine, sur la réquisition de monsieur le juge d'instruction de l'arrondissement de Quimper, nous sommes transporté, le 7 novembre, à la Croix Rouge (commune d'Ergué-Gabéric), à l'effet de visiter la fille B., Marianne, âgée de 7 ans, qui aurait été victime d'un viol, le 30 octobre dernier.

§ Après avoir prêté le serment exigé ...

Document du 9 novembre 1860 - 1er témoin

9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H. inculpé de viol. 1e témoin, Anne Kernévez femme B.

Le neuf novembre mil huit cent soixante à une heure 1/2 de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après avoir prêté serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, a par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Anne Kernevez, femme B., 39 ans, aubergiste à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit :

§ Ce mardi 30 octobre dernier, Mathurin H., fils, ...

Document du 9 novembre 1860 - 2e témoin

9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H., inculpé de viol. 2e témoin, Marie Jeanne B.

Le neuf novembre mil huit cent soixante à 2 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Marie Jeanne B., 7 ans, sans profession, demeurant à la Croix Rouge en Ergué-Gabéric, ... ni domestique ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit sans prestation de serment :

§ Un mardi, il n'y a pas longtemps, un peu avant midi ...

 

Document du 9 novembre 1860 - 3e témoin

9 novembre 1860. Déposition dans l'instruction contre Mathurin H. inculpé de viol. 3e témoin, Corentin Provost.

Le neuf novembre mil huit cent soixante à 3 heures de l'après-midi. Devant nous Jean Tameren, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Me E Deplanque commis greffier et du sieur Jean Le Grignoux âgé de 40 ans, Interprète de la langue bretonne qui a prêté le serment voulu par la loi, s'est présenté en notre Chambre d'Instruction le témoin ci-après lequel nous a représenté la copie de citation à lui donnée par le Bonnaire huissier à Quimper et après par l'organe de l'interprète déclaré sur notre demande se nommer Corentin Provost, 7 45 ans, garçon maréchal à Penamenez en Ergué-Gabéric, au service du père de l'inculpé ... et dépose séparément hors la présence du prévenu comme suit :

§ Il y a huit jours, mardi dernier ...

Document du 13 novembre 1860

Nous soussigné, docteur en mèdecine, sur la réquisition de monsieur le Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper, nous sommes transporté, le 22 novembre, au palais de justice, à l'effet d'examiner une chemise d'enfant, déposée au greffe, comme pièce de conviction, afin de savoir si elle porte des traces de sperme et de sang.

Après avoir prêté le serment exigé par la loi, on nous a montré une chemise en toile, tellement imprégnée d'urine qu'il nous a été impossible d'y reconnaître des taches spermatiques.

Quant au sang, il n'en existe aucun indice sur le linge soumis à notre examen.

Quimper, le 13 novembre 1860, Dr R. Bolloré.

Document du 25 novembre 1860

Parquet. Cour Impériale de Rennes. Acte d'accusation.

Le Procureur Général près la Cour impériale de Rennes expose que, par arrêt en date du 22 novembre 1860, la Cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la Cour d'Assises du département du finistère pour y être jugé suivant la loi de Mathurin Laurent H. âgé de 21 ans, né à Ergué-Gabéric le 6 avril 1839, demeurant au même lieu arrondissement de Quimper, accusé d'attentat à la pudeur, crime prévu par l'article 332 du Code pénal. Déclare le Procureur Général que des pièces de l'instruction résultent les faits suivants :

§ Le 30 octobre dernier, vers onze heures du matin ...

Document du 26 décembre 1860

Aujourd'hui vingt six du mois de décembre mil huit cent soixante.

Nous Louis Eugène Voyer, chevalier de la légion d'honneur, président du tribunal civil de Quimper en l'absence du président de la Cour d'Assises du Finistère, averti que Mathurin H. mis en accusation par Arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour Impériale de Rennes ... et de suite nous avons fait amener devant nous, en la Chambre du Conseil dudit Tribunal de première Instance, 0 Quimper, le dit accusé, et l'avons interrogé ainsi qu'il suit, assisté de Me Auguste Cloarec, commis Greffier soussigné, et par l'organe du Sieur Jean-Marie Le Grignoux, instituteur, âgé de 40 ans, interprète de la langue bretonne, domicilié de Quimper, lequel a prêté entre nos mains le serment de traduire fidèlement les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages différents.

D. Quels sont les vos noms, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et demeure ?

§ Mathurin H., âgé de 21 ans, maréchal, né à Ergué-Gabéric ...

Document n° 1 du 9 janvier 1861

Cour impériale de Rennes. Cours d'assises du département du Finistère. Audience du 9 janvier 1861. Déclaration du jury dans le procès criminel instruit contre H. Mathurin Laurent.

1ère Question.

H. Mathurin Laurent, accusé, est-il coupable d'avoir le 30 octobre 1860 commis un attentat à la pudeur consommé ou tenté avec violence sur la personne de Marie Françoise B. ?

Réponse. Oui à la majorité.

§ Question aggravante. 2eme Question ...

Document n° 2 du 9 janvier 1861

9 janvier 1861. L'an mil huit cent soixante et un, le 9 janvier à dix heures du matin.

Monsieur Céran-Joseph Dupue, conseiller à la cour Impériale de Rennes, chevalier de la légion d'honneur, président de la cour d'assises du département du finistère, séant à Quimper, Monsieur Dévasten, juge suppléant faisant fonction de Procureur Impérial, et maitre Auguste Cloarec, commis greffier, se sont réunis dans l'une des salles du palais de justice à l'effet de procéder au tirage des jurés appelés à prononcer dans le procès criminel du nommé Corentin H. accusé d'attentat à la pudeur.

§ Les jurés de la session ont été introduits dans la dite salle ...

La cour, après avoir délibéré, Monsieur le Président a lu le texte de la loi, il a prononcé à H. Corentin qu'il est condamné à la peine de deux années d'emprisonnement par corps aux frais de la procédure et immédiatement il a prévenu le condamné qu'il avait trois jours francs à partir du présent pour se pourvoir en cassation de l'arrêt.

Pendant le tirage du jury et le cours des débats, le sieur Jean-Marie Le Grignoux, âgé de quarante ans, demeurant à Quimper, que Monsieur le Président a nommé d'office pour interprète de la langue bretonne, après avoir prêté le serment voulu par la loi, a prêté son ministère toutes les fois qu'il a été utile.

De tout ce que dessus, il a été dressé le présent procès-verbal.

[modifier] 3 Originaux

Lieu de conservation :
  • Archives Départementales du Finistère
  • Série 4U2, Quimper
 

Reférence, droit d'image :

  • Cote 4 U 2 / 168
  • Usage privé et restreint.

[modifier] 4 Annotations

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  1. Taillandier, s.m. : artisan, ouvrier qui fabrique les outils et instruments tranchants en fer utilisés dans certains corps de métiers (agriculture, menuiserie, marbrerie, etc.). Source : TLFi. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
  2. Fabrique, s.f. : désigne, avant la loi de séparation de l'église et de l'état, tantôt l'ensemble des biens affectés à l'entretien du culte catholique, tantôt le corps politique spécial chargé de l'administration de ces biens, ce au niveau de l'église paroissiale ou d'une chapelle. Les paroissiens trésoriers membres de ce corps étaient les « fabriciens », les « marguilliers » ou plus simplement jusqu'au 18e siècle les « fabriques » (s.m.). Les fabriques sont supprimées par la loi du 9 décembre 1905 et remplacées par des associations de fidèles. Source : site Internet restarhorniou. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Novembre 2015    Dernière modification : 16.08.2020    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]