1776 - Escroquerie du franc-maçon Jean-Corentin Bréhier, une affaire sous Louis XVI
Un article de GrandTerrier.
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Il en est de même pour les documents conservés aux Archives Nationales et au département des Manuscrits à la BnF, mais en y regardant de plus près on croit pouvoir identifier qui a fait quoi. | Il en est de même pour les documents conservés aux Archives Nationales et au département des Manuscrits à la BnF, mais en y regardant de plus près on croit pouvoir identifier qui a fait quoi. | ||
- | Rappel du contexte ... | + | C'est bien de la loge « <i>L'heureuse maçonne</i> » de Quimper que le scandale a éclaté : « <i>un membre de cette même loge vient d'abuser de la maçonnerie pour faire de fausses lettres de change qu'il tiroit sur le Grand Orient au profit de paysans grossiers et crédules qui lui donnoient une somme modique pour en obtenir une plus considérable dans un tems limité</i> » |
- | Conen de Saint-Luc <ref name="ConendeSaintLuc">{{PR-ConendeSaintLuc}}</ref> | + | Cela n'a pas échappé à l'évêque Toussaint Conen de Saint-Luc <ref name="ConendeSaintLuc">{{PR-ConendeSaintLuc}}</ref> qui, lors de deux missions ou prédications <ref name="Mission">{{K-Mission}}</ref>, l'une en langue bretonne, l'autre en française, organisées le 6 juin 1776 dans la cathédrale de Quimper, dénonce les déviances d'une « <i>certaine association qui contre l'intention, sans doute, de ceux qui s'y sont enrôlés, ne tend à rien moins qu'à conduire au déisme et au libertinage</i> ». |
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+ | Et il précise les agissements d'un « <i>particulier franc maçon qui a effectivement surpris la douce foi des hommes simples en leur faisant payer des sommes considérables pour les aggréger à la franc maçonnerie, quoique nous ne l'ayons désigné en aucune manière, ne le connaissant pas même de nom et quoique le procureur du Roy eut pleine connoissance des manœuvres de ce jeune homme, qu'il eut vu les billets qu'il avoit donné et qu'il eut cherché à le faire évader.</i> » | ||
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<center><small>Sceaux de la Loge « La parfaite union », version simplifiée à droite</small></center> | <center><small>Sceaux de la Loge « La parfaite union », version simplifiée à droite</small></center> | ||
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+ | Le procureur du Roi à Quimper, président du tribunal ou présidial <ref name="Présidial">{{K-Présidial}}</ref> local, ... | ||
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+ | Depuis 1774 lutte des deux loges concurrentes ... | ||
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+ | Adhésions des Bréhier à « <i>La Parfaite Union</i> »... | ||
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- | <big>Lettre de « L'heureuse maçonne » à Pingré du 25 mars 1774</big> | + | <big>« L'heureuse maçonne » au député du 25 mars 1774</big> |
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- | <big>Lettre de Pingré du 25 mai 1774</big> | + | <big>Lettre du député de Grand Orient du 25 mai 1774</big> |
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Plusieurs mois se sont ensuite écoulés sans que j'aie entendu parler de la L:. de l'Heureuse Maçonne. Il y a deux ou trois mois que le L.: de la Parfaite Union s'est mise en règle, en demandant à être reconstituée. J'ai été nommé pour examiner cette requête et en faire le rapport à l'atelier. Ne soupçonnant pas qu'il y eut deux l.: à Quimper, je me persuadai facilement que celle là étoit la même qui m'avoit fait offrir quelques mois auparavant le titre de son député. Je procédai aux informations, j'écrivis à la l: de l'Heureuse Rencontre de Brest, j'en reçus un témoignage très favorable à celle de la Parfaite Union, je n'écrivis point à la l:. de l'Heureuse Maçonne, je ne soupçonnois [p.2] pas même, comme je l'ait dit, l'existence d'une seconde l.: à Quimper. J'avois aussi écrit à la l:. de St Louis au Régiment de Guienne, que je savois être en correspondance avec la loge (c'est-à-dire, avec une loge) de Quimper. Le fr:. Moreau vénérable de la l:. de St Louis me répondit que sa l:. connoissoit peu celle de la Parfaite Union, et qu'elle ne la connoissoit au reste que par de bons endroits, qu'il existoit une autre l:. à Quimper sous le titre de l'Heureuse Maçonne, avec laquelle celle de St Louis avoit toujours été en correspondance très intime, et de laquelle il n'étoit pas possible de dire trop de bien. La réponse du fr:. Moreau est restée jointe à la liasse de la l:. de la Parfaite Union. Je fis rapport du tout à l'atelier qui ordonna la délivrance des constits. à la l:. de la Parfaite Union sans consulter la l: de l'Heureuse Maçonne, qui ne s'étoit pas mise en règle. | Plusieurs mois se sont ensuite écoulés sans que j'aie entendu parler de la L:. de l'Heureuse Maçonne. Il y a deux ou trois mois que le L.: de la Parfaite Union s'est mise en règle, en demandant à être reconstituée. J'ai été nommé pour examiner cette requête et en faire le rapport à l'atelier. Ne soupçonnant pas qu'il y eut deux l.: à Quimper, je me persuadai facilement que celle là étoit la même qui m'avoit fait offrir quelques mois auparavant le titre de son député. Je procédai aux informations, j'écrivis à la l: de l'Heureuse Rencontre de Brest, j'en reçus un témoignage très favorable à celle de la Parfaite Union, je n'écrivis point à la l:. de l'Heureuse Maçonne, je ne soupçonnois [p.2] pas même, comme je l'ait dit, l'existence d'une seconde l.: à Quimper. J'avois aussi écrit à la l:. de St Louis au Régiment de Guienne, que je savois être en correspondance avec la loge (c'est-à-dire, avec une loge) de Quimper. Le fr:. Moreau vénérable de la l:. de St Louis me répondit que sa l:. connoissoit peu celle de la Parfaite Union, et qu'elle ne la connoissoit au reste que par de bons endroits, qu'il existoit une autre l:. à Quimper sous le titre de l'Heureuse Maçonne, avec laquelle celle de St Louis avoit toujours été en correspondance très intime, et de laquelle il n'étoit pas possible de dire trop de bien. La réponse du fr:. Moreau est restée jointe à la liasse de la l:. de la Parfaite Union. Je fis rapport du tout à l'atelier qui ordonna la délivrance des constits. à la l:. de la Parfaite Union sans consulter la l: de l'Heureuse Maçonne, qui ne s'étoit pas mise en règle. | ||
- | <spoiler id="997" text="Cela était à peine arrêté ...">Cela était à peine arrêté, que je reçus une lettre de la l:. de l'Heureuse Maçonne ; elle se plaignait fort de son député le fr:. de Basseville qui avoit négligé de répondre à mille lettres qui lui avoient été écrites ... | + | <spoiler id="997" text="Cela était à peine arrêté ...">Cela était à peine arrêté, que je reçus une lettre de la l:. de l'Heureuse Maçonne ; elle se plaignait fort de son député le fr:. de Basseville qui avoit négligé de répondre à mille lettres qui lui avoient été écrites, soit à Paris, soit depuis son retour à Quimperlé sa patrie. On me rappelait la parole que j'avois donnée d'accepter le titre de député de la l:. et témoignoit la plus ferme intention d'entretenir une correspondance exacte avec le grand Orient. On se plaignoit d'un autre côté de n'avoir reçu aucune des planches à tracer que le Gr:. Or:. avoit envoyées à tous les autres Or:. de province et nommément à celui de la Parfaite union. Je leur indiquai la marche qu'ils devoient suivre, ils l'ont suivie ; vous en avez les preuves en main, très R:fr.:. Je leur ai mandé entre autre qu'on consulteroit la l:. de la Parfaite Union, et c'est ce qui leur déploit fort. <u>Depuis quand</u>, demandent-ils, <u>s'addresse-t-on à une fille, pour lui demander un certificat ou une déclaration que sa mère n'est point entachée ?</u> Ils voudroient qu'on put les dispense de <u>cette humiliation</u> |
- | </spoiler> | + | [p.3] et que le Grand Or:. voulut s'addresser à tout autre Orient de province. Le Vénérable fr:. abbé Rozier ne voit cependant pas qu'on puisse se dispenser de consulter la l:. de la Parfaite union, déjà reconstituée. ... pas le faire d'une manière qui ne choquât point le sensibilité dela mère ? c4est, tr:. Resp:. fr:. ce que je laisse à votre prudence. Il est à remarquer que ceux de l'Heureuse Maçonne ne redoutent point le témoignagz de l'autre l:. Je joins ici les adresses des l:. de Bretagne qui ont pu parvenir à ma connaissance. Je suppose cependant que vous n'écrirez pas à toutes. Si vous prenez le parti d'écrire à la Parfaite Union de Quimper, et que la réponse soit favorable, je ne vois pas que d'autres informations puissent servir. |
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+ | La l:. de la Parfaite Union de Quimper, A M. l'Abbé Reynand, chanoine. | ||
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+ | La l:. de l'Heureuse Rencontre de Brest. A M. Daucry receveur général des fermes du Roi. | ||
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+ | La l:. de St Louis du Régiment de Guyenne. A M. Moreau, fourier audit Régiment, à Lille, en Flandres. | ||
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+ | La l:. de l’Étoile des Maçons à Guingamp. M. Cocquillon, négociant. | ||
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+ | La l:. de la Vertu triomphante à St Brieuc. M. le Saulnier le jeune, négociant. | ||
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+ | La l:. de la nouvelle union à Rennes. M. le Miere, maitre de musique. | ||
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+ | J'ai l'avantage d'être par tous les n:. m:. à vous connus, très resp:. fr.:. | ||
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+ | Votre très ... et ... ob. serv. et aff. fr:. (signature Pingré) | ||
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+ | J'étais hier à la campagne, je n'ai pu répondre qu'aujourd'hui. | ||
+ | ... </spoiler> | ||
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Version du 21 décembre ~ kerzu 2017 à 09:08
| Une affaire qui fit beaucoup de bruit à l'époque : un franc-maçon accusé d'escroquerie, un évêque de Cornouaille [1] qui dénonce une association tendant « au déisme et au libertinage », deux loges locales qui se battent pour obtenir la protection du Grand Orient, un tribunal au président franc-maçon qui s'insurge comme l'évêque, une escalade auprès des instances nationales du clergé d'une part et du ministre garde des sceaux d'autre part.
Cet affaire a été évoquée par la grande enquête de Bruno Le Gall et Jean-Paul Péron sur les francs-maçons de Quimper, parue dans les bulletins 2010 et 2011 de la Société Archéologique du Finistère, et par un article « Une affaire maçonnique sous Louis XVI » de Pierre Chevallier dans la Revue d'histoire moderne et contemporaine de septembre 1955. La collecte des documents des Archives Nationales et de la Bibliothèque Nationales de France (cf. transcriptions ci-dessus) est l'occasion de comprendre les rôles respectifs des acteurs francs-maçons impliqués de la famille Bréhier, dont François-Salomon qui fut maire de la commune d'Ergué-Gabéric de 1808 à 1812. |
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Autres lectures : « LE GALL Bruno & PÉRON Jean-Paul - La franc-maçonnerie à Quimper » ¤ Article de Pierre Chevallier ¤ « François Salomon Bréhier, maire (1808-1812) et avoué franc-maçon » ¤ « Les Mermet, propriétaires du manoir du Cleuyou et de Kervreyen » ¤ « Les Le Guay (1804-1917), châtelains du Cleuyou au 19e siècle » ¤
1 Présentation
Aux archives départementales d'Ile-et-Vilaine et du Finistère, les compte-rendus du Présidial Il en est de même pour les documents conservés aux Archives Nationales et au département des Manuscrits à la BnF, mais en y regardant de plus près on croit pouvoir identifier qui a fait quoi. C'est bien de la loge « L'heureuse maçonne » de Quimper que le scandale a éclaté : « un membre de cette même loge vient d'abuser de la maçonnerie pour faire de fausses lettres de change qu'il tiroit sur le Grand Orient au profit de paysans grossiers et crédules qui lui donnoient une somme modique pour en obtenir une plus considérable dans un tems limité » Cela n'a pas échappé à l'évêque Toussaint Conen de Saint-Luc Et il précise les agissements d'un « particulier franc maçon qui a effectivement surpris la douce foi des hommes simples en leur faisant payer des sommes considérables pour les aggréger à la franc maçonnerie, quoique nous ne l'ayons désigné en aucune manière, ne le connaissant pas même de nom et quoique le procureur du Roy eut pleine connoissance des manœuvres de ce jeune homme, qu'il eut vu les billets qu'il avoit donné et qu'il eut cherché à le faire évader. » |
Le procureur du Roi à Quimper, président du tribunal ou présidial Depuis 1774 lutte des deux loges concurrentes ... Adhésions des Bréhier à « La Parfaite Union »... |
2 Transcriptions
Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher
Lettre de l'évêque du 12 juin 1776
Mémoire de l'évêque du 12 juin 1776
Réponse des agents généraux du clergé le 19 juin 1776
Réponse du secrétaire de la Maison du Roi le 21 juin 1776
Lettre de l'évêque du 20 juillet 1776
Lettre de l'évêque du 18 août 1776
Lettre de la loge « La Parfaite Union » du 24 juin 1776
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« L'heureuse maçonne » au député du 25 mars 1774
Lettre du député de Grand Orient du 25 mai 1774
Lettre du 15 juillet 1774
Lettre de « La parfaite union » du 26 janvier 1776
Extraits des tableaux de la loge « L'heureuse maçonne »
Extraits des tableaux de la loge « La parfaite union »
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3 Documents d'archives
Lieu de conservation :
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Usage, droit d'image :
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Documents G/8/647 | |||||
Registre G/8/2614 | |||||
Registre O/1/472 | |||||
Lieu de conservation :
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Usage, droit d'image :
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Lettres FM/2/360 | |||||
Tableaux FM/2/360 | |||||
Lieu de conservation :
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Usage, droit d'image :
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Lettres FM/2/361 | |||||
Tableaux 1773 FM/2/361 | |||||
§ Tableaux 1775 à 1789 FM/2/361 ...
4 Annotations
- Toussaint Conen de Saint-Luc (1734-1790) est un évêque breton né à Rennes et décédé à Quimper. Nommé abbé de l'abbaye de Langonnet en 1767, il devient le dernier évêque de Cornouaille de 1773 à 1790. Prélat zélé, ultramontain, il s'oppose aux loges maçonniques de Quimper, " La Parfaite Union" et l'"Heureuse Maçonne", et dénonce en chaire les 8 et 9 juin 1776 « ces gens sans mœurs, sans scrupule ». [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Présidial, s.m. : tribunal de justice de l'Ancien Régime créé au XVIe siècle ; c'est en 1552 que le roi Henri II de France, désireux de renforcer son système judiciaire et de vendre de nouveaux offices, institue les présidiaux ; le présidial de Quimper-Corentin a été créé à cette date dans le ressort du parlement de Bretagne (Wikipedia). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 2,11 2,12]
- Mission, s.f. : suite de prédications pour l'instruction des fidèles et la conversion des pécheurs (TLFi). Les missionnaires bretons les plus connus sont Dom Michel Le Nobletz (1577-1652) et Julien Maunoir (1606-1683) ; de nombreux prédicateurs ont organisé dans les campagnes bretonnes jusqu'au 20e siècle, comme les pères Jean-Louis Rozec, René-Marie de la Chevasnerie. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Pierre Marie Mermet est lié à l'histoire d'Ergué-Gabéric car son demi-frère Vincent et son neveu Guillaume Le Guay détiendront le manoir du Cleuyou. [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Décembre 2012 Dernière modification : 21.12.2017 Avancement : [Développé] |